Résumé : Le cinéma est intrinsèquement lié au partage dans la communauté éphémère et aléatoire des salles obscures. Serge Toubiana le sait mieux que quiconque, pour avoir dirigé Les Cahiers du Cinéma et plus tard la Cinémathèque française. De cette vie consacrée entièrement au 7e art, il retient ici quelques rencontres particulièrement importantes, dans des portraits de cinéastes, d’actrices et d’acteurs qui sont autant de coups de cœur. Dès lors, les souvenirs du lecteur se réveillent ou sa curiosité s’anime, pris qu’il est d’un irrésistible désir de voir ou revoir les nombreux films évoqués avec enthousiasme et érudition. Ces exercices d’admiration, fondés sur la générosité, suscitent un formidable appétit d’images.
♥♥♥♥♥
Ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, Serge Toubiana livre ici ses miscellanées qui s’offrent comme les prolongements du travail de mémoire inauguré par Les Fantômes du souvenir, publié en 2016 chez Grasset. Le cinéma qui se décline ici s’apparente, selon les mots de l’auteur, à « un art sur la défensive », soumis aux imprécations des changements de lieux et de méthodes. Marqué par son travail à la direction de la Cinémathèque française, l’ensemble de ces textes délivre un discours amoureux et scientifique, propre à une plume critique aguerrie. De sources diverses (article, discours, entretien), les écrits se divisent en trois parties consacrées tour à tour aux réalisateurs, aux acteurs et actrices, et à une série d’hommages. De longueur diverse, chaque sujet profite de la faconde littéraire de Toubiana qui opte pour une structure libre mais néanmoins cohérente. Ainsi, du choix de la forme épistolaire pour percer le mystère de l’actrice Bulle Ogier, et le caractère emblématique de Catherine Deneuve, de la série d’hypothèses permettant de cerner la singularité du cinéma de Marco Ferreri, ou de l’abécédaire concocté avec facétie par Claude Chabrol. Aux côtés des noms connus (François Truffaut, Maurice Pialat, Gérard Depardieu, Éric Rohmer, Alain Resnais), Toubiana accorde une place de choix à des figures essentielles mais encore trop peu étudiées (Alain Cavalier, Benoît Jacquot, Juliette Binoche, Isabelle Huppert). L’ouvrage se révèle alors nécessaire à une meilleure compréhension de l’histoire du cinéma hexagonal (et plus largement européen à travers les analyses poussées des œuvres de Nanni Moretti, Marco Ferreri, et Michael Haneke). Au fil des pages, se révèlent des perspectives inattendues. Ainsi, des parcours croisés de Jean Renoir et Philippe Cartier-Bresson, ou de l’influence jouée par l’écriture de Georges Simenon sur le cinéma français. Toubiana sort alors des sentiers battus de la critique institutionnelle pour viser une approche pluridisciplinaire : la littérature, la photographie, mais aussi le sport à travers ce très bel article consacré aux rapports (visuels et narratifs) entretenus par le cinéma et le football. On ne peut donc que conseiller la lecture de cette étude plurielle dont la première qualité tient à la pérennité d’un regard modulé par le passage du temps et des multiples découvertes qui nous sont à présent offertes.
- LE TEMPS DE VOIR
- Auteur(s) : Serge Toubiana
- Éditions : Seuil
- Collection : Fiction & Cie
- Date de parution : 19 octobre 2017
- Format : 224 pages
- Tarif : 19 € (version print) – 13,99 € (version numérique)