Synopsis : Alice, mère célibataire, est une phytogénéticienne chevronnée qui travaille pour une société spécialisée dans le développement de nouvelles espèces de plantes. Elle a conçu une fleur très particulière, rouge vermillon, remarquable tant pour sa beauté que pour son intérêt thérapeutique. En effet, si on la conserve à la bonne température, si on la nourrit correctement et si on lui parle régulièrement, la plante rend son propriétaire heureux. Alice va enfreindre le règlement intérieur de sa société en offrant une de ces fleurs à son fils adolescent, Joe. Ensemble, ils vont la baptiser » Little Joe « . Mais, à mesure que la plante grandit, Alice est saisie de doutes quant à sa création : peut-être que cette plante n’est finalement pas aussi inoffensive que ne le suggère son petit nom.
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Déjà membre du jury à plusieurs reprises, la cinéaste autrichienne Jessica Hausner a présenté cette année son premier long métrage, tourné en anglais, en compétition officielle au Festival de Cannes. Fable dystopique qui tourne autour des expérimentations scientifiques sur la fleur dont le nom fait référence au fils de sa créatrice et titre le film, Little Joe s’imprègne du genre de la science-fiction. Sorte de métaphore de la puissance de l’industrie pharmaceutique, et peut-être aussi de celle liée à l’agroalimentaire, elle s’édifie à partir d’une plante qui change le comportement des gens respirant son pollen. Si le schéma de la contamination est récurrent dans ce registre cinématographique, l’originalité ici est que cette contagion ne joue pas sur les ressorts habituels de la peur au cinéma. Se déroulant du point de vue d’Alice, phytogénéticienne et mère célibataire, co-créatrice de Little Joe avec son collègue Chris (Ben Whishaw), ce rôle a valu à Emily Beecham (Ave, César !, 28 semaines plus tard, Daphne) le Prix d’interprétation féminine lors de cette 72e édition du Festival de Cannes. Une récompense que l’actrice anglo-américaine mérite amplement pour avoir su donner de l’ambigüité à son personnage sans avoir recours aux moyens classiques afin de semer le trouble et angoisser les spectateurs. Certes, l’aspect un peu trop contemplatif, sans aucune manifestation vraiment marquante, peut ennuyer parfois. Pourtant, cet apparent défaut confère aussi un charme et une douceur, soulignée par la BO élaborée à partir de morceaux du musicien japonais Teiji Ito, qui a souvent travaillé sur les films de Maya Deren, au long-métrage duquel ressort une empreinte propre à la cinéaste. On remarque également un travail très intéressant au niveau de l’image conçue par Martin Gschlacht (Lovely Rita, Hotel, Amour fou) directeur de la photographie fétiche de la réalisatrice, et surtout de la couleur : les tons froids caractéristiques du milieu laborantin laissent place au rouge vermillon de la fleur qui se propage dans les décors au fur et à mesure que les effets supposés du pollen se répandent sur les personnages, peut-être pour signifier une science qui devient chaque fois plus omnipotente, à l’image de ce qu’a été la religion autrefois. Mais ce n’est que l’un des sens multiples que l’on peut donner à Little Joe, car il s’agit d’une œuvre ambivalente qui nous laisse la liberté de concevoir notre propre interprétation des événements qui se déroulent à l’écran.
- LITTLE JOE
- Sortie salles : 13 novembre 2019
- Réalisation : Jessica Hausner
- Avec : Emily Beecham, Ben Whishaw, Kerry Fox, Kit Connor, David Wilmot, Phénix Brossard, Sebastian Hülk, Lindsay Duncan, Leanna Best, Goran Kostic, Yana Yanezic, Andrew Rajan
- Scénario : Jessica Hausner et Géraldine Bajard
- Production : Jessica Hausner, Philippe Bober, Bertrand Faivre, Martin Gschlacht, Gerardine O’Flynn, Bruno Wagner
- Photographie : Martin Gschlacht
- Montage : Karina Ressler
- Décors : Katharina Wöppermann
- Costumes : Tanja Hausner
- Musique : Teiji Ito
- Distribution : Bac Films
- Durée : 1h45