Whiplash de Damien Chazelle: critique

Publié par Didier Flori le 19 décembre 2014

Synopsis : Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence…

 

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Whiplash - affiche

Whiplash – affiche

Présenté entre autres à Sundance et à Deauville, Whiplash a su convaincre naturellement tant les jurys de ces deux festivals, en lui décernant leur Grand prix, que les spectateurs le couronnant de prix du public. L’oeuvre de Damien Chazelle s’impose de fait comme une évidence, nous entraînant par son rythme soutenu, qui le distingue du reste d’une production indépendante américaine souvent plus encline à la contemplation. Ce sens du timing n’est pas surprenant chez ce cinéaste américain de 29 ans, ancien batteur de jazz. Son premier long métrage resté inédit en France, Guy and Madeline on a Park bench, avait évidemment à voir avec la musique en opérant un croisement entre l’esthétique de John Cassavetes, les musicales de Vincente Minelli ou encore les oeuvres de Jacques Demy. Avec Whiplash, Chazelle passe de cette déclaration d’amour à la musique à un contenu plus réaliste et dramatique, aux accents autobiographiques. Genre complexe et se nourrissant de virtuosité, le jazz relève de la musique dans toute sa splendeur mature et exerce un pouvoir de fascination auquel Chazelle a autrefois succombé. Le cinéaste nous dévoile ainsi la face cachée de la beauté de cette musique, le travail fait de souffrance qui est à sa source. « Success story » impossible, Whiplash évoque à juste titre le fantôme ambivalent de Charlie Parker, musicien génial mais aussi cocaïnomane autodestructeur. Andrew Neyman (Miles Teller) est pris dans une logique d’ascensions et de chutes successives, instrumentées tant par un chef d’orchestre sadique (J.K. Simmons) que par sa propre quête masochiste.

 

JK Simmons et Mike Teller dans Whiplash

JK Simmons et Mike Teller dans Whiplash

 

Cette tension palpable confère au récit des allures de thriller. L’aboutissement de ce versant devient dès lors une course contre la montre réalisée avec une précision hitchcockienne pour Andrew qui, en retard pour un concours, risque de perdre sa place de batteur au profit de son remplaçant. Embarqués aux côtés du protagoniste, on éprouve physiquement l’importance de chaque seconde, et l’issue de la séquence n’en est que plus choquante. Physique, tel est le terme qui convient le mieux à la mise en scène de Damien Chazelle. Dès le premier long plan, focalisé sur Andrew s’entraînant à la batterie sur un rythme crescendo, le cinéaste présente la pratique de la musique comme une lutte contre les limites du corps pour atteindre l’idéal du sublime. C’est une affaire de vie ou de mort, de sueur exsudant des cymbales ou de sang dégoulinant sur les baguettes de percussion.

 

Mike Teller dans Whiplash

Mike Teller dans Whiplash

 

Ce récit, sur les extrêmes terrifiants de la passion musicale poussée à son paroxysme, trouve son point focal dans un face-à-face entre deux personnages à la noirceur réjouissante. Le charismatique J.K. Simmons excelle en chef d’orchestre tyrannique prêt à faire subir toutes les tortures psychologiques à ses étudiants afin de faire éclore un hypothétique génie du jazz. Mais c’est le nouveau venu Miles Teller qui porte surtout le film, incarnant la détermination obstinée d’Andrew avec toute l’intensité nécessaire. Chazelle a l’intelligence de ne pas épargner ce jeune homme, en le rendant antipathique et suffisant, avec un entourage totalement insensible à sa quête existentielle, allant jusqu’à la cruauté lors d’une rupture avec une fille, obstacle potentiel à sa carrière. Andrew et son tortionnaire ne sont finalement pas si éloignés l’un de l’autre, prêts à sacrifier une part de leur humanité pour la beauté. Apothéose de leur bras de fer, la séquence musicale finale de Whiplash étirée jusqu’à l’épuisement se révèle ainsi d’une puissance cinématographique à couper le souffle.

 

 

  • WHIPLASH écrit et réalisé par Damien Chazelle en salles le 24 Décembre 2014.
  • Avec : Miles Teller, J.K. Simmons, Melissa Benoist, Paul Reiser, Austin Stowell, Jayson Blair, April Grace, Damon Gupton…
  • Production : Jason Blum, Helen Estabrook, David Lancaster, Michel Litvak.
  • Photographie : Sharone Meir
  • Décors : Melanie Paizis-Jones
  • Montage : Tom Cross
  • Costumes : Lisa Norcia
  • Musique : Justin Hurwitz
  • Son : Thomas Curley
  • Distributeur :  Ad Vitam
  • Durée : 1h45

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