La ressortie en 3D restaurée 4K de T2 a créé l’événement cette année. L’occasion de remonter le temps avec le premier Terminator de James Cameron, sorti en 1984.
À en croire James Cameron, lui-même, l’idée de Terminator lui est venue lors d’un séjour à Rome en 1982. Dans le plus grand dénuement et bien qu’abattu par la grippe, une incroyable poussée de fièvre créatrice lui fit ébaucher quelques esquisses, dont celles d’un robot sortant des flammes. Voilà pour la légende.
Mais en 1978, l’ancien étudiant en physique avait déjà réalisé un court métrage de science-fiction dans lequel un humain était poursuivi par un robot… Ce film de débutant attira l’attention de Roger Corman connu pour ses productions à petits budgets et aux durées de tournage très courtes. Grace à Corman, James Cameron mit alors le pied à l’étrier.
Malgré un premier échec derrière la caméra, il ne se doutait pas que Terminator, film de science-fiction à budget low cost, allait lui ouvrir bien d’autres portes…
Les origines de Terminator
Il y a une histoire que James Cameron a souvent racontée à ses proches sur l’origine de Terminator. En mars 1982, il était à Rome, sans le sou, avec une grippe carabinée, pour essayer de récupérer l’argent que lui devait une société de production après avoir été renvoyé de Piranha 2 : Les Tueurs volants, son premier long métrage en tant que réalisateur. Il n’a pas encore 28 ans. Il était à bout, hors de lui. Il ne parlait pas la langue et le producteur lui avait coupé les vivres. Dans un rêve fiévreux, l’image d’un robot sortant des flammes lui est apparue. Il en fait un croquis sur du papier. Un squelette chromé émergeait du feu tel un phénix. Il tenait un couteau de cuisine et se traînait au sol, tirant son bras cassé derrière lui. Dans le même délire il aurait également dessiné la fille qui essayait de lui échapper.
Cette « fièvre créatrice » serait donc le point de départ du scénario de Terminator ? Pas si sûr, puisqu’en 1978 James Cameron a réalisé Xenogenesis, un court métrage de science-fiction dont l’action se déroule dans une station spatiale. Le héros masculin est poursuivi par une sentinelle robot montée sur des chenilles. Les idées étaient déjà là. Mais après l’échec de Piranha 2, mener à bien ce projet de réaliser un autre film était loin d’être gagné.
Les débuts de James Cameron
Malgré des études de physique à l’université, James Cameron ne poursuit pas dans cette voie. Le cinéma le passionne, il dessine et écrit. Pour gagner sa vie, il travaille comme conducteur d’engin ou chauffeur routier. Puis New World Pictures le contacte après avoir vu Xenogenesis. La société est dirigée par Roger Corman, réalisateur, producteur et distributeur, dont la marque de fabrique sont les films à petit budget et aux durées de tournage très courtes. Corman a mis le pied à l’étrier à des cinéastes comme Francis Ford Coppola, Joe Dante, Jonathan Demme ou Martin Scorsese, et révélé un certain Jack Nicholson. L’apprenti réalisateur ne laisse pas passer l’occasion. C’était pour lui la meilleure et la plus rapide manière de rentrer dans le monde du cinéma. En quelques semaines il effectue une ascension express.
Engagé comme responsable des maquettes, il devient directeur artistique sur Les Mercenaires de l’espace (1980), de Jimmy T. Murakami, et superviseur des effets spéciaux sur New York 1997 (1981) de John Carpenter. Dans la foulée, fidèle au mot d’ordre des productions Corman, « ne lis pas le script, prends le boulot », il saisit l’opportunité de réaliser son premier long métrage avec Piranha 2 : Les Tueurs volants, une coproduction italo-américaine, la « suite » de Piranhas (1978) de Joe Dante. Mais l’expérience tourne rapidement au cauchemar. En conflit avec le producteur Ovidio G. Assonitis, déjà coutumier du fait, qui cherche à s’approprier son travail, James Cameron est viré au bout de quelques jours.
La pré-production, le financement
De retour de Rome, James Cameron ne baisse pas les bras pour autant. Il rédige un premier traitement de Terminator et contacte Gale Anne Hurd qu’il a connue chez Roger Corman dont elle était l’assistante. Elle a récemment créé sa propre structure de production, Pacific Western Productions. Avec Cameron elle signe un accord. Il lui cède les droits de Terminator pour 1 dollar à la seule condition que ce soit lui qui dirige le film, quel que soit le contrat qu’elle obtienne avec un studio. Le salut vient de Hemdale, la société de production et de distribution britannique de l’acteur David Hemmings et son manager John Daly.
En 1980, dans le cadre de son développement à Hollywood, elle a déjà conclu un partenariat avec Orion Pictures concernant la distribution sur le territoire américain. Les deux entreprises s’associent au projet de Pacific Western. Pour Mike Medavoy, ancien de United Artists et co-fondateur et vice-président d’Orion Pictures, quiconque lirait ce script arriverait à la même conclusion qu’il s’agit d’un film d’action très bon et assez peu coûteux, avec un personnage central fort. Avec 6,4 millions de dollars, un montant qui n’a rien d’extravagant même dans les années 1980, le financement de Terminator est assuré.
Lance Henriksen, Arnold Schwarzenegger ou O.J. Simpson ?
