Résumé : La numérisation du cinéma, de la prise de vues à la projection, menace de l’entraîner dans l’accélération générale du monde. Informations, spectacles, publicités, marchés, la pression monte. Or, le spectateur de cinéma résiste à être traité comme un consommateur de spectacles. C’est une chance : art du temps, le cinéma nous invite à entrer dans des formes et des durées qui ne sont pas celles de l’expérience courante. Dans un monde saturé d’images, le hors-champ qui s’ouvre dans les salles de cinéma est l’aventure d’une liberté de nos imaginaires. Le cinéma est désormais dans toutes les mains, et c’est tant mieux : contre la dislocation du présent, il est encore ce qui nous réunit.

 

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Cinema mode demploi - couverture

Cinéma, mode d’emploi – couverture

En exergue à cet essai Cinéma, mode d’emploi : de l’argentique au numérique accessible aux initiés, une épigraphe de Hannah Arendt « Le sujet idéal du règne totalitaire est l’homme pour qui la distinction entre fait et fiction et la distinction entre vrai et faux n’existent plus. ». La citation de la philosophe allemande ne doit pas laisser le lecteur indifférent, tant celle-ci éclaire et condense la pensée de Jean-Louis Comolli, ancien critique et rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, réalisateur de fiction et de documentaires et auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma et le jazz. De l’homme, il est bien sûr toujours question, non pas comme victime d’un système aliénant mais comme agent d’une relation cinématographique. Passeur de territoires, son corps se fait matière à un discours bien sûr critique plutôt que politique. Corps voyant et pensant, sujet producteur d’images devenues lieux de rencontres des regards. Relation, passage, rencontre, tant de rapports que souligne la structure de cet abécédaire de 450 pages. Outre l’hommage rendu à Gilles Deleuze, la forme de l’ouvrage convoque une réflexion libre et déliée mais jamais dispersée. Œuvre à quatre mains, coécrite avec la complicité de l’auteur et réalisateur de documentaires Vincent Sorrel, ce mode d’emploi du cinéma fait de l’opposition un procédé de synthèse. Paradoxe qui recoupe avec son objet d’étude, le cinéma, art de la fixité et du mouvement, terre d’accueil des présences désincarnées. La force et l’originalité de l’ouvrage est de parvenir à concilier théorie et pratique comme il est de coutume dans l’écriture de Comolli. La première répond à la seconde, la seconde soutient la première, solidarité fondatrice de toute passion pour l’art.

 

Parmi les quelques deux cents entrées proposées par les auteurs, prenons pour exemple celle intitulée « Argentique/Numérique ». Sur un sujet, ô combien, technique, Comolli et Sorrel privilégient l’approche empirique, reconduite page après page, propice au brassage des savoirs (historique, esthétique, anthropologique). Il y est question de carnation, de texture, de hasards et d’heureuses maladresses, une sensibilité qui doit autant au regard du spectateur qu’au doigté du chef-opérateur. Nulle nostalgie mais un constat qui n’exclut pas la mise en garde contre la volonté de contrôle que promulguent les industries du divertissement. Cette illusion consciente, partagée par les auteurs, est bien le rêve éveillé dont font l’expérience tous les spectateurs des salles obscures.

 

Aussi, le film de cinéma, que l’on voit, que l’on fait, que l’on pratique toujours, apparaît comme l’espace-temps ultime d’une résistance à l’égard des vitrines (trop) lumineuses du prêt-à-penser de la société mercantile. L’optimisme salvateur de Comolli et Sorrel rappelle celui de Georges Didi-Huberman, autre arpenteur d’images, philosophe et historien de l’art. Limpide et lumineuse, l’écriture des deux auteurs ne délimite pas un parcours balisé mais creuse un sillon à jamais inachevé. Libre (c’est le mot !) au lecteur de poursuivre l’aventure, par la discussion, la réalisation ou l’écriture. Pour un cinéma qui pense et se pense au regard d’une relation à l’autre et au monde.

 

 

 

  • CINÉMA, MODE D’EMPLOI : DE L’ARGENTIQUE AU NUMÉRIQUE de Jean-Louis Comolli et Vincent Sorrel, disponible en librairie depuis le 2 avril 2015 aux Éditions Verdier.
  • 448 pages
  • 28 €

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