Synopsis : Les dernières années de l’existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851). Artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, il vit entouré de son père qui est aussi son assistant, et de sa dévouée gouvernante. Il fréquente l’aristocratie, visite les bordels et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas toutefois les éventuelles railleries du public ou les sarcasmes de l’establishment. A la mort de son père, profondément affecté, Turner s’isole. Sa vie change cependant quand il rencontre Mrs Booth, propriétaire d’une pension de famille en bord de mer.
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Après avoir remporté la Palme d’Or pour Secrets et Mensonges (1996), le prix de la Mise en Scène pour Naked (1993) et présenté Another Year en 2010, le cinéaste et dramaturge britannique Mike Leigh est revenu en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Mr Turner trace le portrait du prodigieux paysagiste J.M.W Turner (Joseph Mallord William Turner) durant ses 25 dernières années, de son apogée jusqu’à sa mort à l’âge de 76 ans. Il livre une mise en scène à la texture visuelle virtuose qui intensifie et restitue tout le Londres de l’époque victorienne – de la fin du 18e au début du 19e siècle. Si la narration est souvent statique et bavarde, Mike Leigh sublime son biopic en proposant d’un côté un véritable sens du cadrage, et de l’autre une intelligente mise en abyme de l’univers pictural via la personnalité de ce peintre, aquarelliste et graveur britannique, apprécié par certains et raillé par d’autres. Toutes les situations deviennent dès lors propices pour le cinéaste de filmer son personnage, et ceux qui gravitent autour de lui, comme des peintures vivantes. Timothy Spall, reparti naturellement avec le prix d’interprétation masculine, est alors capturé dans la brume des paysages, le reflet d’un miroir ou encore dans un simple tableau. Car l’oeuvre puise vraiment sa force dans la performance de cet acteur britannique – vu dans Harry Potter et Sweeney Todd. Habité par son rôle à la fois monolithe, rugueux et taciturne, il parvient à dessiner l’évolution personnelle, le poids et l’affect de cet artiste bourru, qui fréquente l’aristocratie, les bordels et grogne plus qu’il ne parle.
Alors que l’univers s’assombrit après la mort de son père/assistant (Paul Jesson) avec lequel il était très proche, le plongeant progressivement dans l’isolement, Mike Leigh parsème son récit de tout cet humour anglais pétillant et tout en retenue, qui lui confère une sensibilité vibrante. Le cinéaste offre de surcroît une galerie de portraits superbement caractérisés, précisément sur deux personnages féminins. Si Marion Bailey est pleine de vivacité dans le rôle de celle qui devient sa compagne, on tient particulièrement à saluer la performance de Dorothy Atkinson, formidable dans celui de sa servante atteinte d’une forme de psoriasis aigüe. Totalement dévouée et introvertie, elle s’impose remarquablement à l’écran avec son regard expressif, sa posture recroquevillée et les problèmes de peau que son personnage développent au fur et à mesure que sa relation d’amante secrète se délite avec l’artiste. Mike Leigh nous plonge dans l’existence de ce peintre, sans doute peu connu du grand public, au milieu de ses magnifiques toiles, de la photographie naissante (la camera obscura), de ses relations avec les autres membres de la Royal Academy of Arts et de son regard observateur sur le monde. Mr Turner se dévoile comme une oeuvre picturale, emportée par une musique perçante et sombre au son des violons, composée par Gary Yershon en charge aussi des décors, qui fait résonner sans cesse une note profondément mélancolique…
- MR TURNER écrit et réalisé par Mike Leigh en salles le 3 Décembre 2014.
- Avec : Timothy Spall, Dorothy Atkinson, Marion Bailey, Paul Jesson, Lesley Manville, Martin Savage, Ruth Sheen…
- Production : Georgina Lowe
- Photographie : Dick Pope.
- Décors : Suzie Davies, Charlotte Watts
- Costumes : Jacqueline Durran
- Musique : Gary Yershon
- Montage : Jon Gregory
- Son : Tim Fraser
- Distribution : Diaphana
- Durée : 2h29
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