Ressortie/ Blade Runner (Final Cut) de Ridley Scott: critique

Publié par Thierry Carteret le 12 octobre 2015

Synopsis : Dans les dernières années du 20ème siècle, des milliers d’hommes et de femmes partent à la conquête de l’espace, fuyant les mégalopoles devenues insalubres. Sur les colonies, une nouvelle race d’esclaves voit le jour : les répliquants, des androïdes que rien ne peut distinguer de l’être humain. Los Angeles, 2019. Après avoir massacré un équipage et pris le contrôle d’un vaisseau, les répliquants de type Nexus 6, le modèle le plus perfectionné, sont désormais déclarés « hors la loi ». Quatre d’entre eux parviennent cependant à s’échapper et à s’introduire dans Los Angeles. Un agent d’une unité spéciale, un blade-runner, est chargé de les éliminer. Selon la terminologie officielle, on ne parle pas d’exécution, mais de retrait…

 

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Blade Runner The Final Cut - affiche

Blade Runner The Final Cut – affiche

Blade Runner s’apprête à ressortir sur nos écrans dans sa version Final Cut le 14 octobre, et dans une copie restaurée de Warner Bros totalement splendide. Le chef-d’œuvre de Ridley Scott, devenu au fil du temps un objet de culte, paraît avoir été tourné hier. Adapté de Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, Blade Runner (titre piqué au scénario fictif de William S. Burroughs) reste relativement éloigné du texte original dont il conserve principalement l’univers et le contexte. L’auteur de science-fiction, d’abord sceptique à l’idée d’une adaptation de son roman au cinéma, a avoué lors d’une projection en compagnie de Ridley Scott être très satisfait et littéralement scotché par le résultat, terriblement proche de sa vision initiale. Philip K. Dick est décédé quelques mois avant la sortie de Blade Runner. Après une première version du scénario rédigée par Hampton Francher, c’est David Webb Peoples (Impitoyable, L’Armée des 12 Singes) qui se voit confier la réécriture, donnant au projet sa base définitive pour lancer la production. La réussite de Blade Runner tient avant tout aux compétences des multiples talents qui ont participé à sa confection : Douglas Trumbull (spécialiste des effets spéciaux et visuels), Syd Mead (illustrateur et designer), Matthew Yuricich (spécialiste du Matte Painting), Jordan Cronenweth (directeur de la photographie), David Snyder (directeur artistique), Lawrence G. Paull (chef décorateur) et Vangelis (compositeur) dont la superbe partition rend cette œuvre unique et visionnaire de la science-fiction. Sans eux et les influences multiples (Enki Bilal, Moebius, la bande dessinée Métal Hurlant, l’univers cyberpunk…), cette perle d’anticipation n’aurait sans doute pas atteint une telle perfection visuelle et artistique, basée en partie sur des storyboards dessinés par Ridley Scott lui-même.

 

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Fabriqués avant l’ère du numérique, les effets spéciaux, conçus à l’aide de maquettes et de matte paintings, tiennent encore parfaitement la route pour une Å“uvre datant de plus de trente ans. Elle fut d’ailleurs la dernière tournée en 70mm. Le final cut de 2007 voit disparaître les plans aériens (récupérés sur les rushes de Shining) de la fin originale optimiste, et surtout la voix off trop explicative et plombante du narrateur (Deckard/Harrison Ford). L’ajout majeur demeure l’insert du plan avec la licorne servant à faire le lien avec l’origami que Deckard trouve ensuite. Pour l’anecdote, ce plan ne vient pas de Legend mais bien des rushes de Blade Runner, qui devait apparaître lors de la fuite de Deckard et Rachel. Cette très belle restauration aujourd’hui délivre ainsi une multitude de petits détails exprimant le perfectionnisme de Ridley Scott. Outre l’image et le son, Blade Runner a bénéficié de légères retouches sur les effets visuels, grâce aux avancées de la technologie. Le montage original (remonté une première fois en 1992 avec le director’s cut) se voit principalement rallongé de certains plans pour plus de lisibilité, de compréhension et d’émotion. Ridley Scott n’étant pas George Lucas, le travail a surtout consisté à réparer quelques « ratés » comme l’affreuse perruque sur la doublure lors de la mort de Zhora.

