« Il va nous falloir davantage de dents ». Cette phrase tirée du final de JURASSIC WORLD (notre critique) fait écho à celle culte issue des Dents de la Mer : « il va nous falloir un plus gros bateau ».
La sortie de Jurassic World, véritable hommage au cinéma populaire de Steven Spielberg, est l’occasion de rappeler combien ce dernier a bouleversé la manière dont Hollywood distribue ses films, tout en établissant des records de recettes historiques pour l’époque et encore aujourd’hui.
Les créatures hors normes portent très vite chance à Spielberg : Les Dents de la Mer reste à ce jour son film – et premier blockubster – qui a réalisé le plus grand nombre d’entrées aux Etats-Unis, juste derrière E.T. et devant Jurassic Park, trois films Universal. Selon Mojo, les extra-terrestres du troisième type sont en cinquième position, Le Monde Perdu en septième et la Guerre des Mondes au onzième rang. Entre les créatures, les quatre volets d’Indiana Jones, et le compte est bon.
Mais la première véritable révolution a lieu en 1975 avec Les Dents de la Mer. Osant une stratégie innovante, Universal sort le film dans 465 salles au début de l’été, saison considérée alors comme la pire de l’année en termes de recettes. Culotté pour le second long métrage d’un jeune cinéaste qui sort d’un échec avec Surgarland Express ! Mais avec le soutien d’une campagne de publicité de 700.000 dollars sur le réseau national. C’est la première oeuvre à être soutenue par une campagne télévisée et le résultat fait école. Le merchandising, spécialité des studios Disney, révolutionne alors Universal. La musique de John Williams est commercialisée ainsi que toute une panoplie d’objets à l’effigie du célèbre requin.
Le succès est absolument foudroyant. Les Dents de la Mer est le premier long métrage à dépasser la barre des 100 millions de dollars de recettes, et à rester pendant 14 semaines en tête du box-office américain, battant les deux précédents records, Le Parrain et l’Exorciste.
On juge encore aujourd’hui le succès à l’aune de cette barre de 100 millions, qui n’a forcément plus aucun sens pour deux raisons. À l’époque des Dents de la Mer, le box office se mesurait en recettes nettes (rentals), c’est-à dire après la rémunération du distributeur, d’environ 50% des recettes brutes. Et depuis les années 80, le BO communiqué par les studios est en recettes brutes (gross). Les chiffres sont plus glorifiants, dans les faits deux fois plus.
Ainsi, les 123 millions de recettes nettes des Dents de la Mer sont le résultat d’une recette brute de 260 millions. À minima, on devrait considérer qu’un blockbuster est un film qui dépasse ce score. Mais selon les calculs du Box office Mojo, ce serait sans compter sur l’inflation depuis 40 ans : 260 M$ en 1975 représentent environ un milliard de dollars en 2015. Autrement dit, les seuls trois films à avoir dépassé depuis cette date sur le sol américain, le score des Dents de la Mer sont  Star Wars (1977, 20th Century Fox), E.T. (1982, Universal) et Titanic (1997, Fox/Paramount), c’est-à -dire aucune autre production depuis bientôt vingt ans. L’écurie Marvel et Avatar sont loin derrière (ce dernier ayant réalisé quasiment le même score que celui de Jurassic Park, autour de 750 M$ ajustés à l’inflation).
Vingt ans après, Spielberg a renouvelé l’exploit de bousculer le box-office avec Jurassic Park, mais pas uniquement sur le territoire américain. Cette super-production est la première à dépasser les 900 millions de dollars de recettes mondiales (non ajustées à l’inflation). Nous sommes en 1993, à l’époque où la Chine n’était pas encore un territoire aussi important pour les Etats-Unis en termes de gains mondiaux.
Pour l’exemple, Furious 7 a réalisé cette année 1,5 milliard de dollars à travers le monde et 25% de ce résultat provient des salles chinoises, Cela représente 390 M$ donc environ le même score que sur le territoire américain (350 millions non définitifs car il est encore en cours de diffusion).
Selon The Hollywood Reporter, les compteurs pour Jurassic World commencent à tourner ce jour. Le réseau IMAX a programmé le film dans 800 salles à travers le monde, un chiffre jamais atteint auparavant.
À suivre…
Jérôme Nicod