À moins de soixante jours du 70e Festival de Cannes, présidé par Pedro Almodovar, avec Monica Bellucci en maîtresse de cérémonie, faisons le point sur les rumeurs, pistes crédibles et pronostics de la sélection avant la conférence de presse mi-avril.
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Thierry Frémaux, le sélectionneur cannois, a beau le dire et le répéter « Les pronostics, c’est pour les turfistes, pas pour le sélectionneur de Cannes, qui a vu les films, contrairement à ceux qui en parlent. ». En effet, le délégué général du Festival de Cannes, passionné de sport et grand fan de cyclisme et de foot, s’est probablement lui aussi posé les questions de savoir qui remportera le prochain Tour de France, ou bien si l’Olympique Lyonnais parviendra en finale de la Ligue Europa. Des pronostics bien légitimes donc, tout comme celles de la presse cinéma, histoire de combler l’insoutenable attente, avant de connaître la Sélection officielle du plus grand festival de cinéma du monde.
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UN BLOCKBUSTER EN OUVERTURE ?
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Si Café Society de Woody Allen a fait l’ouverture l’année dernière, cette nouvelle édition pourrait fort bien offrir une place à un blockbuster hollywoodien ou calibré européen. Après tout, Mad Max de George Miller avait bien lancé l’édition 2015 sur les chapeaux de roues. Les candidats ne manquent pas.
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Alien Covenant de Ridley Scott aurait été une belle occasion de célébrer sur le sol cannois les 40 ans de son Prix du Jury de la première œuvre pour Les Duellistes (1977), mais sa sortie française est déjà fixée au 10 mai. D’autres regards vers le futur ou la science-fiction sont possibles. Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, déjà présent à Cannes en 2015 avec Sicario, pourrait tout aussi bien faire l’affaire, tout comme Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson. Le premier, comme d’autres « gros morceaux » attendus, « ne serait pas prêt » dit-on. Dans ce cas, le second serait très bien placé, d’autant plus que ce serait la 3e ouverture bessonienne après Le Grand Bleu (1988) et Le Cinquième Element (1997).
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Il pourrait également être question de plage et de bateaux avec Pirates des Caraïbes 5 : La Vengeance de Salazar et Dunkirk de Christopher Nolan, en partie tourné dans les Hauts-de-France. Les deux sont des candidats crédibles, hors compétition, malgré des arguments contradictoires. Jack Sparrow a déjà fait escale sur la Croisette en 2011 avec Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence tandis que le réalisateur d’Interstellar n’est jamais venu à Cannes.
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LES COMPÉTITEURS ÉTRANGERS POTENTIELS
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La présence de quelques fidèles semble bien sûr toujours très probable, en Compétition officielle ou à Un Certain Regard. Ainsi, après Le Ruban Blanc en 2009 et Amour en 2012, Michael Haneke devrait être le premier cinéaste à briguer dès cette année une 3e Palme d’Or avec Happy End, interprété par Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert et Mathieu Kassovitz. Les noms de trois autres ex-Palmes d’Or sont également avancés. Wim Wenders (Paris Texas), avec Submergence, qui réunit James McAvoy, Alicia Vikander et Charlotte Rampling, retrouverait Steven Soderbergh, avec Logan Lucky. Car son premier long métrage, Sexe, Mensonges et Video avait remporté la Palme d’Or 1989 remise par le président du jury nommé…Wim Wenders. Après La Vie d’Adèle (Palme d’or 2013), Abdellatif Kechiche pourrait être lui aussi au rendez-vous avec Mektoub Is Mektoub.
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Côté américain, Todd Haynes (Wonderstruck), Alexander Payne (Downsizing) et John Cameron Mitchell avec How To Talk To Girls At Parties dont Nicole Kidman et Elle Fanning sont les vedettes, font figure de favoris. D’Amérique toujours, mais latine cette fois, le retour du Mexicain Carlos Reygadas (Where Life is Born) est envisageable. Il pourrait même être accompagné de ses compatriotes Alfonso Cuarón (Roma) et Michel Franco (April’s Daughter).
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La Scandinavie pourrait être représentée par Euphoria de Lisa Langseth et The Square de Ruben Östlund, deux cinéastes suédois, ainsi que Thelma du Norvégien Joachim Trier. Pour L’Asie, on envisage le Okja du Sud-Coréen Bong Joon-Ho décrit comme une « aventure globale et audacieuse ». Du côté de l’Europe de l’Est, il est souvent question de Loveless du Russe Andreï Zviaguintsev, de A Gentle Creature de l’Ukrainien Sergeï Loznitsa, de Superfluous Man du Hongrois Kornel Mundruczo et de Sunset de László Nemes (Le Fils de Saul, Grand Prix Cannes 2015).
