Résumé : Comme tous les films du genre, les westerns de John Ford sont liés aux événements fondateurs de l’histoire des États-Unis. Mais on ne saurait les réduire à des films historiques. Car c’est moins la trame des événements qu’ils mettent en scène que sa mise en forme. En articulant le présent au passé, en accueillant la contingence et la singularité du réel, en questionnant le rapport entre vérité et illusion, ces films réfléchissent les enjeux épistémologiques de l’histoire. Cette étude aborde ainsi ces westerns comme des films métahistoriques et analyse les effets de redoublement que produit, sur l’écriture cinématographique de Ford, cette rencontre avec l’écriture de l’histoire.
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« When the legend becomes fact, print the legend. » La célèbre réplique de L’Homme qui tua Liberty Valance exprime assez bien les rapports que les westerns de John Ford ne cessèrent jamais de tisser avec l’histoire de leur nation. Pourtant, si cette affiliation semble évidente, l’ouvrage de Cécile Gornet, ancienne élève de l’École Normale Supérieure et enseignante en philosophie au lycée Henri IV à Bézier, vient nous rappeler la multiplicité des approches supposées par celle-ci. John Ford en Homère de l’Amérique, sans doute, mais selon une perspective double et dialectique, entrelaçant l’écriture filmique et celle de l’Histoire, la représentation et son acte créateur. D’où le prisme du cinéma comme miroir de l’approche historique. Pour l’auteure, ce qui se joue dans les westerns de Ford, « ce n’est pas tant le cours des événements historiques que la façon dont il est mis en forme, par l’écriture de la discipline historique. » En se concentrant sur les westerns parlants du réalisateur, de La Chevauchée Fantastique (1939), qui signe le renouveau du genre jusqu’au crépusculaire Les Cheyennes (1964), Gornet adopte une approche pluridisciplinaire non marquée, fondant au sein d’une même réflexion les pratiques de l’analyse filmique, historique, anthropologique et civilisationnelle. Du motif de la Frontière à la question du souvenir et de la mémoire, du récit mythique ou du paysage, Gornet revient avec une précision toute scientifique sur les tenants et aboutissant des westerns fordiens. De fait, le traditionnel rapport de l’Histoire et du western s’en voit considérablement approfondi. L’étude prend en considération la méthodologie du réalisateur (de la phase d’écriture au tournage et au montage) afin d’éclairer les conditions régissant la représentation historique de ses films. La focalisation sur une œuvre ou un aspect formel en particulier (bande-musicale, échelle de plans, montage, cadre dans le cadre, focalisations, couleurs) permet de souligner le caractère auto-réflexif de l’œuvre fordienne. À l’horizon de l’Histoire, le cinéma, et inversement. Si le corpus filmique reste délimité, Gornet n’hésite pas à comparer la manière de Ford à celle d’autres réalisateurs de westerns (La Piste des Géants et La Charge Fantastique de Raoul Walsh dont la représentation du Général Custer est mise en parallèle avec celle proposée par Ford dans Fort Apache ; les différences opposant les paysages d’Anthony Mann à ceux de Ford…), tout en revenant de façon ponctuelle à certains films muets du réalisateur (Le Cheval de Fer, entre autres). Signalons que la qualité de l’écriture est servie par de nombreuses illustrations noir et blanc et couleurs, secondant parfaitement les descriptions apportées par l’auteure. À l’index des noms s’ajoute une bibliographie très complète portant sur l’œuvre de John Ford, le western, mais aussi l’écriture historique et les rapports entre histoire, géographie et cinéma.
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- L’ÉCRITURE DE L’HISTOIRE AU MIROIR DU CINÉMA. LES WESTERNS DE JOHN FORD
- Auteur(s) : Cécile Gornet
- Édition : Classiques Garnier
- Collection : Recherches cinématographiquesÂ
- Date de parution : 19 juillet 2017
- Pages : 195
- Tarifs : 29 € (broché)