Robin Wright joue Robin Wright qui se voit proposer par la Miramount d’être scannée. Son alias pourra ainsi être librement exploité dans tous les films que la major compagnie hollywoodienne décidera de tourner, même les plus commerciaux, ceux qu’elle avait jusque-là refusés. Pendant 20 ans, elle doit disparaître et reviendra comme invitée d’honneur du Congrès Miramount-Nagasaki dans un monde transformé et aux apparences fantastiques…
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Cinq ans après le magnifique Valse avec Bachir (2008), salué et primé à travers le monde, le retour d’Ari Folman au Festival de Cannes et sur les écrans était incontournable. Présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, Le Congrès pouvait difficilement surfer sur l’effet de surprise de son prédécesseur sans pouvoir combler toutes les attentes. Œuvre animée pleine d’audace et de coups d’éclat entre 3D, format flash et format classique, Valse avec Bachir avait tout d’une découverte et d’une onde de choc. Folman passe de l’autobiographie à l’adaptation libre d’un roman de science-fiction, Le Congrès de futorologie de Stanislaw Lem (Solaris), et met l’accent sur la transformation du star-system hollywoodien. Les comédiens sont amenés à être remplacés par des personnages numériques, à l’instar de l’actrice Robin Wright qui, dans son propre rôle, vivra sous nos yeux ce basculement. Le plus étonnant est le mélange des prises de vues en numérique et d’une animation qui se veut traditionnelle alors qu’elle nous plonge en 2033. Le paradoxe ne manque pas de saveur, et c’est ce passage d’une mise en abyme en prises de vues réelles à une mise en abyme fantastique et animée qui donne à la fois son charme et ses limites au Congrès, à commencer par sa protagoniste. La magnétique et divine Robin Wright sert de guide et nous invite à la suivre 20 ans après qu’elle ait donné son corps à la compagnie Miramount. La femme de chair et de sang s’est effacée au profit de la créature, malléable et fictive dans une nouvelle dimension interchangeable et incontrôlable malgré les choix de transformation. Le constat s’avère troublant, flippant, émouvant : après tout, la comédienne était déjà manipulée, dominée, et faussement maîtresse de sa carrière, comme le lui explique son agent, Al (Harvey Keitel). La partie animée souffre parfois de son foisonnement, de toutes ces portes ouvertes à d’autres dialectiques : fiction et réalité, vie et mort, liberté collective et enfermement individuel…
Dans ce grand courant imagé, on devine tout de même une inquiétude et des interrogations sur les progrès technologiques évoqués, et Folman lui-même a parlé de son Congrès comme d’un cri de nostalgie pour le cinéma à l’ancienne. Si la bienveillance du discours n’apparaît pas toujours évidente dans une mise en forme dépassée par sa propre dilatation, on peut se laisser aller à ce dépassement du cadre cinématographique, y adhérer sans savoir ce que réserve chacune de ces escales qui se suivent dans cette sorte de plateau tournant – ou jeu vidéo, ou bande-dessinée vivante, c’est selon. Les traits et couleurs sont tantôt volontairement grossiers, tantôt d’une grande beauté, et l’on regardera une étrange parodie des cérémonies hollywoodiennes se transformer en un putsch des rebelles contre les partisans du tout numérique. Au final, entre amusement et malaise, toute cette partie animée n’est-elle que le fruit du sommeil de Robin, avec son lot de merveilleux et de d’épouvante, d’échos à la réalité et d’hallucinations ? A quoi rime tout ce spectacle dès lors que les barrières sont franchies, que les repères se dissolvent et que les thèmes se multiplient ? La réponse, tardive, intervient en introduction et conclusion de ces tribulations peu communes. La relation entre Robin et son fils fictif, Aaron, reste le vrai fil conducteur de la traversée, symbolisé par ce cerf-volant que l’actrice finit toujours par rencontrer. L’émotion affleure avec la mère de famille, grâce à Robin Wright elle-même, et l’essentiel est sauf malgré les incertitudes quant aux retrouvailles. Ce n’est pas de refus après s’être un peu égarés en cours de route en dépit d’un certain plaisir des yeux !
LE CONGRES d’Ari Folman en salles le 3 juillet 2013 avec Robin Wright, Harvey Keitel, Danny Huston, Jon Hamm. Scénario : Ari Folman, d’après l’œuvre de Stanislaw Lem. Production : Bridgit Folman Film Gang, Pandora Film, Opus Film, Paul Thiltges Distribution, ARP Sélection, Entre Chien Et Loup. Coproduction : ARD Degeto, France 2 Cinéma. Supervision des effets spéciaux : Roiy Nitzan. Direction de l’animation : Yoni Goodman. Photographie : Michal Englert. Décors : David Polonsky. Costumes : Mandi Line. Montage : Nili Feller. Son : Aviv Aldema. Compositeur : Max Richter. Distribution : ARP Sélection. Durée : 2h.
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