Synopsis : Du Cavern Club de Liverpool à leur dernier concert américain au Candlestick Park de San Francisco, le documentaire retrace les premières années de la carrière des Beatles de 1962 à 1966, marquées par les tournées incessantes à travers le monde. Des centaines de dates, des milliers de fans, des heures de concerts ont permis aux Beatles d’entrer dans la légende, mais aussi d’apprendre à se connaître, à se chercher, à se renouveler et à écrire ensemble toujours plus de chansons mythiques.
♥♥♥♥♥
Après avoir distribué en mai dernier, dans le cadre de séances uniques, le surprenant documentaire Cobain : Montage of Heck, retraçant la vie du leader de Nirvana, Kurt Cobain, Pathé Live renouvelle la formule avec celui de Ron Howard sur les Beatles. Réaliser en 2016 un film sur l’un des plus grands groupes du XXe siècle, c’est prendre le risque de livrer une énième resucée sur le sujet. Documentaires, livres, disques, produits dérivés… la carrière des quatre garçons de Liverpool n’a jamais cessé de passionner les foules et les fans depuis plus de 50 ans. Mentionner successivement les prénoms John, Paul, George et Ringo suffit amplement pour identifier le groupe venu du nord de l’Angleterre. La déclaration anodine de John Lennon s’est avérée être prophétique, les Beatles sont devenus avec le temps plus populaires (du moins autant) que Jésus, connus, reconnus et appréciés des grands-parents comme des petits-enfants. Si la tagline sur l’affiche française indique habilement « Vous connaissez le groupe. Pas leur histoire. », on est donc en droit de se demander si The Beatles – Eight Days A Week va effectivement apporter sa précieuse pierre à l’édifice du groupe légendaire. Et la réponse est sans conteste un grand oui. La promesse de l’accroche quelque peu racoleuse est finalement entièrement tenue. Initialement lancé il y a quelques années, puis manifestement oublié, le projet est exhumé au début de la décennie 2010 par Jeff Jones, directeur de Apple Corps Ltd., compagnie fondée en 1968 par les Beatles. Dans sa démarche, il est aidé par Nigel Sinclair, producteur des documentaires musicaux réalisés par Martin Scorsese, No Direction Home, sur le début de carrière de Bob Dylan, et George Harrison : Living in the Material World, sur celle du guitariste des Beatles. Sinclair travaillait à ce moment-là avec Ron Howard sur Rush (critique). En 2012, ce dernier accepte donc de réaliser le projet, se lançant alors dans sa seconde expérience documentaire, après avoir filmé cette même année la première édition du festival Made in America, créé par le rappeur Jay-Z.
.
.
Cependant, un projet appuyé par la société mère, un producteur branché par le monde de la musique et un réalisateur de renom ne suffisent pas à faire un bon documentaire. Il faut également des contenus inédits pour prétendre à un produit de qualité qui ne donne pas l’impression de radoter. Pour cela, la société Apple Corps Ltd., avec l’accord des Beatles encore vivants et des veuves Lennon et Harrison, a mis à disposition plusieurs bandes d’enregistrements audio du studio Abbey Road, jusque-là gardées secrètement, et a retrouvé des bobines de films de concerts conservées religieusement par des fans de la première heure. Des concerts non filmés refont alors surface, et associées à des photographies parfois animées, des sessions d’enregistrements prennent enfin vie. Les expérimentations, les essais, les fausses notes et les discussions captés par les enregistrements sonores en loge de concert ou en studio permettent d’entrer dans l’intimité du groupe. Une petite moquerie lancée par Ringo à l’encontre de Paul et de George, silencieux, qui accorde sa guitare pendant que John recadre gentiment les troupes, le tout entrecoupé de bruits d’expirations soutenus qui laissent imaginer les volutes de fumées et le brouillard épais présent dans la pièce. Les spectateurs ont l’impression d’être en prise directe avec le groupe. Un bonus diffusé à la fin du documentaire leur permet en outre de revivre 30 minutes du célèbre concert au Shea Stadium de New-York en 1965, spécialement remonté et remasterisé pour l’occasion. Avec des images léchées et la diffusion de plus de la moitié d’un concert mythique, Howard réussit l’essentiel en rendant les légendes accessibles à leurs fans.
.
.
Mais au-delà du simple étalage d’images et d’enregistrements méconnus du public, le réalisateur américain intègre une véritable réflexion sur la carrière du groupe britannique. En se focalisant seulement sur leurs années de tournées, Ron Howard ajoute à sa réalisation un sous-texte captivant. S’ils étaient talentueux sur scène, les Fab Four prenaient toute l’ampleur de leur génie en studio et non en live. Certes, c’est un secret de polichinelle pour leurs admirateurs mais il était tout de même important de le rappeler pour mieux cerner l’essence même du groupe. Ron Howard s’appuie donc sur une décision majeure dans la carrière du groupe. Pour gagner en maturité et s’épanouir musicalement, The Beatles devait briser le cercle vicieux que représentait la Beatlemania en stoppant radicalement les concerts à la chaîne. En exposant cette frénésie lors des apparitions publiques devant des masses de fans de plus en plus hystériques, le documentaire parvient à trouver l’élément déclencheur d’une nouvelle ère pour le groupe. Une fois libérés des costumes de gentils garçons bien coiffés attendus aux quatre coins de la planète, les Beatles peuvent enfin librement s’exprimer dans leur studio d’Abbey Road pour entrer davantage dans l’histoire et la légende. Leur dernier concert en 1969 sur les toits d’Apple Records à Londres, à l’abri du public dans cette tour d’ivoire, symbolise cette appréhension encore présente de la foule en délire.
.
Si l’on regrette certains sujets polissés ou tout simplement passés sous silence, notamment celui de l’influence des drogues sur le quotidien du groupe ou encore sur les véritables raisons de sa dissolution, The Beatles – Eight Days A Week est une opération séduction totale et réussie, tant sur le plan du montage que sur le travail effectué sur le son et les images d’archives. En intriguant le néophyte sans le larguer et en comblant le connaisseur sans jamais l’ennuyer, le documentaire de Ron Howard réussit à rassembler différents publics de différents âges derrière un groupe, si ce n’est LE groupe.
.
Erwin Haye
.
.
.
- THE BEATLES – EIGHT DAYS A WEEK (The Beatles Eight Days a week – The touring years) réalisé par Ron Howard exclusivement en salles le 15 septembre 2016 à 20h dans certains cinémas.
- Avec : Paul McCartney, John Lennon, Ringo Starr, George Harrison, Whoopi Goldberg, Sigourney Weaver, Elvis Costello…
- Scénario: Mark Monroe
- Production : Ron Howard, Brian Grazer, Nigel Sinclair
- Photographie : Michael Wood
- Montage : Paul Crowder
- Supervision design sonore : Chris Jenkins
- Distribution : Pathé Live
- Durée : 2h18
.