Résumé : Ce documentaire envoûtant fait entendre la parole rare d’un cinéaste aussi génial que secret. Vingt ans après sa mort, tout semble avoir été dit sur Kubrick. Sa hantise des médias a contribué à épaissir le mystère qui l’entoure. Le critique de cinéma Michel Ciment, également directeur de la revue Positif et chroniqueur au Masque et la plume, fait partie des rares journalistes à l’avoir interviewé à plusieurs reprises.
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Bien qu’en cette période de confinement le terme de « nouveauté » (tout du moins dans le domaine du cinéma) soit quelque peu passé de mode, certains canaux de diffusion parviennent à articuler actualité et patrimoine. Ainsi de la chaîne de télévision Arte qui via son site internet propose de découvrir gratuitement et en intégralité des documentaires dans sa section Les Grands du 7e art. Ce 12 avril à 23h55 une soirée spéciale était consacrée sur Arte à Stanley Kubrick avec Kubrick par Kubrick (visible sur le site) réalisé par Gégory Monro (déjà réalisateur de documentaires consacrés à Louis de Funès, Jerry Lewis, Pierre Richard, Michel Legrand, ou James Stewart et Robert Mitchum). Deux fils rouges traversent ce film. D’abord la célèbre chambre au décor abstrait et au mobilier XVIIe siècle de 2001 qui se présente à la fois comme une cabine de projection et une salle de musée accueillant affiches, costumes, et autres accessoires (des lunettes de soleil de Lolita au masque de Eyes Wide Shut). Ensuite, les célèbres entretiens réalisés par le critique et historien du cinéma Michel Ciment (par ailleurs crédité comme conseiller artistique) avec Kubrick. Ces discussions entre les deux hommes (qui avaient déjà fait l’objet d’une diffusion sur France Culture et structurent l’incontournable ouvrage de Ciment consacré au réalisateur) permettent de poser un regard subjectif et souterrain sur les productions de Kubrick. Aux thématiques distinguées par le critique (dont l’essentiel rapport tumultueux entre la raison de la civilisation et l’agitation des pulsions intérieures de l’Homme) répond les différentes remarques du cinéaste qui revient longuement sur la conception de ses films.
Monro a eu la bonne idée de réaliser et recycler des entretiens avec ses collaborateurs de création : acteurs (Tom Cruise et Nicole Kidman, Malcolm McDowell, Jack Nicholson, Sterling Hayden), compositeur (Leonard Rosenman qui dirigea l’orchestration des composition de Barry Lyndon) et chef-opérateur (Garett Brown, principalement connu pour son expérimentation de la Steadicam sur le tournage de Shining). En résulte un portrait assez intéressant et complet de Kubrick, poète perfectionniste oscillant entre la recherche de liberté et une misanthropie calculée. Du point de vue de son organisation, le documentaire assume une traversée libre de la chronologie consacrée. Au risque constant de la dispersion, Monro oppose une volonté de maîtrise qui assure, en définitive, la cohérence de sa production.
Entre films d’archive et extraits de séquences, le spectateur se régale et ressent rapidement l’envie de retourner à l’œuvre du maître. Cette seule qualité souligne la réussite de ce documentaire qui concilie soucis de synthèse et profondeur de l’exploration monographique.
- KUBRICK PAR KUBRICK
- Diffusion : 12 avril 2020 à 23h55 pour une soirée spéciale sur Arte
- Disponible en ligne en intégralité et gratuitement sur le site d’Arte du 5 avril au 10 juin 2020.
- Réalisation : Grégory Monro
- Production : Martin Laurent et Jeremy Zelnik
- Conseiller artistique : Michel Ciment
- Photographie : Radoslaw Ladczuk
- Montage : Philippe Baillon
- Musique : Vincent Theard
- Décors : Natalia Melak
- Durée : 1 heure