Synopsis : En pleine guerre de Sécession, Newton Knight, courageux fermier du Mississippi, prend la tête d’un groupe de modestes paysans blancs et d’esclaves en fuite pour se battre contre les États confédérés. Formant un régiment de rebelles indomptables, Knight et ses hommes ont l’avantage stratégique de connaître le terrain, même si leurs ennemis sont bien plus nombreux et beaucoup mieux armés… Résolument engagé contre l’injustice et l’exploitation humaine, l’intrépide fermier fonde le premier État d’hommes libres où Noirs et Blancs sont à égalité.
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C’est dans un contexte houleux centré sur les relations entre les communautés noires et blanches aux États-Unis que Gary Ross nous dévoile Free State of Jones. L’œuvre, inspirée de faits réels, survenus pendant et après la Guerre de Sécession, nous relate la naissance du premier état américain où les Hommes furent libres et égaux en droit, et peu importe la couleur de peau. Cette histoire nous est relatée autour de la vie de Newton Knight, l’homme qui en est à l’origine. Gary Ross, derrière le premier Hunger Games (2012), s’est entouré d’acteurs talentueux comme Matthew McConaughey ou Mahershala Ali. À la photographie, nous retrouvons Benoît Dehomme, Caméra d’or à Cannes et Lion d’or à Venise pour différents projets. L’entrée en matière, sanglante et froide, nous place au sein des lignes confédérées marchant impassiblement vers celles des tuniques bleues, tandis que la mitraille et les canons rugissent, et que les corps déchiquetés tombent. L’image est crue, la pudeur absente. Les blessures ne fuient pas l’œil de la caméra et la douleur, visible et audible, est palpable. Dans ce contexte apparaît Newton, un infirmier qui tente de ramener les blessés vers le salut. Cet homme idéaliste, combattant malgré lui, voit son destin basculer suite à de nombreux évènements qui ont fait de lui le fondateur de l’État de Jones.
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La photographie saturée et intense sublime les cadres parfaits d’une caméra dynamique, offrant à la fois des plans larges et serrés. La nature joue son rôle à merveille ; la flore du Mississippi révèle ses palétuviers et marécages iconiques. Les marais du bayou sont inquiétants et boueux, les champs de coton imposent leur force à perte de vue. Les batailles sont fulgurantes, la terre vole aux coups de canons et les fusils détonnent dans des combats sans pitié. La vie dans les fermes du sud est aussi justement rendue, avec des séquences de labeurs qui exposent la raison principale du soulèvement des rebelles, à savoir la réquisition par les troupes de toutes les ressources des familles. Free State of Jones réussit le pari de rester juste avec l’Histoire, et évite un manichéisme tranché, via de subtiles séquences qui mettent en avant les divergences d’opinions politiques au sein des rebelles de Jones. Les tuniques bleues ne sont pas présentées simplement comme des justiciers. Il s’agit de combattants de la bannière étoilée qui se souciaient peu de l’abolition de l’esclavage. Quant aux confédérés, Ross dépeint un large éventail d’individus différents qui les formaient, conduisant à leur inévitable éclatement : des hommes de conviction, mais aussi des conscrits, perdus dans une guerre de riches exploitants qui n’est pas la leur.
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Le film tient un rythme soutenu, mais accuse une baisse de rythme sur sa dernière demi-heure. Il ne perd pas nécessairement en qualité, mais un montage plus lent et posé peut déranger sur 2h20. Qu’importe. Free State of Jones parvient à exposer, au moyen de séquences poignantes, la faiblesse du pouvoir politique des républicains dans le sud, conduisant à l’impunité des crimes du Klu Klux Klan et le début du long combat des Afro-Américains pour l’égalité. La performance des acteurs est remarquable, à l’image de la qualité d’interprétation de Matthew McConaughey. L’acteur incarne ici la force des convictions de Newton Knight, avec un regard et des postures saisissantes. On peut également saluer la performance de Mahershala Ali, émouvant dans le rôle de Moses, un ancien esclave qui devient un activiste politique. La musique, bien que discrète, ne fait aucune fausse note et équilibre les différents tempos entre soulèvements dramatiques lors des scènes d’action et sobriété dans les moments d’émotion.
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La clôture du film sur la chanson I’m cryin de Lucinda Williams nous heurte avec une force proche de Strange Fruit de Billie Holiday et nous laisse pensif tandis que l’écran fait défiler son générique de fin. Free State of Jones est une expérience marquante qui fait du bien en ces temps difficiles à travers le monde. Ce western moderne propose un pan de l’Histoire peu connu et salut la rébellion, bien plus qu’il ne rend compte de l’asservissement. S’il idéalise les personnages et les valeurs qu’ils défendent, on peut le lui pardonner car Free State of Jones est une part de fraternité qu’on reprendrait bien volontiers.
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- FREE STATE OF JONES écrit et réalisé par Gary Ross en salles le 14 septembre 2016.
- Avec : Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali, Keri Russell, Christopher Berry…
- Production : Gary Ross, Scott Stuber, John Kilik
- Photographie : Benoît Delhomme
- Montage : Juliette Welfing, Pamela Martin
- Décors : Philip Messina
- Costumes : Louis Frogley
- Musique : Nicholas Britell
- Distribution : Metropolitain FilmExport
- Durée : 2H20
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