Synopsis Dragon Inn : Le tyrannique eunuque Cao Shaoqin ordonne l’assassinat du ministre de la Défense Yu Qian, accusé à tort d’avoir aidé des étrangers. Ses trois enfants sont, eux, condamnés à l’exil hors du pays. Mais Cao Shaoqin prévoit en réalité de les exterminer en chemin : il ordonne à ses deux fidèles commandants de préparer une embuscade à l’Auberge du Dragon, située près de la frontière…
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Synopsis A Touch of Zen : Gu Shengzai, vieux garçon exerçant la profession de peintre et d’écrivain public, mène une vie tranquille avec sa mère, laquelle cherche à tout prix à marier son fils. Lorsqu’une nouvelle voisine vient s’installer à côté de chez eux, l’occasion est inespérée. Mais cette jeune fille mystérieuse n’est autre que Yang Huizhen, dont le père a été assassiné par la police politique du grand eunuque Wei et qui est depuis, recherché pour trahison…
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Voici deux perles du cinéma d’arts martiaux qui nous arrivent dans un élégant coffret Blu-ray chez Carlotta le 21 septembre. Ces deux productions taïwanaises réalisées par King Hu ont bénéficié d’un superbe travail de restauration en 4K. La splendeur visuelle de Dragon Inn et A Touch of Zen n’a jamais été aussi éclatante grâce à l’apport de la HD. Dragon Inn, que nous avons chroniqué lors de sa présentation au Festival Play it Again en 2015, est l’un des fleurons du Wu Xia Pian, films de chevalier errant et de sabres chinois. Dragon Inn, sorti en 1967, est une sorte d’hommage asiatique au cinéma de Sergio Leone, et en particulier à la trilogie du dollar, jusqu’à la musique, reprenant un thème des Tableaux d’une exposition du compositeur russe Modeste Moussorgski, qui évoque certains accords de Ennio Morricone. L’intrigue d’espionnage (car la saga James Bond est aussi une des références, pourtant pas évidente, du réalisateur) n’est finalement que prétexte à proposer une suite d’affrontements psychologiques et physiques où se croisent une galerie de personnages très manichéens : les bons, vêtus de blanc, contre les méchants, habillés dans des teintes plus sombres. Ce qui frappe dans Dragon Inn, c’est l’extrême limpidité de ces nombreuses scènes de combats à l’épée, superbement chorégraphiés. Jamais la confusion ne vient s’inviter à notre regard, et outre les plans d’ensemble des décors naturels, l’oeuvre s’avère un véritable enchantement pour tout amateur d’arts martiaux. L’intérêt premier réside dans la construction de séquences distillant un suspense quasi hitchcockien.
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À l’instar des Huit Salopards de Quentin Tarantino (critique), lequel a dû s’en inspirer certainement, l’ouverture tourne autour d’une auberge (L’auberge du dragon, titre français) où se rencontrent les personnages avant que l’action ne prenne le pas. En tête d’affiche, l’héroïne martiale taïwanaise Shang Kuan Ling-feng. L’actrice incarne ici pour la première fois une jeune combattante courageuse et presque invincible. À ses côtés, dans le rôle d’un guerrier mutique et mystérieux, c’est le Taïwanais Shih Chun, que l’on retrouve en artiste timide et combattant maladroit dans A Touch of Zen deux ans plus tard. Dans Dragon Inn, son personnage est au contraire un virtuose du sabre, à l’image de l’homme sans nom, incarné par Clint Eastwood dans Pour une poignée de dollars, un as dans le maniement du révolver. À sa sortie à Taïwan, Dragon Inn fut un succès phénoménal et est devenu depuis un véritable classique du genre. Il a notamment fait l’objet d’un remake par Tsui Hark (Détective Dee, La Bataille de la Montagne du Tigre) avec la collaboration de Raymond Lee en 1992.
