Synopsis : Sandrine, trente ans, est obligée de retourner vivre chez sa mère à Roubaix. Sans emploi, elle accepte de travailler pour son oncle dans un chenil qui s’avère être la plaque tournante d’un trafic de chiens venus des pays de l’est. Elle acquiert rapidement autorité et respect dans ce milieu d’hommes et gagne l’argent qui manque à sa liberté. Mais parfois les bons soldats cessent d’obéir.
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Premier long métrage pour Laurent Larivière, directement sélectionné à Cannes dans la section Un Certain Regard. Il cosigne une trame narrative qui s’inscrit dans une logique d’actualité, celle du chômage et de la difficulté à trouver sa place professionnellement. À l’instar de LA LOI DU MARCHÉ (notre critique), le personnage de Sandrine (Louise Bourgoin), licencié et sans appartement, accepte par dépit une place dans un chenil, après avoir retrouvé le cocon familial. C’est son oncle Henri (Jean-Luc Anglade) qui la prend sous son aile sans lui tenir la main. Un homme bourru et intraitable qui lui fait découvrir le métier à la dure en lui faisant nettoyer les cages. Caméra à l’épaule, Larivière suit ainsi Sandrine, discrète et sans artifice, en prenant le temps d’instaurer des champs-contrechamps qui révèlent le rapport de force entre la jeune femme et son oncle. C’est le propos de Je suis un Soldat, celui d’un bras de fer entre deux individus qui ne veulent pas lâcher un morceau de leur territoire. Enfermés dans le même cadre, leurs déplacements deviennent de plus en plus agressifs. Une montée en puissance aiguillée par Henri qui veut avoir le contrôle sur Sandrine. Celle-ci, face à l’adversité, se transforme alors progressivement en combattante, déterminée à diriger et à prendre les décisions par elle-même. Sa vie sociale est réduite quasiment à néant, hormis avec sa sœur Audrey (Nina Meurisse) et son beau-frère qu’elle croise régulièrement dans la maison de sa mère (Anne Benoît). Le jeune couple tente de construire leur maison mais croule sous les dettes. Ses personnages secondaires auraient gagné à être approfondis car ils ne servent ici qu’à démontrer la difficulté à s’insérer socialement. Si le sujet de Je suis un Soldat est fort, Laurent Larivière ne parvient pourtant jamais à proposer un traitement passionnant d’un bout à l’autre. Malgré l’aspect téléfilmesque regrettable, le découpage reste bien travaillé, avec une photographie parfois très audacieuse. La lumière et les codes couleurs traduisent en effet la violence sous-jacente de l’environnement dans lequel baigne les personnages.
Le récit explore la question animale à travers ces chiens du chenil et ceux achetés par Henri à des trafiquants d’Europe de l’Est. Cette métaphore est sans doute trop évidente pour le spectateur qui aurait aimé assister à un propos beaucoup plus nuancé. Malgré ces défauts, le film parvient à donner de la grâce à certaines scènes, surtout celle où l’on peut entendre la chanson Quand revient la nuit de Johnny Hallyday (reprise de Mister Lonely de Bobby Vinton), qui fait écho au titre du film. En effet, Sandrine se radicalise de plus en plus, évoluant de manière quasi-militaire. Dommage que le drame bifurque par intermittence vers la comédie romantique dont on se serait volontiers passé. Un final certes décevant mais optimiste qui ne répond pas à la problématique sociale d’origine. Au final, Je suis un Soldat tient toute sa force de la performance remarquable de Louise Bourgoin après celle dans Tirez la langue Mademoiselle, qui confirme son aisance dans les films d’auteur. En revanche, Jean-Luc Anglade manque de nuance et renvoie trop à son rôle de dur au cœur tendre dans Braquo. Si cette première tentative manque de clairvoyance, Laurent Larivière réussit néanmoins à remplir la part principale de son contrat : raconter une mésaventure sociale sur un sujet rarement traité au cinéma, parsemée de moments intenses qui dévoilent un certain panache.
- JE SUIS UN SOLDAT de Laurent Larivière en salles le 18 novembre 2015.
- Avec : Louise Bourgoin, Jean-Luc Anglade, Anne Benoît, Laurent Capelluto, Nina Meurisse, Nathanaël Maïni…
- Scénario : Laurent Larivière, François Decodts
- Production : Dominique Besnehard, Michel Feller, Hubert Toint
- Photographie : David Chizallet
- Montage : Marie-Pierre Frappier
- Décors : Véronique Melery
- Distribution : Le Pacte
- Durée : 1h37
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