Green Room de Jeremy Saulnier : critique

Publié par Antoine Gaudé le 13 mars 2016

Synopsis : Au terme d’une tournée désastreuse, le groupe de punk rock The Ain’t Rights accepte au pied levé de donner un dernier concert au fin fond de l’Oregon… pour finalement se retrouver à la merci d’un gang de skinheads particulièrement violents. Alors qu’ils retournent au backstage après leur set, les membres du groupe tombent sur un cadavre encore chaud et deviennent alors la cible du patron du club et de ses sbires, plus que jamais déterminés à éliminer tout témoin gênant…

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Green Room - affiche

Green Room – affiche

Après BLUE RUIN (notre critique), présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Jeremy Saulnier est revenu sur la croisette l’année dernière pour proposer son troisième long métrage, Green Room, tout aussi impressionnant de maîtrise narrative et d’inventivité formelle. Ce qui frappe chez ce jeune cinéaste américain, c’est son amour pour le cinéma de genre qu’il aborde avec une véritable envie d’en bousculer les codes génériques. Néanmoins respectueux de ces modèles (Carpenter, Friedkin, Kotcheff, Milius, Hooper, Boorman…), Saulnier trouve un certain équilibre entre le survival en milieu hostile – à savoir une liberté insouciante pour un cinéma transgressif, trivial et subversif -, et l’humour noir – là où le second degré côtoie une vision nihiliste des plus âpres et des plus violentes. Green Room, c’est un peu la rencontre entre l’esthétique épurée d’un Takeshi Kitano et les quelques scénarios malins de Quentin Tarantino. Saulnier s’amuse ainsi à créer une ambiance horrifique extrêmement stylisée (couleur sombre et bleutée, lumière contrastée et sale) dans un huis clos efficace. On retrouve, par moments, cette science rigoureuse du montage et du cadre chère à John Carpenter, comme Assaut avec lequel Green Room partage des points communs. L’ambition formelle à laquelle prétend le film, sans pour autant vampiriser les effets démonstratifs, voire maniéristes, qu’il convoque (suspense, gore, gratuité du geste) révèle le défi artistique de notre époque contemporaine. Green Room offre un spectacle qui réfléchit sur son monde (les communautés secrètes, les cultes, les sectes) et travaille son imaginaire psychologique et fantasmatique (pulsions meurtrières, désir de vengeance, loi du Talion). Saulnier réalise ici plus qu’un simple exercice de style ; il assume entièrement ses partis pris scénaristiques, et propose une vision du monde, personnelle et efficace, bien plus modeste que dans Blue Ruin. Il y a très peu d’envolée contemplative ou réflexive ici, le ton est davantage ironique et ludique. 

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Green RoomGreen RoomGreen RoomGreen Room

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Construit autour de personnages solides, et finalement attachants, Green Room se permet de livrer des scènes d’action démesurées, voire absurdes et même burlesques par moments, qui fascinent puis interrogent notre éthique personnel. Il s’avère un excellent divertissement, tout en conservant des attributs, hautement estimables, du bis qui relève essentiellement de l’expérience jubilatoire. Des idées de cinéma à la fois immersives et totales, narratives et visuelles, Saulnier en délivre assez pour que son film aspire à une place de choix dans la production de genre américain actuelle. Nos héros sont de jeunes musiciens d’un groupe de hard-rock qui parcourent les petites bourgades à la recherche de concerts à donner. Saulnier choisit de les plonger au « cœur de l’enfer », prenant ici l’apparence d’un « rade » nauséabond et perdu au milieu de nulle part. Le mélange de skinheads excités, de néo-fascistes et de gourou (Patrick Stewart littéralement à contre-emploi) s’avère aussi savoureux que pervers. Suite à un malentendu, ces « proies » se retrouvent pris au piège dans cet effroyable endroit, où les ravisseurs tentent de les éliminer. La chasse est alors ouverte ; les stratégies d’éliminations regorgent d’idées macabres et morbides, comme celles des chiens entraînés. Les effets de surprises concoctés par Saulnier, et sa grande maîtrise de l’espace, sont en majorité réussis. On pense à certaines morts de personnages assez surprenantes car véritablement inattendues. L’expérience vire au cauchemar total.

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Green Room joue ainsi autant avec le gore (la blessure au bras d’Anton Yelchin) qu’avec les bruitages sonores hors champ. Il n’hésite pas non plus à s’aventurer sur le terrain de la farce, à la manière de KILLER JOE de William Friedkin (notre critique) ; le final est des plus excitants. Preuve de l’irrévérence savoureuse du jeune cinéaste dans sa façon de pratiquer le genre. Si on retrouve certains éléments familiers de son cinéma, Green Room marque néanmoins une avancée dans sa jeune carrière. Il doit, pour la première fois, diriger certains acteurs au pedigree bien plus impressionnant que le sien : l’ultra-référencé Patrick Stewart (X-Men), l’inclassable Anton Yelchin (Star Trek) et Imogen Poots, de plus en plus présente sur les écrans, font des merveilles. On note également la présence du jeune Callum Turner, révélé dans Queen and Country de John Boorman, et bien sûr Macon Blair, son acteur fétiche depuis Murder Party et véritable révélation dans Blue Ruin. On espère seulement que cette fructueuse association se prolonge dans les années à venir. Green Room fait donc tellement partie de ces propositions rares dans le cinéma de genre que cela mérite vraiment d’être salué.

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Antoine Gaudé

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  • GREEN ROOM écrit et réalisé par Jeremy Saulnier en salles le 27 avril 2016.
  • Avec : Patrick Stewart, Anton Yelchin, Imogen Poots, Macon Blair, Alicia Shawkat, Joe Cole, Callum Turner, Mark Webber, Eric Edelstein…
  • Production : Neil Kopp, Victor Moyers, Anis Savjani
  • Photographie : Sean Porter
  • Décors : Ryan Warren Smith
  • Costumes : Amanda Needham
  • Montage : Julia Bloch
  • Musique : Brooke Blair, Will Blair
  • Distribution : The Jokers / Bac Films
  • Durée : 1h35

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