 

Du côté du casting, Ridley Scott a su réunir aussi de nombreux talents comme Harrison Ford, Sean Young, Edward James Olmos, Daryl Hannah, Brion James, Joanna Cassidy ou encore Rutger Hauer. Le personnage de ce dernier, Roy Batty, le « méchant » Répliquant, a marqué à jamais le cinéma, notamment au cours de son monologue final prononcé sur le toit du Bradbury Building : « J’ai vu tant de choses, que vous, humains, ne pourriez pas croire… De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion, j’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la Porte de Tannhaüser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir ».

 

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Outre la prouesse visuelle qui demeure saisissante, Blade runner possède un univers très sombre ; la nuit, la brume de pollution et la pluie sont omniprésentes. Mais aussi désenchanté, et le rythme assez lent peut encore dérouter les amateurs de blockbusters ultra-découpés car les scènes d’actions sont rares. Pourtant, c’est ce style quasiment onirique, rehaussé par la superbe partition de Vangelis, qui fait du chef d’œuvre de Ridley Scott un thriller d’anticipation proprement unique et finalement plus intemporel que visionnaire. Rick Deckard, le policier fatigué et solitaire épris de Rachel, la femme fatale, repose sur l’ambiance et les codes du film noir, genre dont Blade Runner s’inspire directement. Le réalisateur a d’ailleurs proposé sept ans plus tard la même esthétique dans Black Rain (1989), faite de néons dans un environnement urbain nocturne, pluvieux, brumeux, et où la représentation futuriste s’applique désormais au présent. On pourrait également disserter longtemps sur la profondeur du discours. Car derrière son scénario d’action linéaire, centré sur une simple chasse aux Répliquants, Blade Runner ne parle que de l’humain, des rêves et des souvenirs, du temps et du vieillissement, des émotions et des sentiments, du conditionnement génétique et social, de l’apprentissage et de l’expérience.

 

Les questions soulevées par ces humanoïdes – ces Répliquants donc – supposés dépourvus d’empathie et à l’existence beaucoup trop brève, sont les mêmes que nous nous posons. Cette version final cut voulue par Ridley Scott éclaire ainsi sur certains éléments au regard de la version de 1982. Cependant, le dénouement n’apporte pas une réponse tranchée à la question posée : Deckard est-il un Répliquant lui aussi ? Il se clôt dans une obscurité totale qui ouvre sur un abîme de réflexions… Pour rappel, Blade Runner a essuyé une volée de bois vert critique et publique lors de sa sortie à l’époque. Elle fut expliquée par celle écrasante de E.T. de Steven Spielberg. Il a cependant reçu un meilleur accueil en France (Plus de 2 millions d’entrées) et récolté diverses récompenses en 1983 dont trois BAFTA pour la photographie, les décors et les costumes, ainsi que le Prix Hugo. La ressortie de cet objet culte, après Les Duellistes (1977) et Alien (1979), est l’occasion de rappeler que Ridley Scott appartient au panthéon des grands formalistes du cinéma, à l’instar d’Orson Welles ou encore de Stanley Kubrick. Un bon moyen de patienter aussi jusqu’en 2016 pour découvrir le Blade Runner 2 réalisé par Denis Villeneuve, avec Harrison Ford et Ryan Gosling.

 

 

 

  • Ressortie de BLADE RUNNER (Final Cut) réalisé par Ridley Scott en salles le 14 octobre 2015 en version restaurée.
  • Avec : Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, Daryl Hannah, M. Emmet Walsh, Joanna Cassidy, Edward James Olmos, William Sanderson, Brion James
  • Production : Michael Deeley, Ridley Scott, Hampton Fancher, Brian Kelly
  • Photographie : Jordan Cronenweth
  • Montage : Marsha Nakashima
  • Décors : Lawrence G. Paull, Tom Duffield, Linda DeScenna
  • Costumes : Michael Kaplan
  • Musique : Vangelis
  • Distribution : Warner Bros
  • Durée : 1h57
  • Disponible en Blu-ray le 21 octobre 2015 au prix de 14,99 €
  • Date de sortie : 15 septembre 1982

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Source: CBO Box office

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