Synopsis : Dans les années 1950 à Pittsburgh, Troy Maxson, ancien joueur de la Negro League de baseball, est devenu éboueur. Il vit aujourd’hui avec son épouse Rose, son fils Cory et son jeune frère Gabriel, ancien soldat handicapé suite à une blessure à la tête.
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Avec Fences, Denzel Washington signe son troisième passage derrière la caméra et retrouve pour l’occasion Viola Davis qu’il avait dirigé dans Antwone Fisher en 2003. L’acteur-réalisateur choisit d’adapter cette pièce d’August Wilson créée en 1983 et récompensée par le Prix Pulitzer quatre ans plus tard, qu’il jouait également déjà sur les planches avec le même casting en 2010. Cette version sur scène a reçu trois Tony Awards (meilleur(e)s réadaptation, actrice pour Viola Davis et acteur pour Denzel Washington). Pour rester fidèle au format, ce film se déroule quasiment dans une seule unité d’action : la maison et sa cour. Véritable drame poignant, l’histoire se concentre sur une famille ouvrière afro-américaine, qui tente de rester souder malgré les démons du père, ancien joueur de la Negro League de baseball devenu éboueur, avec en toile de fond la société américaine des années 1950. Fences signifie littéralement « barrières » ou « clôtures » ; celles que Troy Maxson veut construire autour de la maison pour repousser la mort, celles que son épouse veut qu’il installe pour protéger la famille de l’extérieur. Durant le premier acte, le cadre reste serré sur cette demeure qui représente tout pour les personnages et où Denzel Washington déploie sa verve haute et son caractère dur. Très bavarde, cette partie dévoile progressivement les problèmes de cette famille dirigée par un patriarche, à la fois attachant et antipathique, qui prend tout l’espace, laissant à peine sa femme exister, à l’instar des enfants. Si les personnages secondaires peinent à s’imposer face à cet homme dévorant et épuisé par une vie de labeur, il n’en est rien des acteurs qui les campent. Stephen Henderson propose un Jim Bono, ami bienveillant, espiègle et rieur qui analyse les qualités et travers de Troy et tente de le guider au mieux. Russell Hornsby, dont la voix est sublime, incarne Lyons, le fils ainé de la famille, et expose dès le début, avec émotion, les tensions qui règnent entre le père et ses fils.
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Mais c ‘est Viola Davis qui s’avère être le véritable liant ; sa Rose tient la famille soudée en tempérant les décisions de Troy. Étouffée par un mari qu’elle aime, elle accepte ses torts en silence jusqu’à l’événement qui va tout bouleverser et sonner le début du second acte. Cette scène de confrontation verbale modifie considérablement la place des personnages. Et la rose douce, calme et avenante devient piquante et déterminée, offrant toute la richesse du jeu de Davis, lauréate bien méritée d’un Golden Globe, d’un Critics’Choice et d’un SAG. Poignante, elle vole la vedette à un Denzel Washington pourtant excellent. Cette fracture est également l’occasion pour Jovan Adepo, qui incarne Cory, second fils du couple, de s’exposer pleinement. Asphyxié par un père têtu et impérieux, ce garçon a pourtant ses chances de devenir un joueur de baseball professionnel et joue un rôle important dans l’effritement des valeurs et des règles que la famille va devoir surmonter.
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Le cadre narratif se desserre alors offrant quelques nouveaux espaces extérieurs grâce à une mise en scène certes classique mais plus rythmée et moins théâtrale. Troy s’y efface pour laisser enfin s’exprimer ceux qui l’entourent. Paradoxalement, c’est autant par des tirades cinglantes que par de magnifiques silences que Denzel Washington choisit de les mettre en scène, offrant une palette émotionnelle riche. Seul bémol, le parallèle métaphorique avec la météo qui frôle souvent la caricature : une pluie orageuse lorsque tout va mal, une neige qui accompagne la réflexion, un soleil perçant les nuages lors du dénouement. Fences, nommé dans quatre catégories majeures aux Oscars, est un portrait émouvant d’une famille ouvrière afro-américaine et d’un mariage condamné, pris dans les tumultes d’une société qui change, permettant à son duo d’acteurs d’accomplir une belle performance.
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- FENCES réalisé par Denzel Washington en salles le 22 février 2017.
- Avec : Denzel Washington, Viola Davis, Stephen Henderson, Russell Hornsby, Mykelti Williamson, Saniyya Sidney, Jovan Adepo…
- Scénario : August Wilson d’après sa pièce de théâtre
- Production : Scott Rudin, Denzel Washington, Todd Black
- Photographie : Charlotte Bruus Christensen
- Montage : Hughes Winborne
- Décors : David Gropman
- Costumes : Sharen Davis
- Musique : Marcelo Zarvos
- Distribution : Paramount Pictures
- Durée : 2h19
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