Websérie / Merci de ne pas toucher ! : critique

Publié par CineChronicle le 26 février 2021

Synopsis : C’est dans une laverie ou sur un terrain de foot qu’Hortense, prof d’histoire de l’art atypique, explique quelques-uns des « chefs d’œuvre » de la peinture classique européenne et en dévoile la puissance érotique. Les « grands maîtres » n’ont qu’à bien se tenir car ici on touche à tout, le quotidien devient un musée vivant et le passé s’incarne dans les corps d’aujourd’hui.

♥♥♥♥

 

Webserie Merci de ne pas toucher

Merci de ne pas toucher – websérie

Pour ceux qui sont en manque de musée en cette période de crise sanitaire, il est possible de voir ou plutôt (re)voir quelques chefs-d’œuvre de la peinture européenne dans cette websérie épicée, Merci de ne pas toucher !  Mais attention, ici, le visiteur ne déambule pas virtuellement à travers de vastes salles vides pour contempler les dix toiles qu’Hortense Belhôte va lui commenter. Ce sont plutôt ces toiles de maîtres, du XVe au XIXe siècles, qui quittent le musée pour venir à la rencontre du public. Et la rencontre promet d’être décapante. Cette série est construite en une succession de capsules courtes dont le procédé se décline à l’identique. Chaque épisode traite d’un célèbre tableau du patrimoine artistique occidental et porte un titre décalé et intrigant. Qui pourrait penser que Bifidus passif traite de La Laitière de Vermeer, Dirty Diana de Diane et Callisto du Titien ou Gazons de L’Olympia d’Edouard Manet ? Cette façon iconoclaste de nommer est au diapason du ton employé pour parler de ces chefs-d’œuvre intouchables. Hortense Belhôte dévoile les contenus implicitement ou explicitement érotiques des toiles choisies entre sous-entendus coquins et allusions sexuelles.

 

Merci de ne pas toucher - webserie

Merci de ne pas toucher – websérie

 

Pour autant, l’analyse de l’œuvre ne cède en rien à une lecture bâclée, son érudition instruit les spectateurs néophytes. Maîtrisant parfaitement l’histoire de l’art, Hortense Belhôte sait replacer chaque œuvre dans son contexte. Rien n’échappe à sa description, elle connaît sur le bout des doigts la technique picturale de l’artiste ou les enjeux esthétiques et moraux de l’époque avec lesquels le peintre doit composer. 

 

Comme cette anecdote sur La Vénus à son miroir de Vélasquez. En 1914, une suffragette sort un hachoir à la National Gallery et lacère la toile pour protester contre l’érotisation systématique du corps de la femme et revendiquer l’égalité des sexes. Ou bien encore le dévoilement de L’origine du Monde de Courbet. Le tableau n’avait jamais été montré en public depuis sa création et avait toujours circulé dans des collections privées. C’est le psychanalyste Jacques Lacan qui en a été le dernier acquéreur avant d’en faire don à l’État français. Exposée au musée d’Orsay, l’œuvre a fait « le buzz comme la dernière sextape de Kim Kardashian » !

 

C’est avec ce langage cru et bien trempé qu’Hortense Belhôte dépoussière les précautions rhétoriques habituelles des historiens d’art pour aborder ces monuments culturels. Mais elle va plus loin et dévoile sans détour l’essentiel du tableau, ce qui l’anime réellement : son potentiel érotique. La description de certains détails, comme pour la toile du Pérugin où le bout rougi d’une écharpe tombe négligemment dans l’entrecuisse de Saint-Sébastien, est particulièrement évocatrice. Hortense souligne à plusieurs reprises les indices d’une érotisation codée flirtant allègrement avec la censure et la bienséance de l’époque pour dissimuler toute licence sexuelle.

 

Merci de ne pas toucher - webserie

Merci de ne pas toucher – websérie

 

Par ricochet, il faut bien admettre que les pratiques érotiques de nos contemporains n’ont rien à envier à celles déjà bien éprouvées par les générations passées. À quelques siècles de distance, il était temps de parler sans tabou de ces toiles et de les descendre de leur piédestal, enfermées pour l’éternité entre les murs des musées. Relus avec un regard féministe et sous l’angle du genre, les lesbiennes, les homosexuels, les trans et autres créatures mythologiques remplissaient déjà de leurs extases les toiles. Notre époque n’a rien inventé.

 

Avec un générique pop aux couleurs acidulées et une musique électronique de clubbers, les passerelles entre peinture classique et univers queer sont nombreuses. Performeuse, Hortense Belhôte nous entraîne avec énergie et humour dans une histoire de l’art croisée avec une liberté sexuelle insolente et assumée. Les orgies sont nombreuses, même si recouvertes du prétexte hypocrite de la reproduction de scènes sacrées. À chaque fin de capsule, les figurants prennent la pose pour reproduire la composition du tableau détournant les objets triviaux du décor où ils sont filmés.

 

Drôle, impertinente, érudite, pédagogique, cette websérie est un peu la rencontre inattendue de la peinture classique avec une Gay Pride bigarrée et festive. Chaque capsule est à déguster sous la langue comme un délicieux bonbon à la saveur explosive.

 

Hélène Joly

 

 

 

  • MERCI DE NE PAS TOUCHER
  • Diffusion : depuis le 23 février 2021
  • Chaîne / Plateforme :  Arte.tv
  • Création : Hortense Belhôte
  • Réalisation : Cecilia de Arce
  • Avec : Hortense Belhôte
  • Production : Arte et Kazak Productions
  • Photographie : Juliette Barrat
  • Montage : Anne-Laure Viaud
  • Costumes : Hugo Bardin
  • Musique : Marc Bret-Vittoz
  • Durée : 10 x 4 minutes

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