Résumé : Le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin est assassiné. Avec L’Arène du meurtre, Amos Gitai, architecte et bâtisseur de films, se saisit de ce drame : c’est la première étape d’un processus de création et de réinterprétation mêlant journal intime, archives et fiction, qui essaime ensuite dans une œuvre multiforme. L’exposition Amos Gitai / Yitzhak Rabin et cet ouvrage mettent au jour toutes les formes — cinéma, théâtre, expositions, installations… — mises en jeu par un artiste « embarqué » dans l’histoire de son temps.
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Figure emblématique de l’Histoire contemporaine d’Israël, Yitzhak Rabin a tracé un parcours dont la résolution tragique reste directement liée à l’impossible conciliation politique des pays du Moyen-Orient. Inspiré par l’homme, ses projets et ses ambitions démocratiques, le réalisateur Amos Gitai a proposé d’édifier une œuvre plurielle composée de films documentaires (Donnons une chance à la paix [1994] ; L’Arène du meurtre [1996] ; Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin [2015]), d’une mise en scène théâtrale (Yitzhak Rabin, chronique d’un assassinat [2016]) et d’une exposition de collages photographiques (Yitzhak Rabin – Amos Gitai). Cette forme composite fait écho à la propre approche audio-visuelle du réalisateur dont les procédés phares (plan-séquence, fondus-enchaînés) expriment une volonté de relier un ensemble d’éléments tout en soutenant la rupture qui se trouve à l’origine de leur association. Cet aspect se retrouve directement dans la forme de ce bel ouvrage coordonné par l’auteure et éditrice Colline Faure-Poirée. Les textes rédigés par l’historien du cinéma et critique Antoine de Baecque et les historiens français et israéliens Patrick Boucheron et Ouzi Elyada, soulèvent les singularités de l’œuvre de Gitai tout en cherchant à décrypter les rapports entre cinéma et Histoire.
Les trois auteurs se réunissent autour de l’idée que le médium cinématographique se présente comme un outil d’écriture et de sculpture à même de tisser un lien contextuel entre l’événement historique et l’image en mouvement. Ces propos introduisent brillamment la prose du cinéaste qui se décline à travers une série de vers, la retranscription de certains entretiens réalisés pour ses films documentaires ou de passages de sa pièce consacrée à l’assassinat de Rabin, la reprise d’interviews d’archive, et la reproduction de ses collages.
Le caractère disparate qui détermine cet assemblage de documents confère à l’ensemble une harmonie intérieure dont la loi principale réside dans la capacité du réalisateur et de son lecteur à comprendre et à décrypter la qualité d’union propre au motif de la fissure. De page en page, d’image en image, de parole en parole, le livre décrit avec une exactitude toute subjective la dissolution d’un espoir de paix et la représentation de ruines faites d’encre, de sang, et de celluloïd. Si l’assassinat du Président américain John Fitzgerald Kennedy avait fait de l’image en mouvement l’indice crucial du cheminement de l’Histoire, la mort de Yitzhak Rabin semble être à l’origine d’un cheminement plus éclaté, voire inversé.
Ce n’est plus l’image qui impose la vérité de l’événement, mais la façon dont le témoin et le créateur parviendront à s’en saisir et à en amplifier les portées supposées. Et à ce travail de construction que nous convie le présent ouvrage qui, à l’instar des œuvres artistiques et politiques de Gitai et Rabin, confère une palpabilité au concept de l’humanisme.
- AMOS GITAI – YITZHAK RABIN. CHRONIQUES D’UN ASSASSINAT
- Autrice : Colline Faure-Poirée (sous la direction de)
- Éditions : Gallimard / Bibliothèque nationale de France
- Date de parution : 1er février 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 240 pages
- Tarifs : 26 €