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En dehors de Pedro Almodovar et de quelques exceptions, le cinéma espagnol est peu prisé des distributeurs français et c’est bien dommage. Cannes pourrait contribuer à inverser la tendance avec Abracadabra de Pablo Berger, le réalisateur du magnifique Blancanieves, Quien te Cantara de Carlos Vermut et Oro de Agustin Diaz Yanes.
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LA FRANCE DANS LES STARTING-BLOCKS
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Comme très souvent, les rumeurs vont bon train quant à la sélection française et il y a pléthore de noms. On pourrait ainsi retrouver Jean-Luc Godard sous les traits de Louis Garrel dans Le Redoutable, le biopic de Michel Hazanavicius. Mais aussi Annette, un drame musical avec Adam Driver et Rooney Mara signé Leos Carax, Les fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin, Nos Années Folles d’André Téchiné, Rodin de Jacques Doillon, Barbara de Mathieu Amalric et Au Revoir là-haut d’Albert Dupontel, adaptation du Prix Goncourt 2013. Voire même Au Revoir, là-haut d’Albert Dupontel. Tels sont les titres qui reviennent régulièrement.
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On pourrait retrouver hors compétition ou en séance spéciale, Jean-Luc Godard, le vrai cette fois, pour nous offrir, avec Image et Parole, une nouvelle réflexion sur le Septième Art dont il a le secret. Dans ces mêmes sections, on pourrait au passage y découvrir le film posthume d’Abbas Kiarostami, 24 Frames Before and After Lumiere, ou bien encore David Lynch, avec la présentation d’un ou plusieurs épisodes de la suite de Twin Peaks.
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ET LA GENT FÉMININE ?
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Les femmes cinéastes auront-elles enfin leur mot à dire cette année ? Malgré la polémique créée en 2012 par le collectif féminin La Barbe, elles ont été peu représentées ces dernières années. Mais comme l’a rappelé Thierry Frémaux, ce n’est pas une question de quota mais de qualité des films. Des propos qui font échos à ceux de la réalisatrice Andrea Arnold, membre du jury en 2012 et en compétition l’année dernière avec American Honey : « Je n’aimerais pas que l’un de mes films soit sélectionné ici tout simplement parce que je suis une femme, comme un peu pour me faire l’aumône » .
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Pour le 70e anniversaire, il pourrait donc en être autrement, plusieurs candidates sont pressenties pour une escale sur la Croisette. Parmi elles, outre Lucrecia Martel et Lisa Langseth déjà évoquées précédemment, Sofia Coppola, qui fut en compétition avec Marie-Antoinette en 2006 et avait fait l’ouverture d’Un Certain Regard avec The Bling Ring en 2013. Son film, The Beguiled réunit du beau monde, Nicole Kidman et Elle Fanning à nouveau, mais aussi Kirsten Dunst et Colin Farrell. La réalisatrice argentine Lucrecia Martel, qui fut déjà en compétition avec La niña santa, pourrait figurer hors compétition ou en séance spéciale, avec son nouveau film Zama, coproduit par Pedro Almodovar. Il y également d’autres habituées comme Naomi Kawaze (Radiance), Lynne Ramsay (You Were Never Really Here) et Noémie Lvovsky (Demain et tous les autres jours). Et pourquoi pas Kathryn Bigelow (Detroit Riots Project), d’autant plus que la réalisatrice oscarisée n’est jamais venue en Sélection officielle. Ou encore, une Grande Dame du cinéma, Agnes Varda (Visages, visages).
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Parmi la nouvelle génération, le Mary Shelley de Haifaa Al-Mansour, avec Elle Fanning, a aussi ses chances. La réalisatrice saoudienne avait été révélée en 2013 avec Wadjda. Deniz Gamze Ergüven, dont le Mustang fut l’une des bonnes surprises de l’édition cannoise 2015, est également pressentie, mais son Kings, dont le tournage a débuté en décembre dernier, avec Halle Berry et Daniel Craig, ne sera peut-être pas prêt à temps comme d’autres films de ce tour d’horizon.
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Bien entendu, rien n’est figé quant à la Sélection officielle du 70e Festival de Cannes, qui se déroulera du 17 au 28 mai, présidé par Pedro Almodovar. Des surprises et la découverte de premiers films sont toujours possibles. C’est dans « la dernière ligne droite », chère à Thierry Frémaux, entre fin mars et début avril, que tout se décide… Encore quelques jours à patienter avant de savoir lors la conférence de presse mi-avril si les pistes étaient fiables ou les tuyaux percés. Notons pour conclure que Monica Bellucci vient d’être choisie pour être la maîtresse des cérémonies d’ouverture et de clôture de cette édition, fonction qu’elle avait déjà occupée en 2003. L’actrice italienne succède à Laurent Lafitte l’année dernière.