Ressortie/ Police Fédérale Los Angeles de William Friedkin : critique

Publié par Charles Villalon le 4 janvier 2017

Synopsis : Richard Chance est un flic tête brûlée, obsédé par la traque du faussaire Rick Masters. Le jour où son coéquipier est abattu alors qu’il menait une opération en solo, Chance va peu à peu dévier de la légalité pour parvenir à ses fins et régler ses comptes… dans un bain de sang.

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Police federale Los Angeles de William Friedkin - affiche

Police Fédérale Los Angeles de William Friedkin – affiche

À la vision de la première scène de Police Fédérale Los Angeles, on est frappé par son apparente actualité, qui pourrait expliquer sa ressortie en version restaurée par Splendor Films le 4 janvier. Sur fond de discours de campagne électorale, on y suit l’arrestation d’un terroriste islamiste qui finit par se faire exploser. Situation dans l’air du temps. Qu’on ne s’y trompe pas pour autant, dès son générique, très eighties, et sa bande son à l’avenant, le polar de Friedkin apparaît assez daté. Rien de surprenant à cela quand on sait que celui-ci avait confié lors de la sortie du film avoir voulu lui donné « le style unisexe typique des années 80 ». Ceci dit, daté ne signifie pas vieillot, et s’il est marqué par son époque et sa situation dans l’histoire du polar américain, il n’en est pas un simple produit. À bien des égards, To Live and Die in L.A. (son titre original) est le chant du cygne du polar naturaliste hollywoodien tel qu’il est né à la fin des années 60, avec des films comme Bullitt de Peter Yates (1968), ceux de Don Siegel comme Police sur la ville (1968) et le célèbre Inspecteur Harry (1971), ou encore le beau Les flics ne dorment pas la nuit de Richard Fleischer, récemment ressorti en DVD. On y retrouve l’atmosphère violente des grandes métropoles, le flic solitaire mu par son désir de vengeance plus que par le sens de la justice… Friedkin, qui a lui-même participé à l’essor de cette mouvance en réalisant French Connection en 1971, truffe Police Fédérale Los Angeles de réminiscences des plus belles réussites du genre, comme dans la superbe scène de course-poursuite – évoquant forcément celle de Bullitt – qui nous conduit sur le lit bétonné de la Los Angeles River où avait déambulé Lee Marvin dans Le Point de non-retour de John Boorman (1968). Mais s’il s’inscrit dans la continuité du genre, il en marque aussi le point limite, annonçant par maints détails la fin d’une ère. De fait, si la figure du héros correspond aux archétypes du genre, celui du hors-la-loi en diffère sensiblement. Jusque-là, le gangster dans le cinéma américain était resté sans foi ni loi, une menace effrayante pour la société.

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Police Federale de Los Angeles

Police Fédérale de Los Angeles

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Ici, dès sa première apparition, Masters (Willem Dafoe, en grande forme) est présenté moins comme un criminel que comme un artisan. Son travail de faussaire nous est montré dans le détail, étape par étape, comme une œuvre demandant un savoir-faire. On peut y voir l’amorce d’un virage qui amène dans les années 90, à nous présenter les gangsters comme des gens ordinaires (cf. Pulp Fiction, entre autres). Si Police Fédéral Los Angeles est un point limite du polar naturaliste, c’est aussi parce que la tonalité du film policier mainstream se modifie au cours des années 80. On abandonne les ambiances réalistes et les héros taiseux pour des films d’action au second degré assumé, portés par des personnages dopés à la punchline cinglante. Ainsi, certains détails, sans valeurs particulières au moment de la sortie, témoignent aujourd’hui d’une mutation du cinéma américain. Revenons d’ailleurs à notre première scène pour y piocher un exemple. Richard Chance (William Petersen), le flic tête brûlée, a donc repéré un terroriste dans l’hôtel dont il assure la sécurité. Il est sur le point d’être tué quand son partenaire, qui est à quelques jours de la retraite, projette l’assaillant dans le vide juste avant l’explosion. S’asseyant pour reprendre ses esprits, celui-ci lâche alors « Je suis trop vieux pour ces conneries ».

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Police Federale de Los Angeles

Police Fédérale de Los Angeles

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À l’époque de la sortie, cette phrase n’était rien d’autre que le témoignage d’un dur à cuire sur le retour, un cliché usité destiné à faire valoir son statut de héros fatigué. Mais c’est la dernière fois qu’une telle réplique est utilisée sans ironie. Deux ans plus tard, dans l’Arme Fatale (1987), cette même phrase prononcée par un autre officier prêt à prendre sa retraite, devient un gimmick comique. Ainsi, William Friedkin est pris entre deux feux, d’un côté cherchant à faire avancer les pions du polar naturaliste dans l’univers pop des années 80, de l’autre menacé par une récente vague de second degré qui désamorcerait l’enjeu dramatique de son film. Cela ne l’empêche pas de se tenir sur la crête et de livrer un polar très réussi, haletant de bout en bout… ou presque. Car cette réussite globale est mise à mal par un dénouement grotesque assez inexplicable. Bazardant in fine son sens de la mesure et la ferme tenue de son récit, il nous jette brusquement dans les dix dernières minutes trois scènes abracadabrantes dont on peine à comprendre si elles sont censées faire office de twist ou d’apogée. Si cette fin laisse un petit goût amer, elle n’efface pas ses indéniables qualités.

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Charles Villalon

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  • Ressortie de POLICE FÉDÉRALE LOS ANGELES (To Live and Die in L.A.) réalisé par William Friedkin, en salles en version restaurée le 4 janvier 2017.
  • Avec : Willem Dafoe, William L. Petersen, John Pankow, John Turturro, Dean Stockwell…
  • Scénario : William Friedkin et Gerald Petievich, d’après son roman éponyme
  • Production : Irving H. Levin
  • Photographie : Robby Müller
  • Montage : Scott Smith
  • Décors : Lilly Kilvert et Buddy Cone
  • Costumes : Linda Bass
  • Musique : Wang Chung
  • Distribution : Splendor Films
  • Durée : 1h56
  • Sortie initiale : 1er novembre 1985 (États-Unis) – 7 mai 1986 (France)

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