Synopsis : À Haddonfield, dans l’Illinois, Michael Myers, 6 ans, assassine sauvagement sa grande soeur le soir d’Halloween. Quinze ans plus tard, il parvient à s’évader de l’hôpital psychiatrique et prend la route de sa ville natale. Son psychiatre, le docteur Loomis, se lance à sa poursuite…
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Un psychopathe masqué assassine une à une des jeunes filles dans une maison isolée, pendant une nuit lugubre… Cliché du genre, avez-vous dit ? À l’origine des stéréotypes, il y a toujours une oeuvre originelle, et pour le genre du slasher, il s’agit d’Halloween, qui fête cette année ses quarante ans, bénéficie d’une ressortie en salles en version remastérisée ainsi que d’une suite. Comment en est-on arrivés là ? Dans l’histoire du cinéma, Halloween n’est pas le premier film avec un tueur au couteau : il faut bien sûr citer Psychose d’Alfred Hitchcock, les giallo italiens et, juste avant Halloween, les films Black Christmas et Massacre à la Tronçonneuse qui ont jeté les bases du genre. Or, Halloween est la supernova du genre. John Carpenter a créé les clichés qui seront rongés jusqu’à l’os du psychopathe au couteau, de la final girl, les victimes qui abusent des drogues et du sexe et ne remarquent pas le tueur, ou du thème musical du tueur. Sans Michael Myers, pas de Jason Voorhees, de Freddy Krueger, de Chucky ou de Ghostface… En 1976, le producteur Irwin Yablans a une idée de film : un tueur fou qui massacre des baby-sitters. Lui qui a travaillé sur la production des Dents de la Mer, il se lance avec son comparse, le Syro-Américain Moustapha Akkad (dont l’autre contribution au cinéma demeure Le Message), en quête d’un réalisateur. Or, John Carpenter, 29 ans à l’époque, s’est déjà fait remarquer pour Dark Star et Assaut, succès critiques et surtout réalisés avec très peu de moyens. Lui qui a fait ses armes dans la science-fiction, il accepte de se lancer dans l’horreur, moyennant 10 000 dollars pour le scénario, la réalisation et la musique, contre un contrôle créatif absolu, chose rare pour un jeune réalisateur. Le script est écrit en 10 jours, par John Carpenter et sa compagne d’alors Debra Hill. Au lieu d’en faire un film d’horreur classique, le duo s’inspire des légendes autour d’Halloween et d’histoires de maisons hantées.
Leur idée est de créer une véritable incarnation du Mal absolu, impossible à arrêter et capable de semer la terreur dans une petite ville. Michael Myers, le tueur du film, est un être surnaturel, capable de résister à des coups d’aiguille à tricoter, de cintre, de couteau, aux balles et aux chutes. C’est ce qui le rend d’autant plus potent comme incarnation du Mal. Sa silhouette massive erre sans autre bruit que celui de sa respiration, dans la maison. Son masque blanc, sans aucune expression, a une origine bien moins terrifiante : il s’agit d’un masque du Capitaine Kirk dans Star Trek, acheté au coin de la rue pour un dollar et repeint ! “The Shape” (la Forme, comme le générique l’appelle) est campée par Nick Castle, un ami de fac de John Carpenter, payé 25 dollars la journée pour sa performance. Quand le tueur perd son masque (dans un moment étrange, comme si le monstre retrouvait un semblant d’humanité), ce n’est pas même pas lui, mais l’acteur Tony Moran. Le rôle le mieux payé est celui de Sam Loomis, le psychiatre et ennemi juré de Michael Myers.
Pour le jouer, Carpenter recrute Donald Pleasence, second couteau régulier d’Hollywood, cantonné aux rôles de méchants grâce à son regard bleu acier et surtout célèbre pour avoir joué Blofeld, l’ennemi de James Bond, dans On ne vit que deux fois. Peter Cushing et Christopher Lee, respectivement le Dr. Frankenstein et Dracula dans les films de la Hammer, refusèrent le rôle. De son propre aveu, ce dernier considère ceci comme la pire erreur de sa carrière. Pleasence, qui retrouvera Carpenter trois ans plus tard pour incarner le Président des États-Unis dans New York 1997, est parfait pour le rôle, surtout pour ses monologues qui traduisent la psychologie de Michael Myers. Carpenter et Hill étant cinéphiles, il porte le même nom que le personnage de John Gavin dans Psychose. D’ailleurs, Laurie Strode, l’héroïne, est jouée par Jamie Lee Curtis, une véritable inconnue à l’époque, et fille de Janet Leigh, la fameuse victime de Psychose.
