Conversation animée avec Noam Chomsky de Michel Gondry

Conversation animée avec Noam Chomsky de Michel Gondry

Michel Gondry rêvait depuis une décennie de réaliser un documentaire animé. C’est chose faite avec Conversation animée avec Noam Chomsky. Le cinéaste de Human Nature et d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind surprend une nouvelle fois en donnant vie à un film hybride, à la fois ludique et exigeant quant à l’attention qu’il requiert. Il nous emmène donc dans une conversation animée avec Noam Chomsky, linguiste et philosophe américain qui le fascine. Il partage ainsi ce face à face original, entre thèmes complexes et souvenirs intimes, en livrant ses impressions. Avant sa sortie le 30 avril 2014, CineChronicle a rencontré Michel Gondry qui échange sur cette figure intellectuelle majeure du monde contemporain, sur son propre travail et son enthousiasme contagieux.

 

 

 

Michel Gondry / Photo CineChronicle

Michel Gondry / Photo CineChronicle

CineChronicle : Comment êtes-vous arrivé à ce documentaire animé sur Noam Chomsky ?

Michel Gondry : J’avais envie de réaliser un documentaire animé depuis 2001, en cherchant l’idée la plus contrastée, voire absurde. J’ai toujours aimé la science et j’ai eu la chance de rencontrer Noam Chomsky à une résidence du MIT (Massachusetts Institute of Technology). La grammaire générative me passionnait et j’ai voulu faire connaître davantage sa personnalité et partager ses connaissances. Noam, de son côté, ne connaissait pas vraiment mon travail et on n’en a pas parlé tout de suite. J’ai commencé à discuter de ce projet avec lui en montrant la technique que j’utiliserais, avec ces animations abstraites. C’est la même que j’ai adopté à mes débuts, comme sur la série Les Triplés dans les années 1980. J’ai pensé à l’animation elle-même avant de passer à l’encre, et j’ai tourné avec de la pellicule son. J’ai dessiné au fur et à mesure et saisi les images, parfois 12 ou 24 par seconde, et parfois en boucles. La science est assez ludique à dessiner, cela m’est venu comme cela. Je ne sors pas de mes capacités. J’ai surtout un regard sur les choses comme la perception du réel et grâce à l’animation, j’ai mieux compris certains domaines comme notamment la continuité psychique. J’ai terminé ce film voici 6 mois en regroupant tous mes dessins dans une grosse valise.

 

 

Conversation animee avec noam chomsky afficheCC : Des documentaires existent déjà à son sujet. Les avez-vous regardés et vous ont-ils inspiré ?

MG : J’ai justement découvert Noam et son travail de linguiste à travers ces documentaires, bien plus qu’à travers la centaine de livres qu’il a écrits. J’ai aussi regardé des documentaires qui m’ont convaincu par leur honnêteté et d’autres que j’ai trouvé plus manipulateurs, empreints d’une sorte de propagande cachée. Le cinéma lui-même devient négatif si l’on transporte des concepts fascistes comme les super-héros. J’aime certains documentaristes qui ont une éthique très forte par rapport au déplacement de la caméra tel Raymond Depardon avec Numéros Zéros, tourné en 1977 et axé sur la naissance d’un journal. Le fait d’avoir rencontré Noam m’a fait encore plus prendre conscience de l’importance de cette éthique pour mon propre film. Il l’a vu trois fois et a perçu qu’il n’y avait aucune raison de me contredire. C’était important pour moi car il est l’un des plus grands penseurs vivants et touche un public beaucoup plus large que le mien.

 

 

Conversation animée avec Noam Chomsky

Conversation animée avec Noam Chomsky

CC : Noam Chomsky est également une personnalité controversée. Pourquoi ne pas avoir évoqué les critiques et polémiques dont il a fait l’objet dans cette conversation animée ?

MG : Je ne partage pas ces critiques, je n’allais pas l’emmerder avec cela. Je me suis fait mon idée en lisant ses critiques et ses réponses. Et puis cela m’intéressait de lui parler de physique, d’astronomie, de mathématiques même si beaucoup de films ont été tournés sur ces sujets. Si j’avais rencontré Joel Feldman, j’aurais fait un documentaire sur lui. Idem pour Albert Einstein. D’une certaine façon, je pensais que les gens seraient peut-être plus réceptifs à son activisme et sa pensée à travers ces échanges scientifiques. Le seul spectateur qui comptait de toute façon, c’était lui. Je ne voulais pas le décevoir et je n’étais même pas sûr de terminer ce film. Il avait déjà 82 ans au début du tournage et je tenais absolument à lui montrer avant qu’il ne parte. J’ai sans doute davantage pensé au public lors du montage, et à moi aussi. Cela explique en partie que je parle de sa vie privée comme d’une respiration dans cette conversation animée. J’essaie de manière générale de glisser aussi des sujets politiques dans mes fictions mais j’ai des concepts assez précis sur la société, je dirais une connerie à un moment donné.

