Sortie Blu-ray/ Coffret Richard Fleischer : critique

Publié par Thierry Carteret le 2 novembre 2016

Synopsis du coffret : Trois chefs-d’oeuvre signés Richard Fleischer. Du thriller virtuose Terreur aveugle au drame social et psychologique L’Étrangleur de Rillington Place en passant par le polar des Flics ne dorment pas la nuit, le cinéaste américain a investi tous les genres avec maestria. Retrouvez le meilleur de sa filmographie en 3 films cultes.

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Coffret Richard Fleischer

Coffret Richard Fleischer

L’actualité DVD et Blu-ray fait la part belle à Richard Fleischer. Après la sortie début octobre de Mr. Majestyk (critique) dans une édition HD luxueuse chez Wild Side, c’est au tour de l’éditeur Carlotta de proposer trois autres films du réalisateur en version restaurée. Au programme : Terreur aveuge, L’étrangleur de Rillington Place et Les flics ne dorment pas la nuit. Trois œuvres cultes des années 70 réunies dans un coffret, également disponible à l’unité, à partir du 9 novembre. Peu connu, Terreur aveugle est un thriller remarquable et oppressant qui place une jeune aveugle (Mia Farrow) face à un tueur psychopathe dans une maison bourgeoise de la campagne anglaise. D’emblée, le réalisateur nous présente l’héroïne et son univers familial à travers un portrait psychologique fait de souvenirs et de douceur de vivre à la campagne, avant l’éclatement dans un second acte au suspense hitchcockien. Avec une économie de moyens et un sens du détail inouï, la mise en scène épouse le point de vue de la fragile Sarah, devenue aveugle suite à un accident de cheval. On s’attache immédiatement à elle, d’autant plus lorsque le tueur fou fait irruption dans sa vie, après avoir fait un massacre dans la propriété de famille. Ce tueur, le réalisateur nous le présente à travers un seul élément : le bas de ses jambes avec sa paire de santiags. Un élément vestimentaire qui à la fois l’identifie et porte le doute sur les hommes (le fiancé de Sarah, le palfrenier ou un gitan) qui gravitent autour de la propriété. À l’inverse d’autres oeuvres du même genre, comme Seule dans la nuit, Témoin muet ou Deux mains, la nuit, l’intrigue de Terreur aveugle se déroule intégralement en plein jour. Une manière d’instaurer l’effroi sans user des artifices « faciles » du noir et des ombres. Un procédé qui fonctionne car la tension ne retombe jamais. Le tout est soutenu par la partition musicale tantôt émouvante ou grandiloquente de Elmer Bernstein.

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Mia Farrow - Terreur Aveugle

Mia Farrow – Terreur Aveugle

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Sous la plume de Brian Clemens, connu pour être le créateur de la série Chapeau melon et bottes de cuir, le scénario réserve de belles surprises. Richard Fleischer n’hésite pas à faire vivre un véritable calvaire presque sadomasochiste à sa comédienne, en la faisant notamment fuir couverte de boue lors d’une scène particulièrement mémorable. Le personnage de Mia Farrow rappelle d’ailleurs un peu celui de Rosemary’s Baby. Une jeune femme prise au coeur de tourments insondables qui la rend mélancolique et attachante. On a envie de la protéger. L’idée qu’elle soit aveugle accentue encore le sentiment d’inconfort ; le tueur pouvant apparaître à chaque instant. Par bien des aspects, la mise en scène très soignée de Richard Fleischer, derrière Soleil Vert ou Vingt mille lieues sous les mers, préfigure les thrillers de Brian de Palma et les giallos de Dario Argento : même sens de la stylisation des éléments et des cadrages. Terreur aveugle se termine sur un plan magistral qui montre que nous sommes tous des voyeurs et quelque part complices de ce qui se passe à l’écran.

