Ciné-concert transcendant de Vertigo à la Philharmonie de Paris

Publié par Jérôme Nicod le 4 février 2018
Vertigo - Philarmonie de Paris

Vertigo РPhilarmonie de Paris / PHoto J̩r̫me Nicod

Vertigo est passé en 60 ans du statut d’oeuvre mal-aimée de son réalisateur à celui de film culte, classé en première position de certains classements des meilleurs de tous les temps. La Philharmonie de Paris a rendu hommage à Bernard Herrmann et Alfred Hitchcock les 3 et 4 février, avec la projection de Psychose et de Vertigo.

 

 

 

James Stewart et Kim Novak - Vertigo

James Stewart et Kim Novak – Vertigo

Vertigo (Sueurs Froides) fait partie de ces oeuvres que l’on peut (re)voir et (re)découvrir à chaque vision. L’occasion offerte par la Philharmonie de le faire avec le Britten Sinfonia dans la grande salle Pierre Boulez était immanquable. Sous la direction de Ernst Van Tiel, les 129 minutes du long-métrage d’Hitchcock n’ont jamais paru si évidentes.

 

En donnant à Bernard Herrmann l’occasion de passer au premier plan et de laisser ceux d’Hitchcock en arrière, il offre aux spectateurs la chance unique de comprendre comment compositeur et cinéaste travaillent à un même objectif avec des moyens différents.

 

Bernard Herrmann, réalisateur musical

 

Bernard Herrmann, dont le nom s’efface avec les années pour la génération actuelle, reste encore à ce jour un des maîtres absolus -si ce n’est le meilleur- de la composition pour l’image. « Hitchcock faisait seulement 60% d’un film, je le finissais pour lui », disait-il. On est tenté de le croire par l’exemple. Il a débuté sa contribution au 7ème art avec un chef-d’oeuvre, partagé avec son géniteur Orson Welles : Citizen Kane (1941), suivi l’année suivante par La Splendeur des Amberson. Et puis la carrière de cinéaste de Welles est devenue moins intéressante. Mêmes conséquences pour Hitchcock, dont l’ensemble des longs-métrages après Les Oiseaux (1963) restent en deçà des années d’or du maître du suspense (à l’exception du génial Frenzy, tourné à Londres).

 

Lorsque Hitchcock évoquait Vertigo avec François Truffaut, il se disait déçu par son casting : James Stewart trop âgé et Kim Novak trop démonstrative. Bernard Herrmann n’aimait pas non plus le choix de James Stewart pour le rôle de Ferguson et regrettait que le film n’ait été tourné à Nouvelle-Orléans plutôt qu’à San Francisco ; la première étant plus propice à ressusciter les fantômes. Mais les deux hommes partageaient le même goût pour la psychanalyse.

 

Le troisième génie qui s’est penché sur Vertigo est Saul Bass. Concepteur du générique, de l’ensemble des visuels de la campagne de promotion et de la séquence du rêve, Saul Bass fut également le storyboarder de la scène de la douche de Psychose, projeté ce samedi 3 février. Le film doit énormément à son prélude. Le générique animé de Bass ouvre avec l’orchestre au complet, et musique circonvolutionante d’Herrmann accompagne les spirales qui donnent le vertige.

 

Si Hitchcock laisse à Saul Bass l’honneur d’inaugurer les premiers frissons psychologiques, en démontrant les effets du vertige, il reprend immédiatement le dessus avec les tous premiers plans de la poursuite sur les toits pour en exposer les causes. Le haut d’une échelle dépasse du toit d’où elle est cadrée, deux mains s’accrochent l’une après l’autre au dernier barreau, la caméra recule, un homme avance vers elle. La musique de Herrmann ne s’est pas arrêtée, elle continue de manière magistrale à imposer une sensation d’écrasement, psychologique puis physique, à la fin du prélude.

 

Il faut reconnaître à Ernst Van Tiel le talent d’avoir su diriger avec une réelle fidélité cette séquence musicale majeure dans l’histoire du cinéma.

 

Vertigo - Philarmonie de Paris

Vertigo – Philarmonie de Paris

La musique comme illustration psychologique

 

La musique d’Herrmann n’est pas omniprésente dans Vertigo. Après le magistral prélude, il faut attendre l’apparition de Kim Novak chez Ernie’s pour qu’il sublime l’instant. Les notes d’Herrmann la déshabille dans les yeux de Stewart. Il la suit du regard sous la partition d’Herrmann et l’instant d’après la mélodie l’accompagne alors qu’il la prise en filature, continuant de la suivre, comme il le fera tout le long du film jusqu’au dénouement dans lequel il prend les devants, mais pas l’avantage.

 

La musique de Bernard Herrmann suit les images, l’écoute d’un orchestre au premier plan en facilite l’analyse. Lorsque Kim Novak gare sa voiture dans une ruelle derrière un fleuriste, Stewart suit ses pas, tout d’abord dans une pièce vide un peu étrange puis dans le magasin. Hitchcock joue des contrastes et Herrmann appuie musicalement le trait comme on appuie sur une cicatrice. L’effet est prononcé. La longue suite musicale qui accompagne le spectateur depuis Ernie’s prend fin au cimetière avec le retentissement d’une cloche, qui nous ramène à la réalité. Cette suite, tour à tour lancinante, curieuse, envoutée, amoureuse, est une superbe interprétation de ce qui se passe dans la tête de Stewart. Car la musique ici ne symbolise aucun personnage, mais leur psychologie.

 

Vertigo est-elle la plus réussie des collaborations avec Hitchcock ? La plus profonde par évidence (Pas De Printemps Pour Marnie, sur un même thème psychologique, fera redite musicale), elle est incontestablement parmi les plus belles de l’histoire du cinéma. Il faut lui juxtaposer sa version plus positive, celle de La Mort Aux Trousses, également une histoire de faux semblants, dans un mode ludique.

 

Une ovation en conclusion

 

Vertigo est une oeuvre dans laquelle tout est symbole ; chaque plan, chaque note, chaque couleur (le vert, le rouge…). David Lynch est héritier de ce rare savoir-faire multiple. Jeu de miroirs (le film en est truffé), réalité contre fiction, amour ou obsession. Herrmann manipule musicalement le spectateur. Lorsque Kim Novak se maquille pour que Judy ressemble à Madeleine, Herrmann joue l’introduction du thème du vertige, mais sans poursuivre sur la névrose, il s’arrête à la frontière du plaisir.

 

La qualité acoustique de la Philharmonie confine au plaisir d’entendre deux heures durant un orchestre jouant Bernard Herrmann, un plaisir rarissime. C’est aussi l’unique occasion, pour le moment, d’écouter intégralement la musique, qu’aucun album n’a encore proposé. Des passages entiers manquent encore à l’appel de l’édition.

 

Le final du film, haut en signification et orchestralement culminant, est comme un ultime coup de massue, comme le sentiment d’avoir découvert Vertigo pour la première fois. Mille mercis à la Philharmonie.

 

 

  • CINÉ-CONCERT VERTIGO – HITCHCOCK
  • Britten Sinfonia sous la direction d’Ernst Van Tiel
  • Production : John Goberman
  • Adaptation Orchestrale Live : Pat Russ
  • Superviseur Technique  : Pat McGillen
  • Préparation Musicale : Larry Spivack

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