Pour incarner le Terminator, James Cameron pense à Lance Henriksen, lui aussi rescapé de l’aventure Piranha 2 et devenu un ami. Mais il a aussi en tête un autre nom, celui de Jürgen Prochnow, comédien allemand, vedette du Bateau (1981) de Wolfgang Petersen. Cependant, Mike Medavoy a d’autres comédiens en vue. O.J. Simpson pour le cyborg et Mister Univers, Arnold Schwarzenegger, qui a lu le script, pour Kyle Reese. Le réalisateur n’est pas convaincu. Il accepte néanmoins de déjeuner avec « Mister Olympia » qui vient de tenir le premier rôle dans Conan le Barbare de John Milius. L’acteur lui donne son opinion sur le cyborg, puis sur Kyle Reese. Au fil de la conversation, James Cameron, qui avait pensé à Schwarzenegger pour le Terminator quelques mois auparavant, est alors persuadé qu’il ferait un salaud parfait et effrayant.
Orion se laissera convaincre à son tour et l’interprète du rôle-titre dans Conan le Barbare de John Milius donnera son accord. Dans son autobiographie, il confiera que jouer Terminator un vrai dur, avec des habits cool et de belles lunettes noires, n’était pas pour lui déplaire. Il était certain que ce rôle le mettrait en valeur. Même si, de tout évidence, les dialogues étaient réduits, le scénario était bon, le réalisateur lui apparaissait sympa et, aspect non négligeable, côté finances, c’était 750.000 dollars pour six semaines de tournage à L.A. Par ailleurs, le projet étant modeste, sa réputation risquait de ne pas trop en souffrir en cas d’échec. Un succès pouvait même lui ouvrir d’autres portes. L’essentiel était de ne pas enchaîner avec un rôle de méchant.
Les effets spéciaux
Afin de donner vie au T-800, James Cameron songe à faire appel à Robin Bottin, proche collaborateur du maître Rick Baker, et qui a déjà travaillé sur les effets spéciaux de Piranhas et Hurlements (1981), de Joe Dante, et The Fog (1980), de John Carpenter. Celui-ci n’est pas disponible, mais il lui laisse les coordonnées de Dick Smith, salué pour son travail sur L’Exorciste, 1 et 2, et Le Parrain, 1 et 2, et de Stan Winston. Dick Smith ne se sent pas en phase avec les desiderata de Cameron et l’oriente vers Winston qui accepte la mission. Cameron soulignera qu’ils se sont rapidement très bien entendus. L’un et l’autre étaient sur la même longueur d’onde et partageaient le même degré d’excentricité et de folie. Plusieurs endosquelettes furent fabriqués, dont un modèle en taille réelle du buste pour les gros plans et un autre de soixante centimètres pour les séquences en « stop motion ». Les deux comparses poursuivront leur collaboration après Terminator. Stanley Winston est décédé d’un cancer en 2008.
Le tournage retardé
Le casting bouclé, l’équipe technique désignée, le financement assuré, le tournage du film pouvait commencer. Il devait débuter à Toronto en juin 1983. Mais un imprévu de taille en décida autrement. Propriétaire des droits de Conan, le producteur Dino De Laurentiis fit jouer en sa faveur une close du contrat d’Arnold Schwarzenegger qui obligeait l’acteur à tourner dans la suite, Conan le Destructeur (Conan the Destroyer), réalisée par Richard Fleischer. James Cameron profita de ces neuf mois de retard pour peaufiner le script et le storyboard du film, mais aussi pour travailler au scénario de Rambo 2 (qui fut retouché par Sylvester Stallone) et entrer en contact avec les producteurs d’Alien, le 8e passager, pour une suite éventuelle. Le « premier tour de manivelle » de Terminator eut lieu en mars de l’année suivante, mais à Los Angeles cette fois, et cela malgré la blessure à la cheville de Linda Hamilton, quelques jours auparavant.
L’accueil du film
Orion Pictures ne s’attendait guère à un succès au box-office. Cependant, le film fut bien accueilli par le public mais aussi par la critique. Aux Etats-Unis, The Terminator est sorti le 26 octobre 1984 dans 1005 salles. Pour sa première semaine d’exploitation, il a rapporté 4.020.663 dollars, puis 4.219.463 dollars la semaine suivante. Deux résultats qui l’ont placé en tête du box-office U.S.
En France, avant sa sortie dans les salles obscures, le 24 avril 1985, Terminator a été présenté en début d’année au 13e Festival international du film fantastique d’Avoriaz. Le Jury, dont le président n’était autre que Robert De Niro, lui décerna le Grand Prix. Au niveau de son exploitation commerciale, le film est resté en tête du box-office parisien pendant trois semaines. Sur l’ensemble de l’Hexagone, il aura enregistré 3.055.355 spectateurs.
Au total, pour un budget de 6,4 millions de dollars, The Terminator a rapporté 78.4 millions de dollars au box-office international, dont 49 % aux États-Unis (38,4 millions) et 51 % à l’étranger (40 millions).
Primé à Avoriaz, Terminator a également obtenu trois récompenses (sur sept nominations) aux Saturn Awards décernés par the Academy of Science Fiction Fantasy and Horror Films à des films ou programmes de télévision relevant de la science-fiction, de la fantasy ou de l’horreur. Par ailleurs, en 2003, l’American Film Institute a classé le Terminator T-800 comme le 22e plus grand méchant de tous les temps.