Musique/ The Wicked Die Young par Nicolas Winding Refn : critique

Publié par Jérôme Nicod le 19 avril 2017

Résumé : « Les quatorze titres de cette compilation symbolisent les diverses idées que j’ai eues en préparant The Neon Demon, et chaque titre représente une émotion particulière. Certains d’entre eux sont vieux et d’autres sont contemporains, notamment les inédits de Cliff Martinez, Julian Winding, et Electric Youth. Je voulais que mon film soit à la fois un film d’horreur et un mélodrame maniéré, scintillant et vulgaire, mais aussi une comédie, avec un brin de science fiction bien sûr. Tous ces titres m’ont propulsé dans un monde parallèle afin d’accoucher de cette histoire. » – Nicolas Winding Refn.

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The Wicked Die Young - pochette

The Wicked Die Young – pochette

Alors qu’il prépare The Neon Demon, Nicolas Winding Refn (NWR) est sous une influence musicale créative multi-facettes, que compile l’album The Wicked Die Young, sorti le 14 avril 2017 chez Milan. Depuis des décennies, Disney et Pixar nous ont offerts de somptueux livres, making-of des oeuvres animées diffusées en salles. Le cinéaste danois invente le music-of, un catalogue musical des thèmes qui l’ont ainsi inspiré, guidé, tout au long du processus créatif du splendide mais indéfinissable de The Neon Demon. NWR ne fait jamais rien comme les autres, et contrôle une esthétique parfaite et cohérente, présente d’un bout à l’autre de la chaîne créative. Ces morceaux incarnent, chacun à leur manière, une émotion du film. Résolument 80’s, ce mélange est ainsi à l’image de son auteur : insaisissable, d’une prétentieuse élégance, mais au final un univers plutôt saisissant. Le visuel de la pochette de l’album est renversant et renversé. À l’endroit, il révèlerait une des métaphores de l’oeuvre filmée, le cannibalisme de la mode, la beauté dévorante, la fulgurance esthétique. Mais, ainsi renversé, il devient une oeuvre d’art, kitsch mais dans l’air du temps. Tout est art chez NWR. Les quatorze pistes de cette curiosité musicale sont d’un intérêt inégal que fait oublier l’iconoclaste sélection : Dionne Warwick, Amanda Lear, Giorgio Moroder et Pino Donaggio ensemble, c’est assez inédit. C’est aussi l’occasion de retrouver Electric Youth et Cliff Martinez, déjà à l’écoute dans Drive, le long-métrage qui a révélé le cinéaste au Festival de Cannes en 2011.

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On identifie aisément le climat du film avec Good Blood, Cheree, Follow Me et Knights in White Satin ou encore The N°1 Song in Heaven. Cette exubérance de disco correspond bien à l’explosion de la génération Top Models des 80’s, toutes devenues stars et parfois actrices, révélant au passage de grands photographes. Si The Neon Demon avait été une production américaine d’un grand studio dans ces années-là, on aurait pu imaginer que ces titres fassent partie de la bande sonore, en remplacement de Cliff Martinez. L’idée fait froid dans le dos tant son auteur a su se glisser entre les plans pour donner une autre dimension au scénario et une autre amplitude aux émotions. De manière plus décalée, on perçoit aussi une influence de thèmes qui pourraient habiter le Mulholland Drive de David Lynch (Won’t Somebody Dance With Me), Dario Argento ou encore, mais c’est avoué, le cinéma grandiloquent de Brian De Palma (Pulsions), un cinéaste très 80’s lui aussi, qui a marqué par évidence le style et le climat du cinéma de NWR. De Palma sert aussi de passerelle avec Giorgio Moroder (Scarface), qui signe ici Knights in White Satin.

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Paradoxalement, au milieu de l’album, on trouve une chanson de Dionne Warwick qui a le charme des sixties, sirupeuse comme un générique de James Bond : les accords renvoient à la chanson d’Armstrong pour Au Service Secret de Sa Majesté (We Have All the Time In The World). En réalité, la chanson est tirée de l’oublié La Vallée Des Poupées, réalisé par Mark Robson en 1967, sous la direction musicale de John Williams. Russ Meyer en tire en 1970 un remake très décalé, Beyond The Valley of the Dolls (La Vallée Des Plaisirs), mettant en scène l’incroyable casting mammaire qui a fait sa gloire. Pirate Love est moins évident à situer, tout comme Bubble Sex, du danois Tommy Seebach, qui semble tout droit sortir d’un soft porn movie des années 1970, ou d’une production Max Pécas, un ovni musical dispensable.

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Deux inédits en fin d’album : un thème non utilisé du compositeur Cliff Martinez dans le montage final (Becoming) et une nouvelle création de Julian Winding. Ces deux titres sont forcément dans la tonalité musicale adéquate mais n’apportent ici rien de nouveau à l’album de la BO paru l’année dernière. Avec End Of A Myth, les quinquagénaires noctambules pensent reconnaître la musique de fin des programmes d’Antenne 2, illustrée par Folon avec des hommes volants dans les années 70. C’est d’autant plus surprenant que le titre est composé par Claudio Gizzi, collaborateur musical des oeuvres filmées d’Andy Warhol. N’oublions pas, tout est art chez NWR.

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The Wicked Die Young - Nicolas Winding Refn

The Wicked Die Young – Nicolas Winding Refn

The Wicked Die Young par Nicolas Winding Refn

Durée : 61 minutes

  1. Good Blood – par Electric Youth
  2. Won’t Somebody Dance With Me – par Lynsey de Paul
  3. Cheree (1998 Remastered Version) – par Suicide
  4. Homicide – par 999
  5. Pirate Love – par Johnny Thunders & The Heartbreakers
  6. (Theme From) Valley of the Dolls – par Dionne Warwick
  7. Bubble Sex – par Tommy Seebach
  8. Follow Me – par Amanda Lear
  9. Knights In White Satin – par Giorgio Moroder
  10. The No. 1 Song In Heaven – par Sparks
  11. Becoming – par Cliff Martinez
  12. Dressed to Kill (Pulsion) (1980): The Shower (Theme from Dressed to Kill) – par Pino Donaggio
  13. End Of A Myth – par Claudio Gizzi
  14. When You Want To Hurt Someone – par Julian Winding

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