Synopsis : Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé qui vise le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.
♥♥♥♥♥
Il est bien trop tôt pour un si gros coup de cœur. Bien trop tôt pour ériger un film en tête de liste des meilleures sorties 2018, au vu de la programmation prometteuse qui nous attend, et pourtant la tentation est grande. Non pas que nous sommes confortés par les quatre Golden Globes remportés, mais bien parce que 3 Billboards : Les Panneaux de la vengeance est bon. Né d’une situation véritablement vécue par le réalisateur et dramaturge Martin McDonagh, ce troisième long métrage commence comme un film de genre. Une enquête policière de plus dans l’Amérique profonde tandis que l’histoire gagne en substance pour se révéler une œuvre beaucoup plus universelle sur des thèmes qui élèvent l’émotion. 3 Billboards est un film sur le deuil, la perte d’un être cher, l’injustice et la quête d’une réparation, mais aussi la violence faite et celle intériorisée en chacun, le tout servi par une galerie de personnages à l’écriture impeccable. C’est aussi un film sur la réconciliation et le pardon. Frances McDormand incarne la première grande héroïne féminine au cinéma du réalisateur irlandais, bien qu’il en ait déjà mis en lumière sur la scène théâtrale. S’il la voulait forte, il en fait une warrior en apparence invincible, bandana sur le front, tel Rambo, et une propension réjouissante à lever le genou pour frapper les parties génitales. Elle donne la réplique à Woody Harrelson, tout en justesse dans le rôle d’un shérif condamné par la maladie et interpelé sur la place publique. Mais aussi et surtout à Sam Rockwell. Il y tient l’un de ses meilleurs rôles, bien que ses précédentes prestations aient toujours été très bonnes. Et puis, mention spéciale à Caleb Landry Jones qui interprète Red Welby, le patron de la régie publicitaire qui accepte de diffuser les messages sur les panneaux. On a pu le voir dernièrement dans Get Out de Jordan Peele.
Sorte de néo-western, où justice doit être faite par et pour soi-même, 3 Billboards se pare d’une mise en scène symbolique, qui invite inévitablement à la réflexion. Dixon (Rockwell) est un policier incompétent et raciste qui bénéficie de la complaisance dérangeante de ses collègues, via sa réputation de « tortionnaire de noirs ». Il opère sa rédemption par les flammes lorsque Mildred met le feu au poste de police et qu’il manque de mourir brûlé vif, après son renvoi par un nouveau supérieur de couleur. Le récit tient le rythme de bout en bout et nous surprend dans l’évolution de cette petite ville fictive, tristement appelée Ebbing, dont les habitants irrécupérables de prime abord peuvent aussi trouver la rédemption. Chacun constitué d’une beauté et d’une tragédie particulières. Les antagonistes valsent avec subtilité pour des alliances déconcertantes si bien qu’on se défait naturellement de nos réflexes d’identification au profit d’une expérience savoureuse que l’humour noir et hilarant de McDonagh sublime.
7 psychopathes, sorti en 2012 et où Harrelson et Rockwell officiaient déjà pour la caméra du réalisateur, faisait montre d’un talent dans l’écriture aux allures tarantinesques. Bons Baisers de Bruges, sorti en 2008, mélangeait avec subtilité, humour et gravité évidente. C’est alors le meilleur de la filmographie de McDonagh qu’on retrouve dans 3 Billboards où l’ambiance générale nous rappelle un bon film des frères Coen. Si sa mise en scène nous séduisait déjà , elle devient ici irrésistible, renforcée par la bande originale profonde et à l’esthétique western de Carter Burwell, collaborateur fétiche de McDonagh. 3 Billboards, -dont le titre original est bien plus efficace- est un excellent démarrage cinématographique pour 2018.
- 3 BILLBOARDS – LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri)
- Sortie salles : 17 janvier 2018
- Réalisation : Martin McDonagh
- Avec : Frances McDormand, Sam Rockwell, Woody Harrelson, Abbie Cornish, Caleb Landry Jones, Peter Dinklage, Clarke Peters, John Hawkes, Samara Weaving…
- Scénario : Martin McDonagh
- Production : Martin McDonagh, Graham Broadbent, Peter Czernin
- Photographie : Ben Davis
- Montage : Jon Grégory
- Décors : Iqbal Weinberg
- Costumes : Melissa Toth
- Musique : Carter Burwell
- Distribution : 20th Century Fox
- Durée : 1h56