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L'Etrangleur de Rillington Place

L’Etrangleur de Rillington Place

L’étrangleur de Rillington Place s’inspire d’une affaire réelle et très célèbre en Angleterre qui a favorisé l’abolition de la peine de mort en 1965. Le récit raconte l’histoire vraie du tueur en série John Christie dans les années 1940. Le scénario de Clive Exton s’appuie sur le livre très documenté de Ludovic Kennedy. La mise en scène de Richard Fleischer se révèle un modèle de rigueur et d’économie. Si Terreur aveugle plaçait la caméra sous l’angle de l’héroïne aveugle, L’étrangleur de Rillington Place adopte le point de vue du tueur en série. Richard Fleischer ne sombre jamais dans le glauque malgré son intrigue profondément noire. Tout ici fait sens, et le réalisme des décors d’un immeuble vétuste du quartier pauvre de Londres exprime la psyché du tueur psychopathe. Loin de l’image du croquemitaine, c’est le grand comédien Richard Attenbourough (Jurassic Park) qui donne à ce monstre froid, manipulateur et pervers, l’aspect d’un homme ordinaire au physique banal qui le rend d’autant plus terrifiant et imprévisible. Et ce, malgré le faux crâne maquillé qui lui donne une apparence étrange. L’étrangleur de Rillington Place se déroule intégralement dans le lieu étroit des escaliers, des couloirs et des appartements d’un vieil immeuble. Peu de scènes extérieures, ce qui rend ce suspense encore plus oppressant. Côté casting, John Hurt (Alien, Elephant Man) révèle ici pour la première fois son immense talent dans le rôle de Timothy John Evans, jeune homme naïf accusé puis injustement condamné à mort. On a peine à croire que l’insignifiant Christie ait pu agir avec autant d’impunité durant plusieurs années, profitant du contexte de la Seconde Guerre mondiale pour assouvir en cachette ses meurtres sexuels. Parfois même sous l’uniforme d’agent de police, métier qu’il exerça, comme le montre la scène d’ouverture très hitchcockienne (on pense d’ailleurs à Frenzy). Parmi ses victimes, la jeune Beryl Evans (Judy Geeson) connaît un sort tout aussi peu enviable que son fiancé Timothy. Jamais complaisant dans sa mise en scène, Richard Fleischer livre avec L’étrangleur de Rillington Place une minutieuse étude de cas d’un tueur aliéné à ses pulsions, comme il le fît avec tout autant de maestria dans L’étrangleur de Boston deux années auparavant. Riches de thèmes forts comme la peine de mort ou l’avortement clandestin, L’étrangleur de Rillington Place est une nouvelle grande œuvre de Richard Fleischer. Un réalisateur qu’on a trop longtemps cantonné au rôle de simple faiseur à Hollywood alors qu’il est un grand auteur de cinéma avec un point de vue très personnel.

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Les flics ne dorment pas la nuit

Les flics ne dorment pas la nuit

Enfin, Les flics ne dorment pas la nuit, tiré du best-seller The News Centurions de Joseph Wambaugh, ancien policier devenu romancier, est une chronique désenchantée et passionnante sur la vie et le travail de la police de Los Angeles à la fin des années 60 et le début des années 70. Très ancré dans son époque, ce polar s’inscrit dans la veine de L’inspecteur Harry ou French Connection (critique). Spécialiste du film noir réaliste (Le génie du mal, Bodyguard, Le traquenard, L’assassin sans visage, Les inconnus dans la ville), le cinéaste filme ces hommes de l’ordre comme des ouvriers voués corps et âme à leur métier. Et ce même au détriment de leur vie familiale désastreuse. Les flics ne dorment pas la nuit oscille constamment entre la légèreté (l’arrestation des prostituées, les gays dans le parc) et la gravité la plus noire (le suicide, le final totalement désespéré). Si le générique ouvre sur l’entraînement d’une escouade de nouvelles recrues de la police, à la manière de Full Metal Jacket, l’intrigue vient ensuite contredire totalement l’aspect machinal et guerrier de cette introduction. Nos héros ne font face qu’à de petits méfaits : violences conjugales, violences de rue, etc… Tous ces évènements retentissent sur leur vie privée et les amènent à ne vivre que pour ce qu’ils sont : des flics. Le reste de leur vie ressemble au néant. Avec ce superbe polar, Richard Fleischer dresse un constat très pessimiste sur la dureté d’une profession qui fait écho aux récents évènements aux États-Unis ou les manifestations policières en France. Les flics ne dorment pas la nuit a d’ailleurs été injustement taxé de réactionnaire et de fasciste par la critique de l’époque. La presse y a vu, à tort, l’éloge presque prosélyte de la loi et l’ordre face à la délinquance. Le film de Richard Fleischer est au contraire profondément humaniste dans son propos. Il montre les policiers comme de simples hommes avec leur faiblesses et leur failles, loin de l’image du héros.

