Dans le sud des États-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession, le Dr King Schultz, un chasseur de primes allemand, fait l’acquisition de Django, un esclave qui peut l’aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu’il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre sa liberté lorsqu’il aura capturé les Brittle – morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n’oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda, sa femme, dont il fut séparé à cause du commerce des esclaves… Lorsque Django et Schultz arrivent dans l’immense plantation du puissant Calvin Candie, ils éveillent les soupçons de Stephen, un esclave qui sert Candie et a toute sa confiance. Le moindre de leurs mouvements est désormais épié par une dangereuse organisation de plus en plus proche… Si Django et Schultz veulent espérer s’enfuir avec Broomhilda, ils vont devoir choisir entre l’indépendance et la solidarité, entre le sacrifice et la survie…
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Quentin Tarantino a certainement franchi une étape importante dans sa carrière avec ce huitième long-métrage, dans lequel il se réinvente en signant sans doute l’un de ses films les plus pensés, réfléchis et maîtrisés. Django Unchained est livré dans un mashup plutôt efficace et ludique entre le western spaghetti (de Sergio Corbucci à Sergio Leone) et la blaxploitation qui surfe brillamment sur la thématique de la vengeance. Certains peuvent même y retrouver l’essence du personnage du Comte de Monte-Cristo. Si le cinéaste se réapproprie une nouvelle fois l’Histoire après Inglourious Basterds où il éradiquait le nazisme à coups de scalps, il parvient ici à atteindre davantage l’efficacité dans son engagement. On peut reprocher à son film des longueurs, des scènes au ralenti pas toujours bien synchronisées avec le rap et une baisse de rythme en cours de route dans ce mélange doux, dur et dingue de 2h44, mais Django Unchained dégage un véritable pouvoir subversif et revendique pleinement son esprit rebelle, exalté et révolutionnaire. C’est cette représentation brutale et graphique sur la question sensible de l’inhumanité de l’esclavage et l’emploi permanent de l’épithète raciale ‘nigger’ qui a provoqué dernièrement la polémique auprès de certaines personnalités comme Spike Lee. QT s’en est défendu précisant que ‘la violence et les conditions horribles représentées dans le film ne sont rien comparées à la réalité historique’. Pourtant avec son habituel sens de la justice, Tarantino expose ici une œuvre qui mêle intelligemment la perversité, la cupidité et l’humour de son propos, à une réalité atroce et arriérée de l’Amérique d’avant la guerre de Sécession. D’aucuns diront qu’il se livre à son tour à une démystification de l’Amérique et de l’Ouest en se réappropriant les codes du genre.
La forme et le fond se rejoignent donc ici à merveille au cours de ce périple épique qui s’ouvre sur la chanson-titre Django de l’œuvre culte de Corbucci de 1966, captant la marche forcée d’une lignée d’esclaves enchaînés dans la campagne crépusculaire du Texas, jusqu’à l’arrivée d’un dentiste itinérant sur un chariot surplombé d’une dent toujours mobile. Cette séquence, illuminée par les lanternes, présente ce chasseur de prime allemand, mentor et figure tutélaire à la verve érudite, magistralement campé par Christoph Waltz après son rôle de nazi dans Inglourious Basterds, pour lequel il remporta l’Oscar. Il est à la recherche de l’esclave qui pourrait identifier les frères Brittle et c’est ainsi que l’on découvre le visage de notre Django des temps modernes, porté avec vigueur par Jamie Foxx, dont le dos est horriblement lacéré par les coups de fouet. Leur association ensuite pour retrouver la bien-aimée de Django, Broomhilda Von Shaft (la superbe Kerry Washington), crée un vrai temps fort dans ce nouveau duo cinématographique. Django (dont le D est muet) n’est pas un esclave comme les autres. Il est intelligent, résistant, amoureux et surmonte les coups et les humiliations. Dans une scène poignante en seconde partie, il regarde sans ciller, la main sur la gâchette, le dos lacéré de Broomhilda que le propriétaire d’une plantation et esclavagiste sadique Calvin Candie (Leonardo DiCaprio) expose comme une œuvre d’art autour d’un dîner. Django Unchained est non seulement un hymne à l’antiracisme mais également une ode à l’Amour, le tout emballé dans des dialogues étonnamment affûtés, percutants et désopilants. Si l’on découvre un QT d’une maturité très appréciable, on salue aussi les scènes cocasses plus légères comme celle déjà culte des ‘sacs cagoules’ d’un Klu Klux Klan pathétique mené par ‘Big Daddy’ Bennett (Don Johnson) ou encore le caméo de Franco Nero, héros de Django.
Si le cinéaste met toujours autant de plaisir dans son travail, célébrant le cinéma et la pop culture, il ne lésine pas ici sur les scènes viscérales : les coups de feu détonnent, le sang gicle, les combats d’esclaves abreuvent et des hommes sont jetés et dévorés par les chiens. QT joue constamment sur cette dualité constitutive de la notion du bien et du mal. Oui Django Unchained exhibe des costumes sublimes de Sharen Davis et nous plonge dans la beauté des décors poussiéreux des villes de l’Ouest, somptueux des plantations submergées par les champs de canne à sucre ou encore des montagnes enneigées renvoyant au Grand silence de Corbucci. Mais il prend aussi aux tripes dans cette mise à mort, préparée et calculée, de l’homme blanc esclavagiste, dont le mal suprême est personnifié par un Leonardo DiCaprio qui apparaît ici dans son premier rôle d’antagoniste, jubilant devant le combat barbare de deux hommes asservis. Car le film se justifie cruellement dans la caractérisation des personnages, au travers du tandem moderne Christoph Waltz/Jamie Foxx confronté à son reflet inversé de discorde, vindicatif et conservateur, représenté par le duo Leonardo DiCaprio, enfin honoré au NYFCC, et Samuel L. Jackson. Ce dernier grimé et méconnaissable dans le rôle du domestique dévoué de cette demeure impérieuse, qui rempile pour la cinquième fois avec QT, compose sans doute l’un des personnages les plus difficiles et les plus complexes, dont les idées sont restées profondément conservatrices. C’est l’une des plus grandes forces du film de Tarantino qui ne recule pas devant les réalités livrant une certaine forme de discours de rupture, emmené par une bande originale magistrale sur fond de soul, énergique et entraînante.
DJANGO UNCHAINED écrit et réalisé par Quentin Tarantino en salles le 16 janvier 2013 avec Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardi DiCaprio, Samuel L. Jackson, Kerry Washington, Walton Goggins, Dennis Christopher, Don Johnson, Franco Nero, Laura Caouyette, James Remar. Producteurs : Stacey Sher, Reginald Hudlin et Pila Savone. Producteurs Exécutifs : Harvey Weinstein, Bob Weinstein, Michael Shamberg, James W. Skotchdopole, Shannon McIntosh. Photographie : Robert Richardson. Décors : J. Michael Riva. Costumes : Sharen Davis. Coiffure : Camille Friend. Maquillage Samuel L. Jackson : Allan Apone, Jake Garber. Distribution : Sony Pictures. Durée : 2h44
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