Résumé : Dieu dansant rongé par un feu bouillonnant, flamboyant éloge de l’imperfection, Nicolas Cage s’est construit au long d’un parcours aux stupéfiantes incursions, où se croisent Francis Ford Coppola, David Lynch, Werner Herzog, des clowns, des cafards, des baleines, les Beatles, Elvis Presley et Internet tout entier. Un véritable monstre de cinéma, dans tous les sens du terme, qui depuis quatre décennies ne poursuit qu’une seule voie : la sienne, envers et contre tout.
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La récente sortie de Pig (Michael Sarnoski, 2021) a prouvé que Nicolas Cage n’était définitivement jamais là où l’on s’attend à le (re)trouver. Dans ce faux revenge movie, l’acteur a abandonné son excentricité pour privilégier une profondeur dont l’apparente léthargie se fait matière première à une mélancolie aux accents tragiques. Une réussite pour celui qui apparaît comme l’acteur le plus insaisissable du cinéma américain contemporain. Lelo Jimmy Batista, journaliste et déjà un auteur d’un très bon ouvrage consacré à Robert Mitchum (Robert Mitchum. L’homme qui n’était pas là, Capricci, 2019), narre l’histoire de Cage à la manière d’un roman. Son introduction donne le ton, multipliant les coups d’éclat pour épouser les extrêmes qui caractérisent l’identité de son objet d’étude. Jamais poussive, assumant un ton poétique qui traverse la continuité sans accrocs du style journalistique, l’écriture participe directement à la qualité du contenu. C’est une fêlure qui accompagne les premières années de Cage. Brisé par les problèmes psychologiques d’une mère et les frustrations d’un père, le cocon familial explose souterrainement pour donner naissance à un acteur dont la beauté troublante accompagne le style fascinant. Le neveu d’un certain Francis Ford Coppola cherche d’abord à s’affirmer comme l’héritier du style Actors Studio, cherchant à se fondre dans la peau de son personnage en confondant leurs identités respectives. Cette méthode qui trouve son premier accomplissement avec Birdy (Alan Parker, 1985) cédera bientôt sa place à des recherches plus personnelles. Pour Sailor et Lula (David Lynch, 1990), Cage emprunte ainsi la voie du collage warholien, s’éloignant de la création imaginaire défendue par Stanislavski pour calquer son jeu sur deux modèles réels : Marlon Brando et Elvis Presley. Leaving Las Vegas (Mike Figgis, 1995) qui lui permet d’obtenir l’Oscar du meilleur acteur, initie le lâcher-prise qui deviendra sa marque de fabrique, permettant à Cage d’assurer l’ambivalence émotionnelle de son rôle basculant sans cesse entre l’angoisse et l’euphorise.
Cet état de crise, Cage l’attise et en fait sa marque de fabrique. Lelo Jimmy Batista rappelle alors que derrière cette façade clownesque se dissimule la présence d’un acteur pour lequel le travail constitue l’alpha et l’oméga de son art. Prônant le lâcher-prise, cherchant sans cesse à interroger les facettes et limites de son métier, Cage se mue en une pure sensibilité. D’où la thématique animale qui guide la structure de l’ouvrage fournie en anecdotes glanées au sein de nombreux articles anglo-saxons.
À la fois totem symbolique et marque du retour d’un refoulé, les animaux convoqués par l’auteur valorisent la principale qualité de Cage : avoir trouvé dans le polymorphisme la marque de sa cohérence. Un beau paradoxe qu’analyse avec brio cet ouvrage.
- NICOLAS CAGE. ENVERS ET CONTRE TOUT
- Auteur : Lelo Jimmy Batista
- Éditions : Capricci
- Collection : Capricci Stories
- Date de parution : 25 novembre 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 128 pages
- Tarifs : 11,50 € (print) 6,99 € (numérique)