Interview du réalisateur Bertrand Mandico autour d’Hormona

Publié par Charles Amenyah le 12 septembre 2015

 

LA PELLICULE AU PROFIT DU NUMÉRIQUE

 

 

Notre Dame des Hormones de Bertrand Mandico

Notre Dame des Hormones de Bertrand Mandico

CineChronicle : Vous tournez souvent en 35 mm. Quelle importance accordez-vous à la pellicule ?

Bertrand Mandico : Je tourne aussi en super 8 et en 16. J’alterne les supports pellicules en fonction des moyens obtenus et du type de film. La pellicule est sensible, elle me touche et la chaleur de l’image me convient. Je ne rejette pas le numérique mais l’image est plus froide. On ne travail pas de la même façon. L’important selon moi, c’est d’avoir le choix. On n’est pas obligé de tous marcher dans la même direction. Comme je fonctionne avec une économie très réduite, je vis le tournage comme une performance pendant laquelle il faut parfois savoir resserrer l’étau. Je me méfie de la postproduction comme de la peste et j’essaie de tout faire pendant le tournage : rétroprojection (projection d’images derrière les acteurs), surimpression (pour superposer les images), etc. Je travaille la couleur en amont avec des éclairages ou des filtres. J’ai trouvé mon équilibre en travaillant ainsi. Toutefois, je n’ai pas les moyens d’imposer un mode de projection. La matière de projection est importante, mais celle de la prise de vue l’est plus encore pour moi.

 

CineChronicle : Où trouvez-vous vos décors si atypiques ou comment les concevez-vous ?

Bertrand Mandico : Je travaille avec des décorateurs très talentueux. Pour NOTRE DAME DES HORMONES, j’ai travaillé avec Astrid Tonnelier : je lui ai fait des croquis puis elle a ensuite fabriqué les décors. J’interviens beaucoup mais mes décorateurs sont très doués. Cela dit, dans le cas d’un court à très petit budget, je vais moi-même glaner de-ci de-là pour trouver les meilleurs lieux.

 

 

DES FINANCEMENTS TOUJOURS DIFFICILES

 

 

Y a-t-il une vierge encore vivante ? de Betrand Mandico

Y a-t-il une vierge encore vivante ? de Betrand Mandico

CineChronicle : Les courts-métrages ne rapportent pas, ou peu. Comment gérez-vous cet état de fait ?

Bertrand Mandico : Ce qui me déçoit surtout dans le court d’aujourd’hui, c’est qu’il est devenu un produit d’appel pour convaincre et rassurer les producteurs de longs-métrages ; cela pervertit le genre car le court est un format à part qui permet d’appréhender le récit d’une autre façon. Beaucoup de réalisateurs de courts tentent de montrer patte blanche pour la suite sans se préoccuper de créer une œuvre. Ce qui est primordial pour moi. Même avec le développement de mes longs métrages, je continuerai à faire du court.

 

CineChronicle : Comment trouvez-vous vos financements ?

Bertrand Mandico : C’est compliqué car la notion d’auteur dans le monde du court métrage n’est pas encore intégrée dans les commissions. D’autre part, mes courts fonctionnent bien mais on oublie très vite dans ce milieu. J’essaie en permanence de nouveau processus de narration et de déstructuration du récit : il est vrai qu’un producteur adepte de films plus conventionnels peut être dérouté. Pour Notre Dame des Hormones, qui a nécessité un financement conséquent, nous avons obtenu un soutien de la région centre et de France 2. Prehistoric Cabaret et Y a-t-il encore une vierge vivante ? sont quant à eux entièrement autofinancés. Pour mon premier long métrage, Les Garçons Sauvages, j’ai reçu une avance sur recettes du CNC.

 

CineChronicle : Quels sont les budgets pour ces trois films ?

Bertrand Mandico : C’est difficile à estimer, d’autant que tous les financements ne tombent pas en même temps. Pour notre Notre Dame des Hormones, environ 80 000 € ont été nécessaire. Pour Y a-t-il une vierge encore vivante, 10 000 €, et 5 000 € pour Préhistorique Cabaret.

 

 

ENTRE OBSESSIONS ET INFLUENCES

 

 

David Lynch

David Lynch

CineChronicle : On a parfois l’impression d’un être sans refoulement tant vous dévoilez les passions les plus archaïques : Y a-t-il encore certains désirs que vous n’avez pas encore osé nous avouer ?

Bertrand Mandico : Chez moi, tout commence avec l’écrit. Dans une approche un peu schizophrénique, j’essaie de me surprendre moi-même et de pousser le curseur plus loin. Mais il reste des éléments que je n’ai pas envie de monter ou de développer, j’ai donc mes propres limites et mes propres dogmes. Cela dit, il est vrai que je peux aller très loin dans certaines recherches ou certains partis pris. Il est cependant difficile pour moi d’avoir un parfait recul sur mon travail. Disons que la violence crue et froide me gêne. Ce cinéma clinique et formaté, vide de toute poésie, me gêne. J’essaie tout de même de penser contre moi-même car je fonctionne aussi beaucoup à la répulsion : m’approprier quelque chose qui me rebute de prime abord constitue un défi intéressant. Mais j’ai du mal avec ce que j’appellerai le « nihilisme clinique ».

