Sortie DVD/ Dodes’Kaden de Akira Kurosawa : critique

Publié par Camille Carlier le 29 août 2017

Synopsis : Dans un quartier perdu, en marge de la civilisation, se trouve un bidonville où survivent tant bien que mal des hommes et des femmes durement éprouvés par l’existence, et dont la vie doit pourtant continuer, rythmée par les onomatopées du tram invisible, conduit par le jeune Rokuchan…

 

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DodesKaden de Akira Kurosawa - affiche

DodesKaden de Akira Kurosawa – affiche

Wild Side Vidéo sort dans les bacs jusqu’en février prochain dix-sept œuvres d’Akira Kurosawa, parmi laquelle Dodes’Kaden, premier film en couleur d’un réalisateur qui aime appuyer où cela fait mal et confronter un Japon paradoxal à son histoire douloureuse. Sorti en 1970, cinq ans après Barberousse qui fut un succès, Dodes’Kaden est encore d’actualité lorsqu’on fait le constat mélancolique et amer d’une misère qui, si elle se déplace, ne disparait jamais. On ne peut rester insensible devant ces portions de vie qui, passées par le prisme d’un Kurosawa revenu d’une tentative américaine loupée et peinant à faire financer ses films dans son propre pays, se font l’aveu fatal d’une frange de la population oubliée par la révolution industrielle. Avec sa petite musique nostalgique et ses couleurs, tout porte à croire que Dodes’Kaden nous emporte dans un récit rêveur et léger. Mais loin d’être un feel-good movie, cette dernière partie de ce que l’on connaît comme la « Tétralogie de la misère » se révèle cruelle et pessimiste pour un épilogue qui finit de tuer toute innocence. Adaptation de l’œuvre littéraire Quartier sans saison de Shugoro Yamamoto, Dodes’Kaden est un film choral dans lequel ses personnages tentent de maintenir un semblant de quotidien et prennent part aux tourments intrinsèque à l’existence. Le récit s’ouvre dans le temple de la folie de Rokuchan, jeune homme qui met un point d’honneur chaque matin à démarrer un train imaginaire et donne son titre au film, en rapport à l’onomatopée que le personnage hèle tandis qu’il traverse la décharge. Les murs de sa maison de fortune sont recouverts de dessins enfantins de locomotives en tout genre, qui se font vitraux d’où perce la lumière. Lorsqu’il s’apprête à prendre ses fonctions de conducteur et revêt sa casquette invisible, on est alors partagé entre l’amusement et le tragique.

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Suit une galerie de personnages hauts en couleur à l’écran et dans leur écriture. Deux soulards qui échangent leur femme, une douce épouse qui est torturée par la culpabilité d’avoir trompé son mari et ne parvient pas à obtenir son pardon, un oncle pervers et incestueux ou encore un père et son petit garçon qui passent leur temps à imaginer la maison qu’ils se construiront ponctuant d’un « Il faut penser à l’avenir ». Kurosawa n’a pas tenté le réalisme, pas plus qu’il n’a souhaité donner trop d’indications à ses acteurs qui proposent ici une bonne partie d’improvisation. Filmés comme des saynètes, les plans sont fixes, les prises longues et la composition d’une perfection troublante. La partition est souvent de deux personnages, qui se font face ou se font dos.

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Il faut (re)voir Dodes’Kaden pour le plaisir orgiaque de couleur auquel s’adonne son réalisateur, utilisant un code chromatique lourd de sens que délavent les idéaux de rédemption abandonnés, mais également pour l’histoire et la portée d’une œuvre qui crie l’injustice et jette la misère sur la table quand tout le monde tente de la garder sous le tapis. Il n’est pas étonnant que le film n’ait pas eu le succès escompté – à l’opposé des précédentes œuvres d’un Kurosawa qui s’était montré prolifique – tant la vérité politique et sociale s’imposent. Kurosawa dira cependant que le tournage de Dodes’Kaden fût l’un des plus agréables. Celui-ci fût rapide et efficace, ne s’étalant que sur un mois, en studio mais également dans une authentique décharge des alentours de Tokyo.

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DVD : Cette réédition propose en suppléments des entretiens avec le fils du réalisateur, Kazuko, ainsi que sa fille. Un livret de 82 pages accompagne le DVD, écrit par Christophe Champclaux, auteur, chroniqueur, animateur et formateur sur l’histoire du cinéma, mais aussi créateur et auteur de séries documentaire. Il contextualise et ajoute de la substance à une œuvre dont la profondeur n’est plus à prouver.

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  • DODES’KADEN
  • Sortie vidéo : 30 août 2017
  • Réalisation : Akira Kurosawa
  • Format / Produit : DVD – Blu-ray
  • Avec : Yoshitaka Zushi, Kin Sugai, Toshiyuki Tonomura, Shinsuke Minami, Yûko Kusunoki…
  • Scénario : Akira Kurosawa, Hideo Oguni, Shinobu Hashimoto, d’après son oeuvre
  • Production : Kon Ichikawa, Yohishi Matsue
  • Photographie : Yasumichi Fukuzawa, Takao Saitô
  • Montage : Reiko Kaneko
  • Costumes : Miyuki Suzuki
  • Musique : Tôru Takemitsu
  • Édition : Wild Side Video
  • Durée : 2h15
  • Sortie initiale : 31 octobre 1970

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