Résumé : Au début des années 1960, la 20th Century Fox traverse une crise sans précédent qui manque de la faire sombrer. Au cœur de cette tempête naissent pourtant deux films : Cléopâtre et Le Jour le plus long, qui marqueront l’histoire du cinéma, ainsi qu’un troisième, Something’s Got to Give, qui demeurera inachevé. Leurs destins, comme ceux de leurs protagonistes, sont étroitement liés. Ce livre met en scène un mythe blond – Marilyn Monroe – face à une légende brune – Elizabeth Taylor. La descente aux enfers de l’une, quand la vie de l’autre se rallume au feu d’une passion. Il fait aussi revivre un immense cinéaste, Joseph L. Mankiewicz, dont les ambitions se heurtent à celles du grand producteur Darryl F. Zanuck. De Los Angeles au Cinecittà de la Dolce Vita, de Londres à Paris en passant par New York, Hollywood ne répond plus nous entraîne dans un monde de pouvoirs, de jalousies et de créations. Ce récit d’une épopée, humaine et artistique, est aussi celui de la fin de l’âge d’or hollywoodien.
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Les études de cinéma ont souvent tendance à diviser l’histoire hollywoodienne en deux périodes distinctes. De 1920 à 1960, on assiste au développement et à la standardisation d’un système dominé par les majors, le vedettariat, et le Production Code (code de censure). À la fin des années soixante, la violence esthétisée de Bonnie & Clyde (Arthur Penn, 1966) et la liberté contre-culturelle de Easy Rider (Dennis Hopper, 1969) ouvrent une brèche à de jeunes réalisateurs cinéphiles. Pendant dix ans, ce seront eux qui régneront en maîtres sur Hollywood ; une période de créativité intense qui prendra fin avec le retour des diktats commerciaux imposés par les sociétés de production. Mais entre le classicisme et le « Nouvel Hollywood », une décennie charnière reste dans l’ombre. Annonçant tout à la fois la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère, le cinéma américain des années soixante figure un éclatement de surface. De surface seulement, car malgré le développement de sociétés indépendantes sur la côte Est ou l’émergence du cinéma d’exploitation, le système hollywoodien, lui, tient (toujours) bon. Se dessine ici l’enjeu de cet ouvrage qui propose au lecteur de découvrir les coulisses d’une période pas comme les autres. À partir d’un film (Cléopâtre) et de deux mythes (Marilyn Monroe et Elizabeth Taylor), Olivier Racjchman, déjà auteur d’une excellente biographie croisée d’Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, décrit avec brio l’atmosphère qui entoura le tournage de ce péplum gigantesque. Le travail de l’auteur fut, lui aussi, titanesque. Les notes consignées par Joseph L. Mankiewicz dans son journal (et dont un certain nombre sont retranscrites à la fin de l’ouvrage) laissent entrevoir les nombreux compromis du réalisateur, ses moments de doute, mais aussi ses éclairs de génie trop souvent entravés par les désirs des producteurs et les caprices de sa vedette féminine.
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Car, Rajchman le souligne bien, le désastre de Cléopâtre est aussi celui d’une structure artistique et historique. Les frasques de Taylor font écho aux excès de Monroe et apparaissent comme les symptômes d’une époque révolue. La mégalomanie du producteur Darryl Zanuck, lancé corps et âme dans le projet du Jour le plus long, ressemble à s’y méprendre à celle qui animait la folie destructrice de l’Empereur Néron. Quelle place alors pour les artistes et les rêveurs ? Le regard amer de Mankiewicz, tout comme le cynisme de Billy Wilder – deux réalisateurs dont l’auteur rappelle de façon fort argumentée l’importance dans l’histoire du cinéma et l’influence qu’ils exercèrent sur les grands auteurs de la modernité, de Fellini à Godard – apparaissent comme des refuges, des moyens de se préserver d’une chute que chacun sait pourtant inévitable.
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Hollywood ne répond plus se lit à la manière d’une fiction. La plume est habile, volontiers romanesque (à l’instar du style de Mankiewicz), mais toujours référencée et précise ; un ensemble de qualités qui susciteront à coup sûr la curiosité du lecteur. Rajchman donne envie de se replonger dans les films, de redécouvrir leurs origines, pour vérifier et peut-être réévaluer les jugements (un peu) trop hâtifs adressés à leur égard.
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- HOLLYWOOD NE RÉPOND PLUS par Olivier Rajchman disponible aux Éditions Baker Street depuis le 18 mai 2017
- 416 pages
- 21€