Synopsis : Vérité et mythe se confondent dans ce film de Martin Scorsese sur la tournée Rolling Thunder Revue de Bob Dylan durant l’automne 1975.
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Alors que le prochain film de gangsters de Martin Scorsese, The Irishman, avec Robert De Niro et Al Pacino, se fait douloureusement attendre, le réalisateur profite de son partenariat avec Netflix pour revenir à un autre de ses grands amours : le rock’n’roll. Après No Direction Home en 2005, Marty livre un nouveau documentaire sur Bob Dylan, en particulier sur sa tournée la plus connue, la Rolling Thunder Revue de 1975 à 1976. Pour ceux qui connaîtraient mal l’œuvre de Dylan, en 1975, dans l’Amérique encore choquée par le Watergate et la défaite au Vietnam, il fait son retour avec la sortie de son disque Blood on the Tracks et reprend la scène après huit ans de hiatus. Il réunit Joan Baez, Bob Neuwirth, Joni Mitchell, Ronnie Hawkins, le pape de la Beat Generation Allen Ginsberg, et l’ancien guitariste de David Bowie, Mick Ronson. La troupe rock déambule aux États-Unis de l’automne 1975 au printemps 1976, s’annonce au dernier moment dans les villes-étapes et joue dans de petites salles, plus intimes, malgré 70 personnes présentes sur la tournée. De fait, le documentaire reprend les images tournées par Bob Dylan lui-même sur la tournée, qui ont formé Renaldo et Clara, un film expérimental de quatre heures disparu des salles après quelques jours. De cette matière brute, Scorsese fait son marché, disséminant des images, des coulisses et des performances de Dylan grimé, interprétant Blowin’ in the Wind, Hurricane ou une reprise rock de The Lonesome Death of Hattie Carroll. À cela s’ajoutent des interviews contemporaines de Bob Dylan, à 77 ans, des autres musiciens, même convoqués à travers la tombe, tel Allen Ginsberg. Et c’est là que le documentaire prend un nouvel angle.
On l’avait vu avec I’m Not There, de Todd Haynes, difficile de raconter l’histoire du ménestrel du rock sans avoir recours à la fiction. Comme il le dit lui-même, face caméra : « Si quelqu’un porte un masque, il dira la vérité ; s’il ne porte pas de masque, c’est très improbable ». À la manière d’Orson Welles dans Vérités et Mensonges, Scorsese et Dylan entremêlent dans les images et les interviews réalité et fantasme dans une revue qui devient de plus en plus onirique. Non, Sharon Stone n’a jamais été costumière sur la tournée ; il n’y a jamais eu de cinéaste expérimental du nom de Stefan Van Dorp ; le représentant du Congrès Jack Tanner, ami de Jimmy Carter, est sorti tout droit d’une série télé de Robert Altman. Mais d’autres séquences qui pourraient résulter d’une vision rêveuse sont en revanche bien réelles, comme l’émouvante visite de Dylan et Ginsberg sur la tombe de Jack Kerouac ou la rencontre avec les Iroquois.
Martin Scorsese, main dans la main avec son sujet, réussit un travail d’équilibriste grandiose entre fiction et documentaire, ressuscitant une époque révolue, celle du rock troubadour, à un moment où Bob Dylan est à présent récipiendaire du Nobel et où Martin Scorsese appartient aux classiques. Les deux entretiennent leur légende du même mouvement et fans de Dylan comme de cinéma devront impérativement se jeter sur cette œuvre.
Arthur de Boutiny
- ROLLING THUNDER REVUE : A BOB DYLAN STORY BY MARTIN SCORSESE
- Diffusion : depuis le 12 juin 2019
- Plateforme / Chaîne : Netflix
- Réalisation : Martin Scorsese
- Avec : Bob Dylan, Allen Ginsberg, Patti Smith, Martin Von Haselberg, Scarlet Rivera, Joan Baez, Roger McGuinn, Larry « Ratso » Sloman, Jim Gianopulos, Ramblin’ Jack Elliott, Sam Shepard, David Mansfield, Sharon Stone, Michael Murphy
- Production : Margaret Bodde, Jeff Rosen
- Photographie : Paul Goldsmith, Ellen Kuras
- Montage : Damian Rodriguez, David Tedeschi
- Durée : 2h22