Synopsis : Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer…
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Présenté en compétition officielle à Cannes, Mon Roi est le quatrième long-métrage de Maiwenn après Pardonnez-Moi, Le Bal des Actrices et Polisse, récompensé par le Prix du Jury en 2011. Une histoire d’amour toxique racontée avec maîtrise sur deux temporalités. La première, le temps présent, qui voit Tony (Emmanuelle Bercot), femme brisée après un accident de ski, qui tente de se reconstruire dans un centre de rééducation. La seconde, celle des souvenirs, du passé amoureux avec Georgio (Vincent Cassel), de leur rencontre jusqu’à leur implosion. Une ligne narrative qui ne réinvente rien, le présent menant Tony vers une acceptation de son existence auprès d’une bande de jeunes du centre. Ces deux dynamiques, qui se croisent et se contredisent, font évoluer un récit qui traite de la manipulation émotionnelle, de l’emprise amoureuse et de la dépendance affective. Georgio est un personnage charismatique et séducteur, alors que Tony est une femme fragile. Si le couple Cassel/Bercot pouvait donner lieu à des doutes, le résultat fonctionne admirablement. On rit beaucoup lors des premiers émois, mais lorsque le caractère narcissique et psychotique de Georgio se dévoile, c’est une relation destructrice qui s’annonce. La réalisation saisit ses instants de flottement et de fébrilité avant la tempête, caméra à l’épaule. Elle rentre ainsi dans l’intimité du couple, traitée ici de manière absolument réaliste et sans concession. Les non-dits et les crises conjugales montent en gradation.
On voit très peu le monde extérieur, Tony et Georgio sont confinés dans leur vie de couple, et sortent de temps à autre. Ils voient ainsi Babeth (Isild Le Besco) et Solal, le frère de Tony (Louis Garrel) qui la prévient dès le premier soir que Georgio n’est pas un homme pour elle. Maïwenn traite donc de la désintégration du couple en dressant le portrait d’un homme, calculateur et égocentrique, pourtant réellement attaché à Tony. C’est toute la question de l’œuvre, qui amène à montrer que le principe de concession et de sacrifice n’est pas le même pour tout le monde. C’est dans cette différence fondamentale que les destins se brisent et amènent leur lot de souffrance. Les agissements de Georgio sont pernicieux et se transforment en véritable torture psychologique pour la jeune femme qui peine à couper les ponts. Le récit de leur relation est complètement fragmenté, multiplie les ellipses et transporte ainsi le spectateur d’époque en époque, parfois avec violence dans le retour au présent. Cette trame temporelle s’intéresse à Tony qui tente de se relever non pas d’une chute de ski, mais de l’effondrement de sa relation avec Georgio.
Le groupe de jeunes (comprenant curieusement le youtubeur Norman) qui l’aide à reprendre goût à la vie, reste tout de même une facilité narrative un tantinet sentimentaliste. On peut aussi reprocher une perte de rythme dans la seconde partie. Néanmoins, Mon Roi est une œuvre forte qui dépasse de très loin Polisse, avec un parti pris sur la représentation du couple à travers ce profil masculin peu traité au cinéma. Des plans travaillés et intimistes cachent une tension sous-jacente, la bande originale est très éclectique et le casting est tout simplement de choix. Emmanuelle Bercot, récompensée par le prix d’interprétation tout en présentant en parallèle son nouveau long métrage LA TÊTE HAUTE (notre critique) en ouverture de cette 68e édition, est d’une justesse épatante. Quant à Vincent Cassel, il signe ici son grand retour par sa performance hallucinante qui a le mérite de nuancer un personnage complexe. Louis Garrel et Isild Le Besco ne sont pas en reste et viennent appuyer le duo de tête avec des répliques délicieuses. Un film puissant, dénonciateur d’une passion gangrénée, entre haine viscérale et amour inconditionnel, porté par la maturité d’une réalisatrice qui vient de franchir un nouveau pas.
>> Lire notre interview de Maïwenn autour de Mon Roi <<
- MON ROI de Maïwenn en salles le 21 octobre 2015.
- Avec : Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel, Isild Le Besco, Marie Guillard, Norman Thavaud, Ludovic Berthillot…
- Scénario : Etienne Comar et Maiwenn
- Production : Alain Attal, Xavier Amblard
- Photographie : Claire Mathon
- Décors : Dan Weil
- Costumes : Marité Coutard
- Montage : Simon Jacquet
- Musique : Stephen Warbeck
- Distribution : StudioCanal
- Durée : 2h10
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