Synopsis : Un vagabond solitaire voit sa vie bouleversée lorsqu’il retourne à sa maison d’enfance pour accomplir une vieille vengeance. Se faisant assassin amateur, il est entraîné dans un conflit brutal pour protéger sa famille qui lui est étrangère.
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Dans la liste des nouveaux metteurs en scène à suivre, l’Américain Jeremy Saulnier se place dignement sur les rangs. Après Murder Party, son premier long métrage inédit France sorti en 2007, qui mêlait horreur et comédie, ce scénariste, réalisateur et directeur de la photographie de 38 ans revient avec Blue Ruin. Il signe un thriller de vengeance minimaliste, qui puise fièrement ses influences du côté des frères Coen. Car dans l’écriture du traitement, il y a un peu de Blood Simple et de Fargo. On ne peut rêver mieux comme source d’inspiration. Ainsi après avoir écumé les plus grands festivals comme Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, Deauville, Locarno ou encore Toronto, Blue Ruin trouve enfin son chemin dans les salles de cinéma. Si le postulat de départ, centré sur un homme qui cherche à tuer le meurtrier de ses parents, reste classique, Jeremy Saulnier se libère à merveille des conventions du genre et façonne un personnage principal singulier. Dwight est un sdf paumé et un lâche plein de faiblesses qui décide d’aller jusqu’au bout de sa vengeance malgré sa totale incompétence. Béotien en armes à feu, malhabile et vulnérable, il tente par tous les moyens d’accomplir ses représailles sans forcément y parvenir. C’est la très belle idée de Blue Ruin et tout son intérêt. Jeremy Saulnier, en amoureux de cinéma, s’amuse à laisser son protagoniste se dégager comme il peut de situations inextricables souvent exploitées dans le polar noir. Mais en plongeant son récit en plein Delaware, situé sur la côte Est des Etats-Unis, il installe une atmosphère poisseuse dressant ainsi une peinture bien plus réaliste et sordide. Le cinéaste fait partie de cette école du cinéma indépendant américain qui s’éloigne volontiers des codes dictés des standards hollywoodiens pour donner une vision d’une Amérique à la gâchette facile et à la liberté plus limitée.
L’autre belle surprise est Macon Blair, qui retrouve le cinéaste après Murder Party. Il renvoie avec brio toute la fragilité de Dwight dans une performance que n’aurait probablement pas renié un Paul Giamatti en grande forme. Maitrisant parfaitement ce rôle de marginal paumé hirsute mais déterminé, Macon Blair porte sur lui une grande partie de la réussite de Blue Ruin. Silencieux, craintif, vulnérable et borné, il transmet chacune de ces émotions avec justesse. On fait face ici à un futur grand acteur, plaisir trop rare pour ne pas le saluer. Enfin, en talentueux directeur de la photographie, Jeremy Saulnier se fait aussi plaisir sur chaque plan se fendant d’une identité visuelle qui manipule avec soin les effets d’ombre et de lumière. Entre longues séquences aux cadres très structurés et celles plus gores, trash et agitées, mises en exergue par la caméra à l’épaule, il rend aussi hommage au cinéma de genre, avec une note d’humour décalée parfaitement de rigueur. Le tableau serait idéal si certaines scènes avaient été parfois moins longues avec des personnages secondaires moins stéréotypés comme les sÅ“urs Cleland. Si l’on reste quelque peu sur notre faim, cela n’enlève rien au fait que Jeremy Saulnier donne la furieuse envie de découvrir déjà son prochain long métrage.
Olivier Couradjut
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- Blue Ruin écrit et réalisé par Jeremy Saulnier en salles le 9 juillet 2014
- Casting : Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves, Kevin Kolack, Eve Plumb, David W. Thompson, Brent Wezner, Stacy Rock…
- Production : Richard Peete, Anish Savjani, Vincent Savino
- Photographie : Jeremy Saulnier
- Montage : Julia Bloch
- Décors : Kaet McAnnemy
- Costumes : Brooke Bennett
- Effet Spéciaux : Toby Sells
- Effets Visuels : Justin Ball
- Musique : Brooke et Will Blair
- Distribution : The Jokers / Le Pacte
- Durée : 1h32
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