Synopsis : L’Å“uvre d’Henri-Georges Clouzot, de L’Assassin habite au 21 (1942) à La Prisonnière (1968), est connue et reconnue. Mais qu’en est-il de son Å“uvre fantôme, des scénarios originaux qu’il a écrits mais non tournés, l’un notamment avec Jean-Paul Sartre, des adaptations, telle que Chambre obscure d’après Vladimir Nabokov, de L’Enfer arrêté après quelques jours de tournage, ou encore des remakes qu’elle a suscités ?
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Quel cinéphile n’a jamais fantasmé sur les films inachevés ou abandonnés des grands cinéastes ? Sur le Napoléon de Kubrick, The Other Side of the Wind de Welles ou, plus près de nous, le biopic de Leni Riefenstahl que n’a jamais pu mener à bien Paul Verhoeven… Comme celles de Welles et de Kubrick, la filmographie officielle de Henri-Georges Clouzot ne compte que douze longs-métrages. Comme ses prestigieux confrères, Clouzot a vu, tout au long de sa carrière, péricliter en cours de route de nombreux projets de films. La publication d’un livre sur son Å“uvre fantôme était donc plus qu’alléchante. Cependant, la promesse n’est qu’à moitié tenue car le livre de Claude Gauteur, spécialiste de l’histoire du cinéma français et déjà auteur de Clouzot critiqué (Séguier, 2013) et d’autres ouvrages sur Michel Simon, Jean Renoir et Simenon, n’est qu’à moitié écrit. Il est extrêmement court (moins de 60 pages si l’on exclut les notes et les annexes) et fait l’effet de n’être que l’ébauche du livre à écrire sur le sujet. Les projets sont décrits succinctement dans des chapitres plutôt bref. Ce sont des notes éparses, très factuelles, qui ont le mérite de titiller l’imagination mais qui ne donnent pas un idée complète, loin s’en faut, des films qui auraient pu être et de l’importance qu’ils avaient aux yeux du cinéaste. On doit se contenter de quelques citations, de remarques sur l’état d’avancement des scénarios, des raisons du renoncement… Ceci étant dit, les quelques informations distillées par le livre sont tout à fait passionnantes. Clouzot a travaillé avec Sartre à l’écriture d’un scénario pour un film en temps réel qui aurait tenté de transcrire le déroulement de la conscience d’un personnage en proie à un dilemme personnel. Une forme d’équivalent cinématographique au « stream of consciousness » de James Joyce. Le projet a été abandonné car, à la relecture, les deux auteurs ont estimé que les spectateurs ne comprendraient rien au film. Clouzot a également travaillé sur un récit « hoffmanesque » dont l’idée de départ est très séduisante : faire un film sans générique de début dont la scène d’ouverture aurait été accolée au journal d’actualité de la semaine – qui était à l’époque diffusé en début de séance – et aurait été présenté comme une nouvelle de plus, laissant le spectateur se demander à quel moment il a basculé dans la fiction. Nombreux sont les films esquissés ici qui font regretter de ne pouvoir les découvrir. La collaboration de Clouzot avec Simenon, écrivain dont les chefs-d’œuvre littéraires ont suscité des films plus ou moins de qualité, était prometteuse. L’adaptation du Coup de lune a été empêché par la censure qui exigeait des changements trop importants (le roman est finalement adapté par Serge Gainsbourg des années plus tard sous le titre Équateur). Censure encore quand le réalisateur tente de prendre pour sujet la guerre d’Indochine. Autant de propositions de cinéma intrigantes dont on se console un peu à la lecture, en fin de volume, d’extraits de deux scénarios non tournés (Par des chemins obscurs, Le Hotu).
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- HENRI-GEORGES CLOUZOT – l’Å“uvre fantôme par Claude Gauteur, disponible aux Éditions LettMotif depuis le 16 mai 2017.
- 100 pages
- 18€