Synopsis : Caleb, 24 ans, est programmateur de l’une des plus importantes entreprise d’informatique au monde. Lorsqu’il gagne un concours pour passer une semaine dans un lieu retiré en montagne appartenant à Nathan, le PDG solitaire de son entreprise, il découvre qu’il va en fait devoir participer à une étrange et fascinante expérience dans laquelle il devra interagir avec la première intelligence artificielle au monde qui prend la forme d’un superbe robot féminin.
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Ex Machina, prix spécial du jury au dernier festival de Gerardmer, est une nouvelle variation réussie sur le thème de l’intelligence artificielle, après le touchant CHAPPIE de Neill Blomkamp (notre critique). Cette première réalisation d’Alex Garland se situe du côté du cinéma cérébral de Kubrick. Ex Machina bénéficie d’un scénario d’une intelligence et d’une construction à la hauteur de cette ambition, fort de l’expérience de son auteur en tant que scénariste, notamment auprès de Danny Boyle pour l’adaptation de son roman La plage, puis Sunshine et 28 Jours plus tard. Et nul doute que celle du roman de Kazuo Ishiguro, Never Let me Go, dont les protagonistes étaient des clones, a nourri la réflexion sur les identités anthropomorphiques qu’il poursuit ici. Ex Machina questionne en effet l’essence de notre humanité à travers un être artificiel troublant. Face à Ava (Alicia Vikander), androïde au féminin séduisant, deux points de vue s’affrontent. D’une part, Caleb (Domnhall Gleeson), jeune informaticien chargé de faire passer le Test de Turing à la machine. Ce test vise à évaluer son degré de vraisemblance d’imitation par rapport à l’intelligence humaine. On pénètre ainsi dans le récit par l’intermédiaire de ce héros ordinaire auquel on s’identifie rapidement, et dont on partage d’abord l’intérêt puis l’empathie pour Ava qui devient un être à part entière. Cette conception s’oppose à celle de Nathan (Oscar Isaac), créateur de la machine qui, s’il fait figure d’antagoniste, n’en est pas moins la voix d’une rationalité scientifique éclipsée par nos émotions. Comme il l’explique, Ava n’est après tout qu’un objet artificiel et son destin devrait nous importer peu.
Les choix de mise en scène d’Alex Garland viennent accompagner parfaitement le doute sur les identités. La villa de campagne / laboratoire de Nathan, isolée du monde extérieur, est un dédale qui devient vite une prison angoissante lorsque ses portes se verrouillent de façon imprévisible. Le minimalisme froid de ce décor fait songer au vaisseau de 2001 l’odyssée de l’espace ou à l’hôtel de Shining. La paranoïa est de mise dans ce lieu où chaque action est observée par une présence spectatrice invisible. Si Caleb peut admirer Ava sur l’écran de sa chambre, il est lui-même sous la surveillance de Nathan. Aux échanges faussés entre les deux hommes, dont la relation est prise dans un nœud de mensonges et de dissimulations, s’opposent alors la communication naturelle du jeune héros avec Ava. Mais même dans ces scènes le réalisateur vient toujours rappeler la nature synthétique de l’androïde par son design qui laisse son cœur artificiel à découvert, et les bruits mécaniques discrets qui accompagnent chacun de ses mouvements. Qu’est-ce qui fait de nous des humains au juste ? C’est la question posée inlassablement dans Ex Machina, aboutissant sur un vertige existentiel proche de celui suscité par Blade Runner. On avance dans cette fable d’anticipation comme pris dans des sables mouvants, sur les nappes musicales doucement inquiétantes composées par l’ancien membre de Portishead, Geoff Barrow.
La tension dramatique va dès lors crescendo jusqu’à un dernier acte impressionnant qui lorgne vers l’horreur gothique, avant que l’ensemble bifurque vers une douceur mélancolique où point l’émotion. Film contrasté et d’une grande finesse, Ex Machina doit beaucoup à son casting hors pair. Domnhall Gleeson et Oscar Isaac s’opposent ainsi de façon idéale. La fragilité d’anti mâle alpha du premier nous le rend immédiatement proche et sympathique, tandis que le second nous donne encore la preuve de sa remarquable versatilité d’acteur après INSIDE LLEWYN DAVIS (notre critique) et A MOST VIOLENT YEAR (notre critique). En génie brillant, mystérieux et inquiétant, Isaac campe un antagoniste imposant, et on est impatients de voir ce qu’il donnera en mutant tyrannique dans X-men Apocalypse. Au centre, Alice Vikander réussit quant à elle la prouesse d’allier sans heurts sensualité naturelle et rigidité robotique. Tour à tour familier et d’une inquiétante étrangeté, l’être hybride porté par son interprétation exerce une fascination de tous les instants.
- EX MACHINA écrit et réalisé par Alex Garland en salles le 3 juin 2015.
- Avec : Domnhall Gleeson, Alicia Vikander, Oscar Issac, Sonoya Mizuno, Corey Johnson, Claire Selby, Symara Templeman, Gana Bayarsaikhan, Tiffany Pisani, Lina Alminas…
- Production : Andrew Macdonald, Allon Reich
- Photographie : Rob Hardy
- Montage : Mark Day
- Son : Glenn Freemantle
- Décors : Mark Digby
- Costumes : Sammy Sheldon Differ
- Musique : Ben Salisbury, Geoff Barrow
- Distributeur : Universal Pictures
- Durée : 1h51
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