Un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes. Autour d’eux, leur appartement se dégrade et leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.

 

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L'Ecume des Jours afficheEn 1946, Boris Vian écrit L’Ecume des jours. Dans ce monde fictif, les sentiments et les épreuves sont bien réels pour Colin, Chloé et leurs amis. Le couple central se marie, mais la jeune femme tombe malade à cause d’un nénuphar qui pousse dans son poumon droit. Fin 2004, Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry sort sur les écrans, marquant les yeux et l’esprit de nombreux cinéphiles, en relatant également une histoire d’amour menacée dans un environnement qui se désagrège au fur et à mesure que l’inévitable se rapproche. Comment le réalisateur de Human Nature (2001), passé maître dans l’exploration de la science des rêves, allait-il mettre en scène la romance la plus tragique de sa filmographie, et adapter un roman aussi respecté et connu pour sa complexité et sa modernité ? Habitué aux mises en abymes, Gondry est moins coutumier des effets de miroir avec la littérature, lui qui a plus souvent affranchi les barrières avec le cinéma lui-même – dans Soyez sympas rembobinez (2008) – et la télévision – via La Science des rêves (2006). Il ne faut pas longtemps pour réaliser à quel point Gondry le magicien peut encore étonner, ne se contentant pas de poser de nombreux clins d’œil à Boris Vian. Chacun pourra reconnaître la couverture du livre et constater les liaisons établies entre le cinéaste en train de ‘‘bricoler’’ son univers et l’écrivain en train d’écrire son livre. A plusieurs reprises, des secrétaires frappent les mots de Vian à la machine, et le côté ‘‘usine’’ évoque déjà l’impression du roman qui, pendant ce temps, devient spectacle sous nos yeux. La rapidité de l’exécution peut ainsi tout aussi bien évoquer l’explosion des industries graphiques après la Seconde Guerre Mondiale – contemporaine à Vian donc – que l’obsession actuelle du « tout au plus vite ».

 

 

Gondry s’amuse plus que jamais à faire sauter les barrières entre passé et présent, donnant le sentiment de partager les processus de création du roman et de son film lui-même. Une orientation lui permet de se réinventer – la plupart de ses longs-métrages passés reposaient à l’inverse sur la rétrospection ou la réinvention d’événements déjà terminés – et de prédisposer le spectateur à redécouvrir sa propre Ecume des jours à chaque vision. Cet affranchissement des barrières pose en revanche plus de problèmes lorsqu’il touche les humains et les objets. La malléabilité des corps – l’enfermement du cuistot Jules Gouffé (Alain Chabat) dans sa télé, l’élasticité des jambes de Colin, Chloé et leurs amis…- s’impose au même niveau de fantaisie que la personnification de ces pâtisseries et ces textiles qui s’animent d’eux-mêmes. Amusante dans la première partie, complétant un bric-à-brac joliment fou avec la profusion des couleurs, cette égalité des êtres et des choses présente des limites. Si elle s’avère plus acceptable pour traduire la folie de Chick (Gad Elmaleh) et sa sévère addiction à Jean-Sol Partre, elle fonctionne moins lorsque la tragédie que vivent Colin et Chloé succèdent à leurs instants de bonheur. Laisser davantage de place au palpitant eût été plus heureux, surtout que les décors – superbes par ailleurs – présentent déjà leur propre contorsion.

 

 

Pour autant, cette réserve ne doit pas laisser penser que le film souffre d’un manque de respiration et de sentiments. Il y a même de vrais moments de grâce – cette voiture-nuage au-dessus du Forum des Halles – et une beauté ambiante peu commune dont les comédiennes restent les meilleures ambassadrices. Le naturel d’Aïssa Maïga, qui joue Alise l’amoureuse éconduite de Chick/Gad Elmaleh, et la douceur innocente d’Audrey Tautou, assez touchante en Chloé, comptent parmi les accords majeurs de la partition généreuse orchestrée par Gondry. Ces dernières auraient simplement mérité le même espace dont profitent Romain Duris/Colin et Omar Sy/Nicolas au début du film pour présenter leurs attirails (desserts virevoltants, piano concoctant des cocktails…) tout en se jouant des calembours de Boris Vian.  Le florilège mis en place n’atteint pas autant la cohérence de l’ensemble et la simplicité du récit, et la seconde partie malgré les défauts suscités présente un tour de force. L’air de rien, les couleurs comme les fleurs destinées à Chloé se fanent et disparaissent, remplacées petit à petit par un noir et blanc qui ne sera pas sans effets. Entre malaise et mélancolie, il s’avère même être un choix idéal pour que ce marais brumeux et ces débris procurent un malaise et une mélancolie qui tardaient à se manifester. Au bout du chemin – et du conte – les tableaux de Michel Gondry, qu’ils soient fixes ou mobiles, demeurent les premiers vecteurs d’émotion de son cinéma.

 

 

L’ECUME DES JOURS de Michel Gondry en salles le 24 avril 2013 avec Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Aïssa Maïga, Gad Elmaleh, Charlotte Le Bon. Scénario : Michel Gondry, Luc Bossi, d’après l’œuvre de Boris Vian. Directeur de production : Gilles Castera. Producteurs : Luc Bossi, Julien Seul. Producteur exécutif : Xavier Castano. Post-Production : Doris Yoba. Premier assistant réalisateur : Olivier Coutard. Image : Christophe Beaucarne. Décors : Stéphane Rozenbaum. Montage : Marie-Charlotte Moreau. Costumes : Florence Fontaine. Musique : Etienne Charry. Distribution : Studio Canal. Durée : 2h05.

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