Synopsis : Deborah Lipstadt, historienne et auteure reconnue, défend farouchement la mémoire de l’Holocauste. Elle se voit confrontée à un universitaire extrémiste, avocat de thèses controversées sur le régime nazi, David Irving, qui la met au défi de prouver l’existence de la Shoah. Sûr de son fait, Irving assigne en justice Lipstadt, qui se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Comment, en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories nauséabondes ?
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Depuis la découverte des camps de la mort par les Alliés en 1945, le manque de matériel visuel (photographies, films) a permis aux pseudo-historiens, sympathisants du régime nazi et autres antisémites de créer une Histoire parallèle dans laquelle la « solution finale » serait une pure invention. Cette controverse absurde est ici le point fondamental du Procès du siècle, dont le titre anglais Denial (déni) est bien plus évocateur. Le récit, tiré du livre de Deborah E. Lipstadt, met en lumière le litige entre le pseudo-historien David Irving (Timothy Spall) et l’historienne d’origine juive, Deborah E. Lipstadt (Rachel Weisz). Cette dernière, assignée en justice par cet homme pour avoir évoqué son déni de la Shoah, se retrouve dans la situation aberrante de devoir prouver l’existence des chambres à gaz. Le système judiciaire britannique, qui ne tient pas compte de la présomption d’innocence, contraint dès lors Lipstadt de devoir fournir des preuves. Face à un Irving tribun et médiatique, cette femme doit se replonger dans le passé au coeur d’un massacre qui a vu périr des millions d’individus. Aussi controversé que son sujet, le traitement trop sensationnaliste sur cette période sombre de l’Histoire a très souvent donné du fil à retordre. Justifié ou non, c’est un écueil dans lequel il est facile de tomber. Le réalisateur de Los Angeles Story et de Bodyguard prend le parti intéressant et intelligent de rester sur la ligne de l’objectivité qui confère toute la force au film.
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Le récit s’attache d’abord à la préparation du procès, dévoilant les coulisses de la justice anglaise et les différentes étapes de l’organisation des audiences. Une bonne partie de la narration de déroule donc à huis clos au sein du Palais de Justice, où s’opposent David Irving, qui décide de s’auto-représenter, et les avocats de Lipstadt, incarnés par Tom Wilkinson et Andrew Scott. Tout les oppose, même le cadre, qui les filme rarement ensemble, démontrant, comme le formule Lipstadt dans la première séquence, que « le négationnisme n’est pas une position soumise à discussion ». Dans un même souci d’objectivité, le scénariste David Hare reste le plus fidèle possible aux termes employés et aux discours des protagonistes, qui sont une retranscription scrupuleuse des actes du vrai procès. De la même façon, les avocats de Lipstadt décident de ne pas faire appel, durant le procès, à un jury populaire ou aux survivants d’Auschwitz, et la recréation des images d’horreur des camps sont absentes du film. Ainsi, à partir des faits seulement, le spectateur se voit confronter directement aux affirmations et aux théories racistes et antisémites de David Irving.
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Bien que la partition musicale se révèle aussi insistante qu’inutile, la justesse du casting fait oublier cette scorie et contribue à créer des personnages très proches de la réalité. Si Rachel Weisz incarne une femme forte dans toutes ses nuances et contradictions, mention à Timothy Spall (Mr. Turner), qui interprète avec rigueur cet individu abjecte qui a provoqué tant de douleur aux victimes et tant de préjudice à l’Histoire. Outre la qualité du traitement, Le procès du siècle arrive à point nommé, à la fois dans le cadre des élections présidentielles françaises, de la conjoncture mondiale actuelle et des discours nauséeux de certains leaders politiques. Mais surtout, Le procès du siècle veille au devoir de mémoire indispensable, que tout individu devrait s’imposer. Comme l’affirmaient Platon et Nietzsche, l’Histoire est un éternel retour, un éternel recommencement, l’être humain tend à répéter les mêmes erreurs. Si le film de Mick Jackson ne révolutionne pas le langage cinématographique, il reste important dans l’écriture de l’Histoire. La récente déclassification des archives de la commission des Nations Unies sur les crimes de guerre par les nazis devrait donc également contribuer à ce devoir de mémoire pour ainsi faire taire les discours négationnistes de personnages aussi aberrants que l’est encore aujourd’hui cet adepte du déni David Irving.
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- LE PROCÈS DU SIÈCLE (Denial) réalisé par Mick Jackson en salles depuis le 26 avril 2017.
- Avec : Rachel Weisz, Tom Wilkinson, Timothy Spall, Andrew Scott, Jack Lowden, Caren Pistorius…
- Scénario : David Hare d’après l’ouvrage de Deborah E. Lipstadt
- Production : Gary Foster, Russ Krasnoff
- Photographie : Haris Zambarloukos
- Montage : Justine Wright
- Décors : Andrew McAlpine
- Costumes: Odile Dicks-Mireaux
- Musique : Howard Shore
- Distribution : SND
- Durée : 1h50
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