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Les flics ne dorment pas la nuit

Les flics ne dorment pas la nuit

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Stacy Keach est remarquable dans le rôle d’un étudiant en droit raté (son nom Fehler signifie « erreur » en allemand), devenu policier par la force des choses, qui sombre dans l’alcoolisme et la dépression suite à un divorce et le suicide d’un co-équipier chevronné. George C. Scott dans la peau du vétéran de la police, Andy Kilvinski, trouve là l’un des plus beaux rôles de sa carrière. Lors d’une scène au crépuscule, il offre l’un des moments les plus poignants et réalistes. Le moins connu, Scott Wilson, se révèle également parfait dans le rôle d’un jeune policier timide et intègre. Enfin, saluons la présence de l’actrice afro-américaine Rosalind Cash qui apporte un peu de douceur et de sensibilité. Les flics ne dorment pas la nuit préfigure les films sur les duos de policiers (48 heures, l’Arme Fatale, La relève) ou à la télévision (Starsky et Hutch, Les rues de San Francisco, Chips ou encore plus récemment The Wire). Sans véritable intrigue, ce polar n’en demeure pas moins extrêmement percutant à travers cette peinture quasi documentaire d’une Amérique urbaine et nocturne fait de petits délits, de trafiques, d’homophobie et de racisme ordinaire. L’action est rare, mais le film livre une séquence mémorable sur les émeutes de Watts de 1965. L’approche graphique dans la mise en scène annonce ici Soleil Vert, sorti la même année. Quant à la musique soul et funky de Quincy Jones, elle contredit la noirceur du propos tout en donnant une touche très 1970.

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BLU-RAY : Les masters sont excellents tant au niveau de l’image que du son, hormis sans doute quelques plans granuleux dans Terreur aveugle et Les flics ne dorment pas la nuit, mais rien de grave. Les disques proposent chacun un entretien intéressant de près de 20 minutes avec un cinéaste (Fabrice du Welz, Christophe Gans, Nicolas Boukhrief) et une préface du réalisateur et scénariste Nicolas Saada. L’étrangleur de Rillington Place ajoute un entretien de 22 minutes, intitulé Dans la peau de Beryl, avec la comédienne Judy Geeson. Les flics ne dorment pas la nuit est le plus riche en bonus, avec notamment Cop Stories : Les dessous des « Flics ne dorment pas la nuit », documentaire passionnant de 44 minutes fait d’entretiens avec l’écrivain et ex-policier Joseph Wambaugh, Richard E. Kalk (policier consultant sur le tournage) et l’acteur Stacy Keach. Enfin, le supplément un peu gadget « Les flics ne dorment pas la nuit » en super 8 (17 minutes) propose de voir le film en version courte et en pellicule super 8 numérisée HD. Il montre la façon de proposer les films à domicile avant l’apparition de la VHS. Les trois éditions s’achèvent avec les bandes annonces.

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  • TERREUR AVEUGLE / L’ÉTRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE / LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT de Richard Fleischer sont disponibles en coffret combo Blu-ray/DVD restauré à partir du 9 novembre 2016.
  • Edition : Carlotta Films
  • Coffret : 60,19 €
  • À l’unité : 20,06 €

 

  • Terreur Aveugle (See no Evil)
  • Durée : 1h29 (BR) – 1h25 (DVD)
  • Sortie initiale en salles : 26 novembre 1971

 

 

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