Synopsis : D’abord, une bonne occasion s’est présentée. Puis vint la trahison. Vingt ans plus tard, certaines choses ont changé, d’autres non. Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait à jamais considéré comme son foyer. Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent. Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse…
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Avec la sortie de Trainspotting en 1996, on n’avait pas pris un tel pied depuis le but d’Archi Gemmil contre la Hollande en 1978. Vingt ans plus tard, le film de Danny Boyle, adapté de l’œuvre éponyme d’Irvine Welsh, a atteint le statut d’œuvre culte. Les adolescents immatures des années 1990 ont désormais grandi, ont « choisi la vie », mais n’oublient pas le film qui les font systématiquement retomber dans leur insouciante jeunesse. Transpotting est désormais un objet qui appartient à une génération. Un objet qu’il faut à tout prix manipuler avec précaution afin d’éviter de souiller l’attachement de millions d’inconditionnels pour cette œuvre. À partir de ce constat, si une suite venait à voir le jour, les attentes à son sujet seraient extrêmement hautes. Le réalisateur britannique était alors prévenu qu’en réalisant ce sequel, il jouait avec le feu. Librement adapté de Porno, roman qui développe la suite des mésaventures de la bande de potes la plus camée d’Écosse, T2 Trainspotting met en scène le retour de Mark Renton dans sa ville natale d’Édimbourg. Vingt ans après avoir fui une vie sans avenir, à trainer dans les rades miteux et à se défoncer dans des squats enfumés, Renton se rend compte que quasiment tout a changé. Tout, excepté ses vieux amis, le monde a changé, la musique a changé, les drogues ont changé, mais eux sont restés les mêmes branleurs du passé. Pire, ils n’ont pas oublié sa trahison, s’évaporant dans la nature avec l’argent de leur premier et dernier deal de drogue. En revenant dans la ville de son passé, Renton savait qu’il allait devoir revoir ses potes en toute lucidité et se racheter auprès de Spud, Simon (Sick Boy) et éviter de croiser Franco (Begbie), fraîchement évadé de prison et bien décidé à faire la peau du mec qui lui a volé sa part du magot et envoyé au mitard pendant deux décennies.
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Il est évident que T2 Trainspotting n’est pas aussi bon que le premier opus et qu’il ne surpassera jamais le choc engendré par son aîné. La barre était bien trop haute. Mais à défaut de la franchir, Danny Boyle s’est parfaitement réceptionné de ce saut périlleux. Le tandem qu’il forme avec Jon Hodge, scénariste sur le premier Trainspotting, livre une œuvre cohérente qui apporte une certaine profondeur à l’histoire et à ses protagonistes. Là où le premier film se contentait de montrer un morceau de la vie de Renton et de son groupe, cette suite nous en apprend davantage sur leur enfance, à jouer ensemble dans les quartiers d’Édimbourg, sur leurs amitiés, leurs inimitiés, leurs secrets et sur ses liens qui les unis. Malgré les années qui les séparent de leur personnage, les acteurs reprennent parfaitement leur rôle. Les physiques marqués par le temps ajoutent une dimension réaliste et permettent de croire un peu plus au parcours et à l’évolution de chacun. Le premier gage de qualité de cette production vient alors du fait que l’intégralité du casting originel a répondu présent ainsi qu’une partie de l’équipe de technique. Intelligemment placée au cœur du récit et autour du projet, la puissante nostalgie devient petit à petit le personnage principal de cette suite. Cette nostalgie, Simon ne manque pas de la remarquer à Renton au détour d’une scène quand celui-ci déclare qu’il est revenu pour voyager en tant que touriste dans sa propre jeunesse.
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Le film de Danny Boyle se base alors sur une double nostalgie, à la fois des personnages et des spectateurs, sans pour autant verser dans le spleen d’une époque désormais révolue. T2 Trainspotting passe son temps à ouvrir les portes du passé pour mieux les refermer. Les images tirées du film de 1996 et les quelques scènes rejouant ses moments phares surgissent comme des fantômes du passé de Renton. Sans trop insister, cette suite évite les écueils redoutables de l’imitation et de la référence superflue. Le challenge principal était également de proposer une mise en scène tout aussi inspirée que celle du premier volet. Connu pour son esthétique clipesque et nerveuse, Danny Boyle semble être légèrement en dedans de l’exercice de cette suite. Comme dans la majorité de ses derniers films, le réalisateur s’est radicalisé en enchaînant les effets grossiers et répétitifs. Ici, la multitude de plans débullés amoindrissent la force du choc plastique escompté. La musique, davantage que les images, rappelle les souvenirs du passé. Rick Smith, attaché à la supervision musicale l’a bien compris. Conscient que l’âme de Trainspotting se trouve dans sa bande originale, le membre du groupe Underworld, ne se suffit pas à reprendre plusieurs titres du premier film. Le compositeur joue avec la patience du spectateur en éparpillant quelques notes des indissociables morceaux Lust for Life et Born Slippy. Il choisit également de les moderniser en faisant notamment appel au groupe The Prodigy, et comme cela s’est produit sur son premier film, il laisse la place à de jeunes groupes de la nouvelle scène britannique tels que Young Fathers, The Rubberbandits ou Wolf Alice. L’ensemble forme un savant mélange d’ancien et de nouveau qui n’a rien à envier à la précédente bande originale.
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La vraie réussite de cette production tient dans sa capacité à retrouver l’énergie et le style unique qui a fait le succès de Trainspotting. Il incite le spectateur à se replonger dans l’univers détraqué de ces quatre garçons venus d’Écosse et à redécouvrir le premier film sous un autre angle. T2 Trainspotting vient compléter une histoire inachevée. À l’instar de Rocky Balboa en 2006, l’œuvre de Danny Boyle ne tente pas vainement de faire revivre le passé. Au contraire, elle questionne le rapport que l’on entretient avec notre propre nostalgie et propose de refermer nos souvenirs les plus encombrants que le temps a fini par idéaliser et qui nous empêchent parfois d’aller de l’’avant. Devenue totalement accro au film de 1996, toute une génération attendait une suite à la hauteur de leurs espérances. Force est de constater que deux décennies devaient s’écouler pour que le réalisateur britannique créé un manque suffisant et fasse de T2 Trainspotting une des meilleures suites de ces dernières années.
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- T2 TRAINSPOTTING réalisé par Danny Boyle en salles le 1er mars 2017.
- Avec : Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner, Robert Carlyle, Angela Nedyalkova, Kelly Macdonald, Irvine Welsh, Shirley Henderson…
- Scénario : John Hodge, d’après les romans de Porno et de Trainspotting d’Irvine Welsh
- Production : Danny Boyle, Bernard Bellew, Christian Colson, Andrew MacDonald
- Photographie : Anthony Dod Mantle
- Montage : Jon Harris
- Décors : Mark Tildesley, Patrick Rolfe
- Costumes : Steven Noble, Rachael Fleming
- Musique : Rick Smith
- Distributeur : Sony Pictures
- Durée : 1h48
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