Anita Rocha da Silveira

Anita Rocha da Silveira

Dans le cadre de la sortie en salles le 15 mars de Mate-me por favor, CineChronicle, partenaire du film, s’est entretenu avec la réalisatrice brésilienne Anita Rocha da Silveira pour évoquer l’univers pop et trash de son premier long métrage très prometteur.

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Mate-me por favor - affiche

Mate-me por favor – affiche

CineChronicle : Mate-me por favor est votre premier long métrage, après trois courts. Comment est né ce projet ?

Anita Rocha da Silveira : En 2011, lorsque je travaillais sur la post-production de mon troisième court-métrage, Vania Catani de Bananeira Filmes m’a contactée. Elle avait vu mes différentes réalisations et était très enthousiaste à l’idée de produire mon premier long métrage. À l’époque, je n’avais pas encore de projet concret mais j’avais envie d’approfondir les thèmes déjà exploités dans mes précédents courts métrages. Mate-me por favor est la suite naturelle de Handball, mon deuxième court. Je voulais continuer d’explorer l’amitié entre filles et les craintes qu’elles peuvent susciter, les découvertes sexuelles, la pulsion de mort…

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CC : Vous signez une œuvre socio-politique. Vous évoquez notamment l’insécurité permanente du quartier où l’action se déroule. Est-ce l’un des problèmes persistants dans votre pays ?

ARS : J’ai tourné le film dans un quartier aisé à l’Est de Rio de Janeiro. En arrière-plan, il y a des meurtres perpétrés par un prédateur sexuel. Je voulais parler, entre autres choses, de la peur que les femmes peuvent ressentir chaque jour. Nous grandissons dans la crainte de marcher seule la nuit, de se faire agresser ou même dans l’appréhension de notre propre sexualité. Cela ne se passe pas seulement à Rio de Janeiro ou au Brésil mais dans le monde entier.

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CC : Votre film emprunte les codes du thriller et du giallo, notamment via l’utilisation de couleurs vives. Pouvez-vous évoquer cette omniprésence du violet et de sa symbolique ?

ARS : Dans Mate-me por favor, je dépeins une jeunesse à fleur de peau, qui marche sur le fil du rasoir. Les adolescents testent avec la même intensité les limites de leurs craintes, de leurs fantasmes et de leurs désirs. Je voulais utiliser des couleurs vives qui reflètent les caractères de mes personnages. Le violet selon moi est une couleur qui dégage une certaine énergie sexuelle.

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Mate-me por favor

Mate-me por favor

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CC : Aucun adulte n’est présent à l’écran. Selon vous, la jeunesse brésilienne actuelle est-elle une génération sans repères ou au contraire, une génération qui doit s’émanciper des valeurs morales inculquées par la famille et la religion ?
ARS :
Il était important pour moi de montrer des personnages sans mentors échappant à toute sorte de contrôle parental. Je voulais créer un univers alternatif qui permette d’améliorer les choses, de fantasmer. Je voulais rendre ce monde plus fort en établissant un environnement sans adultes. J’ai étudié dans une grande école avec beaucoup d’étudiants. Les enseignants connaissaient à peine nos noms et peu de règles étaient établies. De retour à la maison après l’école, on ne voyait quasiment pas nos parents qui travaillaient tard ou qui voyageaient avec leur nouvel amant. J’ai ce souvenir d’un monde où les adultes n’étaient jamais là et où les enfants devaient découvrir par eux-mêmes le monde, leurs désirs et leurs fantasmes. Cela fait partie de l’adolescence de vouloir partir à la découverte de son quartier, de se promener, de se perdre et de franchir les interdits. À Barra da Tijuca, le quartier où j’ai tourné le film, il est très fréquent que des adultes viennent s’installer dans ces grands bâtiments entourés de clôtures, équipés d’une surveillance interne pour élever leurs enfants dans un environnement plus “rassurant”. Le plus souvent, ces parents travaillent de l’autre côté de la ville, durant de longues heures, et passent beaucoup de temps dans les transports pour assurer un train de vie décent pour leur famille. Ils espèrent combler leur absence auprès de leurs enfants en leur offrant un milieu plus sécurisé. Ce quartier m’a fasciné. Il représente un mirage d’une sorte d’American Way of Life. Une fausse promesse d’une vie parfaite et sûre, en somme. Mais c’est exactement dans ces endroits, où les gens espèrent être en sécurité, que le danger traîne…

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CC : Bia, votre personnage principal, s’ouvre à de nouvelles expériences, notamment avec d’autres filles. Le Brésil a fait face à de nombreux crimes homophobes ces dernières années. La vision de l’homosexualité dans votre pays s’améliore-t-elle ? 
ARS :
Le Brésil est un pays très partagé sur ce sujet. Aujourd’hui nous faisons face à une montée conservatrice présente dans toutes les classes sociales et dans toutes les tranches d’âges. Cette mouvance est également présente dans notre chambre des députés, où un célèbre politicien évangéliste a dernièrement déclaré que les gays devraient être battus par leurs parents. Il a d’ailleurs encouragé la promulgation d’une loi interdisant les enseignants des écoles publiques de discuter de l’égalité des sexes ou de l’homophobie. Mais beaucoup de personnes luttent aussi contre toute forme d’oppression et de discrimination.

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Mate-me por favor

Mate-me por favor

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CC : Vous avez une approche très organique voire viscérale de l’adolescence. Pourquoi cette volonté de confronter vos personnages à la souffrance physique ?

ARS : La plupart des personnages sont confrontés à des blessures physiques. Pour moi, c’est une façon de montrer comment les jeunes sont affectés par les meurtres qui surgissent dans leur quotidien. Ils sont contaminés par le sentiment qu’ils doivent tout expérimenter à l’extrême pour se sentir en vie. Et la meilleure façon de se sentir en vie, c’est quand ça fait mal.

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CC : Dans votre film on peut noter des influences très marquées. Quelles sont vos références cinématographiques ?

ARS : Pour Mate-me por favor, ma principale référence était David Lynch. Le pilote de Twin Peaks et Blue Velvet ont été des influences très importantes. Ces œuvres m’ont inspiré un monde dans lequel on peut exagérer les tons. Mais c’est surtout, la façon dont Lynch dépeint un désir ardent dans une société vouée à l’échec qui m’a transporté. Je pense notamment au personnage de Donna Hayward dans Twin Peaks, qui ressent tout intensément et qui semble sur le point de s’évanouir à chaque instant. J’ai aussi été très inspirée par la sexualité latente présente dans les films de Tsai Ming Liang (The River, ​​Wayward Cloud). J’ai eu également d’autres influences essentielles comme Carrie au bal du Diable de Brian De Palma ou encore Trouble Every Day de Claire Denis.

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CC : Depuis 2015, Mate-me por favor continue de parcourir les festivals et sort le 15 mars prochain en France. Quels sont vos prochains projets ?

ARS : Je développe actuellement mon deuxième long métrage intitulé Medusa qui sera également produit par Vania Catani.

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>> Lire notre critique du film <<

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  • MATE-ME POR FAVOR écrit et réalisé par Anita Rocha da Silveira en salles le 15 mars 2017.
  • Avec : Valentina Herszage, Dora Freind, Mariana Oliveira, Júlia Roliz, Bernardo Marinho, Rita Pauls…
  • Production : Vânia Catani
  • Photographie : João Atala
  • Montage : Delfina Castagnino, Marilia Moraes
  • Décors : Dina Salem Levy
  • Costumes : Ana Carolina Lopes
  • Musique : Bernardo Uzeda
  • Distribution : Wayna Pitch
  • Durée : 1h44

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