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King Hu, alors au sommet de la gloire et en pleine possession de ses moyens, est enfin libre d’entreprendre un projet plus personnel. Avec A Touch of Zen, en 1969, il offre tout simplement le chef-d’œuvre qui consacre son cinéma. Hélas, c’est un échec à sa sortie. Il subit un remontage pour le rendre plus accessible au public, et perd beaucoup de sa beauté en passant à une durée plus courte. Heureusement, la version proposée ici est celle du montage initial. L’occasion d’admirer ce magnifique film d’aventure, au rythme lent et à l’intrigue qui prend son temps avant de livrer une première scène de combats – celle-ci n’arrive qu’au bout d’une heure. King Hu est d’abord un peintre et calligraphe. Et son influence pour la peinture traditionnelle chinoise s’en ressent particulièrement ici, comme en témoignent ces longs plans mobiles à la beauté picturale saisissante. L’acteur de Dragon Inn, Shih Chun, campe ici un « vieux » garçon artiste qui vit avec une mère tyrannique et possessive. Tous deux habitent une maison qui semble peuplée de fantômes. L’ombre de Les innocents de Jack Clayton (critique) n’est pas loin ; une référence assumée de King Hu. Lorsqu’une jeune voisine mystérieuse vient s’installer à côté de chez eux, la mère y voit l’occasion d’un mariage et d’une perspective de paternité pour son fils. Mais la voisine cache un secret qui se fait jour dans la seconde partie.
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Pris dans une aventure qui le dépasse, cet homme apparaît d’abord comme un antihéros fragile et quasi débarrassé de toute virilité par une mère castratrice, avant de prendre de l’assurance au fur et à mesure. Quant à la jeune voisine, incarnée par Hsu Feng, elle se révèle une combattante pleine de fougue et l’héroïne dans la seconde partie. L’intrigue évolue progressivement, passant du huis clos au film d’aventure à ciel ouvert, le tout sous la forme d’un western asiatique avec de nombreuses péripéties. Les combats sont alors nombreux et remarquablement mis en scène. King Hu, contrairement à beaucoup de ses confrères, orchestre lui-même les affrontements à l’aide de story-boards très précis. Le cinéaste utilise des câbles pour faire virevolter ses acteurs du sol vers les arbres ou les murs. Une technique réutilisée en forme d’hommage dans Tigre et Dragon (2000) et Le Secret des poignards volants (2004). A Touch of Zen s’avère encore et toujours aujourd’hui un superbe conte initiatique, qui n’a pas usurpé sa réputation d’œuvre mythique du cinéma d’art martiaux. À (re)découvrir dans ce superbe écrin proposé par Carlotta.
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DVD : Restauration parfaite sur le plan de l’image et du son, un vrai régal pour les yeux et les oreilles. Chaque film est présenté par Pierre Rissient, programmateur, producteur, réalisateur, conseiller artistique, attaché de presse… Ce spécialiste du cinéma asiatique parle de ces deux Å“uvres qu’il a lui-même déniché à Taïwan avant de les présenter au Festival de Cannes, où est née la notoriété française de King Hu. Deux documentaires Hostel Forces (15 minutes) et Golden Blood (18 minutes) offrent une analyse intéressante sur la genèse des deux Å“uvres et le travail minutieux du réalisateur King Hu. Les deux disques sont complétés par les bandes annonces, faites à l’occasion de la copie restaurée 4K. Enfin, un DVD de suppléments est consacré à un documentaire exclusif de cinquante minutes sur le réalisateur, King Hu 1932-1997 par Hubert Niogret. À noter que A Touch of Zen et Dragon Inn sont également vendus dans des éditions séparées.
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- DRAGON INN et A TOUCH OF ZEN de King Hu disponible en coffret Blu-ray/DVD restauré 4K le 21 septembre 2016.
- Edition : Carlotta Films
- Tarif : 40,13 €
- Durée : 1h51 (Dragon Inn) – 3h (A Touch of Zen)
- Sortie en salles : 21 octobre 1967 (Dragon Inn) – 30 juillet 1986 (A Touch of Zen)
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