Synopsis : 22 ans après le drame de Jurassic Park, l’île d’Isla Nublar accueille Jurassic World, un nouveau parc d’attraction, ouvert depuis une dizaine d’années, sans aucune faille majeure de sécurité. C’était avant l’arrivée de nouvelles créatures dont l’intelligence et la force sont à nouveau source d’un affrontement incroyable entre toutes les espèces vivantes du parc.
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Welcome to Amblinland ! On revient visiter le parc comme on retourne à Disneyland. On sait qu’il y aura de nouvelles attractions, mais on a aussi une bonne idée de ce qu’on va y trouver. Dans Jurassic World, c’est pareil. Tout est bien là où on l’avait laissé. Colin Trevorrow excelle d’autant plus dans l’exercice qu’il le dit lui même, il a ingéré toute la production Amblin depuis 30 ans et il nous la propose dans le désordre mais avec respect et malice. Que de plans et de thèmes musicaux directement inspirés des précédentes oeuvres de Steven Spielberg. La démarche est jubilatoire, même si le plaisir est supérieur à la surprise. Pour interpréter Claire, le choix de Bryce Dallas, la fille de Ron Howard, a aussi valeur de symbole. Toutefois, l’époque a changé. Tout a grandi : la taille du parc, les dinosaures, la foule et les enfants. Spielberg filmait Jurassic Park à hauteur d’enfant, Colin Trevorrow filme Jurassic World à hauteur d’adolescents, de jeunes adultes devenus le cœur de cible du cinéma américain. Le plus petit pleure le divorce annoncé de ses parents, il a ‘googlé’ le terme pour en connaitre la signification. Son frère, qui se voit déjà indépendant, lui explique le bon côté de la situation sans comprendre sa peur de se retrouver seul. La famille est séparée, les deux jeunes voyagent sans accompagnants et leur marraine les reconnaît à peine. Les illusions sont perdues. Le plan de fin est une copie de celui de Indiana Jones et les Aventuriers de l’Arche Perdu. Si on entassait à l’époque les archives et les vestiges dans un entrepôt géant gorgé de soleil, ce sont désormais ici des victimes. Cette Amérique, qui rêve toujours de grandeur, se trouve confrontée au gigantisme d’un capitalisme qui a dévoré son créateur, ou bien d’une armée qui décide elle-même des moyens qu’elle utilise. L’individu est dépassé par le système et l’écosystème d’Isla Nubar.
Jurassic World est donc égal à Jurassic Park + Le Monde Perdu. Colin Trevorrow s’emploie avec beaucoup d’assiduité et de succès à reproduire les recettes, les plans et même les tics du maestro Spielberg. Parfois, c’est agaçant : on retrouve Claire mal à l’aise dans l’hélicoptère à l’instar du personnage de Jeff Goldblum, les enfant enfermés à l’arrière d’un 4×4 renvoyant au placard métallique qui les protégeait des raptors. C’est très joliment fait, même si l’on n’a plus vraiment peur. Mais quel plaisir, à nouveau. Pour accentuer ses effets, ce n’est plus seulement deux enfants qui sont menacés, mais tous les visiteurs du parc. Ce serait comme opposer Alien à Aliens. Ce n’est pas sur la terreur que joue Colin Trevorrow mais sur le message, qui a changé lui aussi. À l’inverse de La Planète des Singes (nos critiques LES ORIGINES et L’AFFRONTEMENT), également réinitialisé par les mêmes scénaristes, Jurassic World ne cherche pas à opposer les êtres mais à leur apprendre qu’avec le respect vient la confiance et le vivre ensemble redevient possible. Dans le monde de Trevorrow, raptors et T-Rex ont compris leur complémentarité dans l’écosystème. Alors que Barry (parfait Omar Sy) aide Owen à dresser les raptors, la scientifique Claire parvient à dompter ce dernier, clone d’Indiana Jones, impeccablement incarné par Chris Pratt. On fait de la différence la vraie force de ce nouveau volet. Le monde n’est pas perdu, ses survivants ont appris à se connaître dans l’épreuve. Tout a grandi.
Le girl power est aussi à double sens. Si Julianne Moore étaient une sacrée femme, on retrouve son ADN dans Bryce Dallas Howard. Une force physique dans une plastique de rêve qui s’avère tout terrain. À l’instar de MAD MAX FURY ROAD (notre critique), ce sont les femmes qui débrouillent la situation. Formidable Bryce Dallas Howard donc, froidement belle et coiffée comme Cate Blanchett dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal. Le scénario lui donne la part belle, lui permettant de prendre le pas sur Chris Pratt. Indiana Jones dans Jurassic World, c’est bien elle finalement. À partir de cet instant, Trevorrow change sa manière de la filmer. Il la transforme en héroïne des serials des années 50 : vêtements souillés, sueur dans le décolleté et poses lascives au sol, à la Jane Russell… Cet effet stylistique renvoie à l’essence même du personnage d’Indiana Jones. Et dès lors, Trevorrow se révèle, traçant enfin son propre sillon en dehors de son maître, pour marquer son récit d’une empreinte plus érotique. Sa mise en scène prend le contrepied du propos. Alors que le scénario se féminise, le regard porté sur l’héroïne est totalement masculin. Le second degré de son plan le plus personnel, lorsqu’il filme au ralenti les jambes (et rien d’autre) de Claire, poursuivie par un dinosaure, est une belle preuve de maturité d’un cinéaste majeur en devenir. C’est sans doute aussi le premier plan qui n’appartienne pas à Spielberg.
Jurassic World redonne ainsi ses lettres de noblesse au pur divertissement. Techniquement, tout est parfait. Photo, montage… La 3D apporte une beauté sidérante aux nombreux plans d’hélicoptères, qui se détachent de la végétation en toile de fond. On en prend plein les mirettes. C’est surtout lors de l’attaque des ptérodactyles que la 3D prend tout son sens, osant le même parti pris qu’Hitchcock dans Les Oiseaux. Ces plans aériens brisent la règle du point de vue pour adopter celle des créatures volantes. La bande originale de Giacchino est plus volontairement grave que celle de Williams, dont elle reprend judicieusement quelques extraits de thèmes. C’est un plaisir immense de revenir sur cette foutue île. On peut cependant regretter que les scénaristes n’aient pas cherché une nouvelle dimension, autre que celle de visiter cette masse de terre entourée d’eau dans laquelle tout se dérègle pour la quatrième fois. Comme si l’invasion du Costa-Rica était réservée à Nespresso. Mais la fabuleuse idée du dénouement laisse imaginer un prochain épisode vraiment original…
Jérôme Nicod
- JURASSIC WORLD réalisé par Colin Trevorrow en salles le 10 juin 2015.
- Avec : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Irrfan Khan, Omar Sy, Nick Robinson, Ty Simpkins, B.D Wong, Judy Greer, Irrfan Khan, Vincent d’Onofrio, Jake Johnson, Laurent Lapkus, Katie McGrath…
- Scénario : Rick Jaffa, Amanda Silver, Colin Trevorrow, Derek Connolly d’après le roman éponyme de Michael Crichton.
- Production : Patrick Crowley, Frank Marshall
- Photographie : John Schwartzman
- Montage : Kevin Stitt
- Décors : Ronald R. Reiss
- Costumes : April Ferry, Daniel Orlandi
- Musique : Michael Giacchino
- Distribution : Universal
- Durée : 2h05
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