 

CineChronicle : Quelles sont vos influences ?

Bertrand Mandico : Il y a d’abord les pères qu’on a tendance à oublier. L’influence est pour moi une affaire de strates donc j’ai tendance à ne citer que les derniers auteurs découverts. Lynch fut vraiment pour moi un compagnon de route. J’ai vu enfant dans Temps X un extrait de Eraserhead qui s’est ancré en moi. On m’a fait voir Elephant Man et Dune, puis Blue Velvet a été un choc sensoriel. D’ailleurs, en découvrant en salles Blue Velvet et Twin Peaks, la pellicule a flambée, au sens littéral du mot, au cours des deux projections : depuis, Lynch est pour moi le symbole du réalisateur qui crève l’écran et vient toucher la rétine. Buñuel est également un cinéaste vers lequel je reviens régulièrement. Je pense aussi à Fellini ou encore Kurosawa. D’un point de vue littéraire, William Burroughs et Jules Verne sont indissociables pour moi. Si Burroughs est un de mes auteurs de chevet, mes œuvres ne sont pas une adaptation de son travail ; il y a cependant une influence certaine. Les bandes dessinées de Blutch, surtout les dernières, sont également assez proches de mon univers. Je lui montre mes films, lui me montre son travail. J’aime beaucoup son approche du récit, de la femme et de l’organique.

 

Les Garcons sauvages de Williams Burroughs - livre

Les Garcons sauvages de Williams Burroughs – livre

CineChronicle : Pouvez-vous évoquer vos projets ? Les Garçons Sauvages sera-t-il aussi déroutant que vos œuvres précédentes ?

Bertrand Mandico : Nous avons plusieurs projets de long avec Ecce Film dont le premier s’ouvrira avec Les Garçons Sauvages : le scénario est fini et on prépare le tournage et le découpage. L’idée de cette trilogie potentielle est de revisiter les genres ; du film de cowboys au road-movie. Les Garçons Sauvages est un récit d’aventure, inspiré très librement du roman de William Burroughs ; on va d’un point A à un point B. Cinq garçons seront incarnés par cinq actrices. Le récit est assez organique et les péripéties qui touchent les personnages sont très particulières, mais la structure en elle-même est plus classique que celles de mes œuvres. Ce sera malgré plus déroutant. De manière générale, j’essaie de m’adapter au format. Il est vrai que la façon de traiter le long est plus académique mais je vais tout de même essayer d’y diluer mon univers. En outre, le long est un espace de liberté au même titre que le court mais on n’est pas dans le même rapport au temps et au spectateur. Le court-métrage est un concentré dans lequel j’essaie de mettre tout ce que j’ai. De plus, j’aime travailler avec l’idée – peut-être naïve – que les gens verront plusieurs fois mes œuvres. Cette approche du cinéma à tendance à se perdre. J’adore visionner à maintes reprises les mêmes films pour tenter de saisir un détail qui aurait pu m’échapper. Pour mes autres projets, j’en ai plusieurs en format court en attente, et d’autres avec la société Coproduction Office mais il est trop tôt pour en parler. J’ai également en développement une série TV (11×50 minutes) que j’ai écrite pour une production flamande, Koen Mortier. Elle est orientée science-fiction et portent sur le thème de la mutation. Elle est en cours de financement et sera destinée à la télévision anglo-saxonne. Je me sens toujours très « 19e siècle » lorsque je me lance dans l’écriture. J’imaginais Dumas en train d’écrire lorsque je rédigeais ma série. C’était très réjouissant, même si ce travail est très solitaire.

 

 

>> NOTRE CRITIQUE DE HORMONA DE BERTRAND MANDICO <<

>> NOTRE CRITIQUE DE NOTRE DAME DES HORMONES DE BERTRAND MANDICO <<

 

 

  • HORMONA, programme de trois courts métrages écrit et réalisé par Bertrand Mandico en salles depuis le 2 septembre 2015.
  • Avec : Elina Lӧwensohn, Nathalie Richard, Katrin Olfasdottir, Eva Maloisel et la voix de Michel Piccoli.
  • Production : Emmanuel Chaumet de Ecce Films et l’œil qui ment.
  • Photographie : Pascale Granel.
  • Montage : Laure Saint-Marc.
  • Décors : Astrid Tonnelier.
  • Costumes : Sarah Topalian
  • Durée : 49 min.
  • Avec le soutien de France 2 et de Cliclic
  • Distribution : Ecce Films

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