Synopsis : Comment concilier sa carrière d’artiste avec sa vie de père de famille est la question centrale de ce document très intime. Liv Corfixen a suivi son mari Nicolas Winding Refnde la pré-production de Only god forgives au cours de laquelle il a amené sa famille avec lui pendant 6 mois à Bangkok jusqu’à la présentation du film au festival de Cannes. De son rapport très spécial avec Alejandro Jodorowsky à son amitié très forte avec Ryan Gosling, My life directed by Nicolas Winding Refn nous plonge au coeur du processus créatif et de la vie privée d’un des plus grands réalisateurs du 21ème siècle.
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My Life Directed By Nicolas Winding Refn frappe d’abord par sa sincérité. Pendant six mois, Liv Corfixen a suivi son célèbre mari en Thaïlande alors qu’il travaillait sur son neuvième long-métrage, ONLY GOD FORGIVES (notre critique). Décidée à ne pas limiter sa vie à son rôle de mère, elle passe ainsi à son tour derrière la caméra et commence à le filmer pour nous offrir une vision plus intime du réalisateur. Portrait sans faux semblant d’un metteur en scène propulsé du jour au lendemain sous le feu des projecteurs après le succès de DRIVE (notre critique), ce documentaire nous parle d’elle autant que de lui. En une heure à peine, elle ne peut bien sûr pas mener de véritable réflexion en profondeur, néanmoins cela n’a rien de gênant. En multipliant les gros plans et en privilégiant un éclairage naturel, le film prend un aspect étrangement familier et crée une forte empathie avec les personnages ; il y a quelque chose d’imparfait dans la forme. Si les angles de cadrage manquent d’harmonie et les mouvements de caméra ne sont pas assez fluides, ce sont justement ces lacunes qui rendent l’oeuvre intéressante. Sa fragilité fait sa force. C’est grâce à elle que My Life Directed By Nicolas Winding Refn sonne juste. À tel point que l’on a parfois l’impression d’espionner l’intimité d’une famille ordinaire. Ce couple danois exilé à Bangkok parle à chacun de nous. Ils étendent leur linge, se disputent et jouent avec leurs enfants. Ils ont beau prendre leur petit-déjeuner avec Ryan Gosling, on est loin des paillettes et du glamour hollywoodien.
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Derrière cette mise en scène simple et ces images prises sur le vif comme pour un film de vacances, on devine une femme qui s’interroge sur sa place dans le monde et sa relation avec son mari. Elle-même artiste, Liv Corfixen a mis sa carrière entre parenthèses pour soutenir son époux devenu coqueluche du cinéma américain. Dans ce documentaire, Corfixen ne joue pas et le fait qu’elle commente elle-même sa démarche renforce encore le côté personnel de l’oeuvre. Lorsque Alejandro Jodorowsky lui affirme que son rôle est avant tout d’aider Refn – ou plus tard, lui expliquant qu’elle doit divorcer pour prendre son envol -, on devine au ton de sa voix, que tout cela, elle le sait déjà. Le titre en lui-même est significatif : c’est Nicolas Winding Refn qui dirige au sens propre et figuré la vie de la jeune femme. Elle n’en est qu’actrice et on se demande ici jusqu’à quel point réaliser ce film a été pour elle une catharsis. Un constat terrible mais qui ne semble éveiller en elle aucune rancoeur. À la façon dont Corfixen filme Refn, on sent tout l’amour qu’elle lui porte. Les images récurrentes du lit du couple viennent sans cesse nous rappeler que ces deux êtres ne font qu’un. L’utilisation de la musique de Cliff Martinez, qui vient magnifier les plans sur le visage de leur fille aînée, renforce encore cette impression. Si on aime sa façon de se servir des mélodies, on aime encore plus celle d’utiliser les silences. Tous sont lourds de sens et soulignent l’angoisse qui ronge son mari.
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Car ce film nous propose une autre vision de Nicolas Winding Refn ; on ne peut s’empêcher de penser à Aux coeurs des ténèbres : L’Apocalypse d’un metteur en scène, documentaire sur le tournage d’Apocalypse Now réalisé par Eleanor Coppola et George Hickenlooper. Les deux œuvres dressent le portrait d’un cinéaste sous pression qui, après un énorme succès commercial et critique – (Le Parrain pour Coppola, Drive pour Refn) -, se lance dans la réalisation d’un nouveau film. Nicolas Winding Refn est rongé par le doute mais tente de faire bonne figure devant son équipe. Interrogé par sa femme, il parle de ce tournage comme d’une partie d’échec et s’inquiète à l’idée de finir échec et mat. Nous sommes au coeur du processus de création, un moment à la fois douloureux et exaltant. Le documentaire prend ainsi des airs de making of ; on découvre l’envers du décor et les scènes qui sont faites encore et encore, avec l’équipe technique chargée de tout remettre en place entre chaque prise.
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Mais aussi le manque d’argent, nerf de la guerre, qui pousse Refn et Gosling à accepter 40 000 dollars cash pour faire une apparition lors d’une projection en public de Drive. Le moment où Nicolas Winding Refn compte lui-même les billets a quelque chose de pathétique et de fascinant. Bigoudis dans les cheveux, l’organisatrice de la soirée, qui regarde la scène, prend tout à coup des airs de mère maquerelle. Les dernières scènes de My Life Directed By Nicolas Winding Refn se déroulent lors du Festival de Cannes, où Only God Forgives est présenté, puis retour à Copenhague. Nous sommes après la tempête, la vie reprend son cours. Corfixen avoue à son mari que ce n’est pas toujours facile de vivre avec lui ; il la regarde comme un enfant pris en faute. Il n’est plus un réalisateur en vogue, il est redevenu un homme. Un homme qui, poussé par son égo, se transforme en être autoritaire alors qu’après tout, comme le formule sa fille, « C’est jamais qu’un film ».
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- MY LIFE DIRECTED BY NICOLAS WINDING REFN écrit et réalisé par Liv Corfixen disponible directement en VOD et DVD dès le 27 Avril 2016.
- Avec : Liv Corfixen, Nicolas Winding Refn, Ryan Gosling, Alejandro Jodorowsky.
- Producteurs :Lene Borghum
- Photographie : Liv Corfixen
- Montage : Catherine Ambus
- Son : Kristian Eidnes Andersen
- Musique : Cliff Martinez
- Distribution : The Jokers / Wild Side
- Durée : 59 minutes
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