Résumé : La caméra est une sorte de fétiche. Ce n’est pas seulement une machine à reproduire, capable de répliquer le mouvement, la couleur et la texture parallèlement à un dispositif d’enregistrement du son. C’est une machine qui a acquis, dans la seconde moitié du XXe siècle, le pouvoir d’un objet cérémoniel qui atteste que l’événement a réellement eu lieu. La caméra devient le chroniqueur de notre époque, elle est en ce sens le fétiche moderne par excellence. Filmer, c’est prendre une série de décisions qui déterminent non seulement ce qui sera inclus dans le cadre, mais aussi ce qui n’y sera pas. Cela signifie que nos choix comprennent une part de mise à distance.
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Inaugurant la série de neuf cours donnés par le réalisateur israélien Amos Gitaï au Collège de France en 2018-2019, cette petite leçon de cinéma condense les mérites d’une Å“uvre filmique placée sous le signe d’une intense réflexion. En revenant sur la nature de ses films documentaires (les trilogies House – Une maison à Jérusalem – News from Home. News from House, et Devarim – Yom Yom – Kadosh ; Donnons une chance à la paix, ou encore Journal de campagne et ses premiers courts métrages) le cinéaste propose un voyage dans le temps, à la rencontre des origines. Le métier d’architecte de son père renseigne ainsi sur son rapport aux images et à leur conception. Pour lui, le cinéma s’envisage comme un art collectif mis au service d’une fédération des existences. Ponctué de différentes illustrations (photogrammes et images des mises en scène théâtrales de Gitaï), l’écrit développe un propos articulant impressions subjectives, souvenirs de tournage, et discours plus généraux concernant la nature du médium cinématographique. Considérée comme un fétiche, la caméra fait acte de résistance, à la fois prisme protecteur contre les horreurs du réel et témoin d’un ancrage dans les réalités d’une situation singulière. À la recherche d’une densité temporelle permise par l’art cinématographique, Gitaï déporte sa réflexion du côté d’une conception élargie de l’image. Celle-ci se voit alors considérée à travers ses déterminismes politiques et culturels. À nouveau histoire(s) et Histoire se rencontrent. Le réalisateur rapporte ainsi les connexions établies entre les grands moments de sa nation et son propre destin d’artiste, de même que le passé de son père, ancien élève du Bauhaus, prend la forme de traces porteuses d’une mémoire graphique qui se rapporte au trauma historique de la Seconde Guerre mondiale. Brillant dans son fond, cet écrit se présente en définitive comme une réflexion ouverte au débat et à l’intelligence du lecteur.Â
- LA CAMÉRA EST UNE SORTE DE FÉTICHE. FILMER AU MOYEN-ORIENT
- Auteur : Amos Gitaï
- Éditions : Fayard
- Collection :Â Sciences humainesÂ
- Date de parution : 24 avril 2019
- Format : 96 pages
- Tarif : 12 € (print) – 4,99 € (numérique)