 

 

Conversation animée avec Noam Chomsky

Conversation animée avec Noam Chomsky

CC : On aurait en effet plus tendance à vous imaginer réaliser un documentaire musical. En avez-vous l’envie ?

MG : Non, ce serait faire de la publicité pour un artiste. Avec des personnalités comme Björk, pour qui j’ai tourné plusieurs vidéoclips, c’est différent. Elle est au moins aussi fascinante que Noam. Et je me sens plus utile dans le fait de réaliser un documentaire sur Noam Chomsky, même si je n’ai pas l’impression de faire de longs métrages inutiles.

 

CC : Peut-on pour autant parler d’interaction entre ‘Conversation animée…’ et vos autres longs-métrages ? Vous travailliez en même temps sur ‘L’Ecume des Jours’ et ‘The Green Hornet’.

MG : Non dans le cas présent, j’avais dès le départ un concept sur l’égoïsme de l’information, et une idée vague, voire très naïve, de labelliser le mot information sans sa dimension publicitaire. J’ai travaillé sur ce documentaire pendant quatre ans de manière très différente par rapport aux deux autres, un peu comme un stade de décompression même si j’ai mis du temps à me détendre.

 

CC : Ce film a pourtant des points communs avec ‘Soyez sympa, rembobinez’ ou encore ‘Eternal Sunshine of the Spotless Mind’, qui fête ses 10 ans cette année. Il y est une fois encore question de mémoire et de travail rétrospectif.

MG : C’est vrai, et le travail de mémoire est l’une des raisons pour lesquelles je voulais faire ce projet.

 

 

Conversation animée avec Noam Chomsky

Conversation animée avec Noam Chomsky

CC : Un travail qui se fait à deux mais on ne vous voit réellement que dans quelques plans avec lui. Une orientation délibérée dès le départ ?

MG : La question s’est posée avec ces trois heures d’entretien en plusieurs séances. Il y avait un preneur de son et ces prises de vue sur Noam se sont faites avec la même caméra que l’on voit dans le film. Je savais que Conversation animée… se ferait ainsi, avec ce système de ne filmer que des segments et de les montrer après. J’essayais juste de contrôler Noam en revenant de temps en temps sur une question s’il s’en éloignait trop. Je ne voulais pas décider à l’avance de lister mes questions, sinon ce n’est plus une conversation. On ne devrait jamais lister toutes ses questions pour une interview, parce qu’on finit par faire dire ce que l’on veut entendre, au lieu de rebondir sur ce que vient de dire l’interlocuteur.

 

CC : Cette double profusion de dialogues et d’images vous a-t-elle fait peur à certains moments ?

MG : Pas vraiment. J’ai utilisé les parties où l’on se comprenait mal pour apporter de l’humour et, encore une fois, de la respiration. Noam sait parler simplement d’éléments complexes. Je l’ai d’ailleurs senti très réticent à parler de la psychologie et de ses interprétations faciles. Ma mauvaise compréhension de l’anglais, elle, allait me servir. Je la cite en tant qu’exemple d’inspiration. C’est la rencontre entre nos différences d’approche du monde qui amène au résultat final, comme l’a fait Henri-Georges Clouzot avec Le Mystère Picasso (1955). J’ai un univers graphique et narratif différent de celui de Noam, je ne suis pas un auteur comme lui. J’apporte un point de vue personnel et mon graphisme représente avant tout ce que je ressentais quand je lui parlais.

 

CC : Pourtant vous êtes un auteur qui propose son propre langage des yeux et pour les yeux. Vous ne croyez pas en ce langage au cinéma ?

MG : Je suis d’accord mais on a tendance à être trop visuel dans ce cas-là, ou à être taxé comme tel. Je suis justement rarement reçu de la même façon aux Etats-Unis et en France. L’Epine dans le cœur a été mieux accueilli en France, The Green Hornet est détesté aux Etats-Unis et a eu beaucoup de bonnes critiques ici, et L’Ecume des jours a été plus durement reçu en France. Maintenant, j’ai plusieurs projets en cours mais c’est compliqué. J’ai écrit le scénario du prochain film sur deux adolescents de 14 ans en cavale. Le tournage pourrait avoir lieu cet été.

 

 

>> LIRE NOTRE CRITIQUE DE CONVERSATION ANIMÉE AVEC NOAM CHOMSKY <<

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