Dès la scène d’ouverture, le ton est donné. On voit toute l’action par les yeux de Michael Myers, lorsqu’il espionne sa soeur en train de faire l’amour, avant de la poignarder. Grâce à un usage ingénieux de la steadicam, alors une caméra toute nouvelle, le spectateur se retrouve véritablement à la place du tueur, voyeur comme lui, traquant sans bruit ses proies dans l’obscurité. L’une des nombreuses critiques faites à Halloween, et aux slashers en général, serait sa misogynie sous-jacente : un tueur de sexe masculin, invincible, tue des jeunes filles peu vêtues, de petite vertu et aimant s’adonner aux substances illicites. La seule qui reste, et qui éventuellement vainc le monstre, est pure et vierge. Ce en quoi John Carpenter s’est toujours défendu : s’il faut lire un message dans le film, c’est bien celle de l’absence des figures parentales, et certainement pas une morale bien-pensante. Non seulement c’est bien Laurie Strode qui bat (plus ou moins) efficacement le tueur, et non le Dr. Loomis, seule autre figure masculine, mais John Carpenter n’y voit qu’un simple film d’horreur. Rien de plus.
Lors du premier visionnage de Halloween devant les distributeurs, ces derniers refusent le film. Mais c’est alors que John Carpenter ajoute la musique. Avec son célébrissime thème, rythmé au synthétiseur à la vitesse des battements de coeur de la victime, le film acquiert totalement son identité et les producteurs acceptent de le projeter dans quatre cinémas à Kansas City. Lorsqu’il sort une semaine avant Halloween 1978, le film, qui n’avait coûté que 300 000 dollars, en rapporte 70 millions, avec 30 millions de tickets vendus aux États-Unis, en faisant l’un des films les plus profitables de l’histoire, avec très peu de publicité, devenant un succès grâce au bouche à oreille. Les critiques sont dithyrambiques, et John Carpenter devient du jour au lendemain un réalisateur célèbre.
Il supervisera une suite, Halloween II de Rick Rosenthal en 1981, qui reprend les évènements du film là où il s’est arrêté, puis Halloween III : Le Sang du Sorcier, qui n’a aucun rapport avec Michael Myers et fera un échec. Ce dernier reviendra à partir de 1988, dans une série de cinq autres films de qualité souvent très mauvaise. Rob Zombie, en 2007 et 2009, réalisera deux remakes, conçus comme de véritables hommages et souhaitant réactualiser les thèmes du film originel. En 2018, enfin, le Halloween de David Gordon Green a reçu l’aval de John Carpenter, qui signe la musique, et voit le retour de Jamie Lee Curtis et Nick Castle. Mais au-delà de la simple franchise, Halloween a vraiment marqué une date charnière dans l’histoire du cinéma d’horreur. John Carpenter a créé un filon et Hollywood va s’y engouffrer : Vendredi 13 (1980), Les Griffes de la Nuit (1984), Jeu d’Enfants (1988), leurs ribambelles de suites et d’autres films qui ne sont pas restés dans les mémoires vont décliner le tueur invulnérable adepte de l’arme blanche à toutes les sauces jusqu’à ce que le genre se fane… Et que le genre se retrouve détourné et remis au goût du jour par Scream en 1996. Le slasher est devenu une pierre angulaire du cinéma d’épouvante et revoir Halloween laissera peut-être un goût de déjà-vu à ceux qui le découvrent, mais il brille encore du génie dont tout est sorti.
Arthur de Boutiny
- HALLOWEEN – LA NUIT DES MASQUES (Halloween)
- Ressortie salles : 24 octobre 2018
- Version restaurée 4K
- Réalisation : John Carpenter
- Avec Donald Pleasence, Jamie Lee Curtis, Nick Castle, Nancy Loomis, P. J. Soles, Charles Cyphers, John Michael Graham
- Scénario : John Carpenter, Debra Hill
- Production : Moustapha Akkad , Irwin Yablans, John Carpenter, Debra Hill
- Photographie : Dean Cundey
- Montage : Tommy Lee Wallace
- Décors : Craig Stearns
- Costumes :Beth Rodgers
- Musique : John Carpenter
- Distribution : Splendor Films
- Durée : 91 minutes
- Sortie initiale : 25 octobre 1978 (États-Unis), 14 mars 1979 (France)