Résumé : Artiste infatigable, qui tourne encore à 90 ans, proche d’Andy Warhol (il l’a notamment assisté sur le tournage d’Empire), Jonas Mekas fut aussi l’un des plus grands critiques cinématographiques américains. De 1959 à 1971, il officie dans plusieurs revues new-yorkaises et y déploie une écriture hautement poétique et amoureuse, dont la seule valeur littéraire justifierait amplement cette édition. Farouchement libertaire, il appelle à la libération du cinéma, déclame sa passion pour « l’art qui n’a d’autre but que sa propre beauté : il est tout simplement comme les arbres sont. »
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Après la publication des écrits d’Alfred Hitchcock (en deux volumes), et des mémoires de John Boorman (Prix 2017 du Syndicat Français de la Critique de Cinéma), la maison Marest enrichit son catalogue étranger du Movie Journal de John Mekas. Regroupant l’ensemble des textes publiés par le réalisateur entre 1958 et 1971 pour la revue new-yorkaise Village Voice, cette anthologie profite d’une liberté de ton et d’un éclectisme particulièrement stimulants. Classés de façon chronologique, les articles de Mekas s’articulent d’abord autour d’une défense tout azimut du « Nouveau cinéma américain » (comprendre le cinéma d’avant-garde de la côte est, exemplairement représenté par les premières productions de Lionel Rogosin, Maya Deren, ou John Cassavetes). Mais au-delà de ce seul contexte, l’ouvrage synthétise remarquablement une pensée du cinéma oscillant entre un solipcisme critique et un amour des sensations (qui dépasse d’ailleurs le seul cadre des films pour investir l’ensemble du dispositif cinématographique). Kurosawa, Fellini, Bogart, Dean, ou Brando hantent l’imaginaire cinéphilique de Mekas, symptômes de l’évolution du cinéma international et du renouveau de la culture américaine apparu au tournant des années cinquante. Sur les sillons de la littérature beatnik et de la mouvance contre-culturelle des sixties, Mekas envisage le cinéma comme un art total. Gare aux productions qui ne répondraient pas aux imprécations essentialistes de celui-ci ! Volontiers polémique, le ton emprunté par Mekas invite au débat tout en s’assurant la partialité d’une attitude syncrétique (en cela, son écriture se distingue de celle de Manny Farber, autre grand défenseur d’un cinéma auto-réflexif). Parfaitement traduits par Véronique Gourdon, les propos du réalisateur relève d’une clarté que renforce encore la cohérence de son Å“uvre manuscrite (véritable pendant, on l’aura compris, de ses contributions filmiques). La présence d’un index des films et des noms se révèle particulièrement précieuse, l’éditeur ayant par ailleurs eu l’excellente initiative de proposer une bibliographie sélective concernant la carrière (de critique et de réalisateur) de Mekas.
- MOVIE JOURNAL
- Auteur : Jonas Mekas
- Traduction : Véronique Gourdon
- Éditions : Marest Éditeur
- Collection : Domaine étranger
- Date de parution : avril 2018
- Format : 576 pages
- Tarif : 19 €