Ressortie / The Intruder de Roger Corman : critique

Publié par Sévan Lesaffre le 13 août 2018

Synopsis : À Caxton, petite ville du sud des États-Unis, une loi vient de passer autorisant un quota d’élèves noirs à intégrer un lycée fréquenté par des Blancs. Adam Cramer arrive alors sur place pour enquêter auprès des habitants. Cet homme charismatique et beau parleur va rapidement semer le trouble dans la ville et provoquer des troubles racistes… Il perd rapidement le contrôle de la situation lorsqu’un journaliste, révolté par son attitude, décide de s’opposer à lui.

♥♥♥♥♥

 

The Intruder - affiche

The Intruder – affiche

Oeuvre rare et indispensable dans la filmographie de Roger Corman (La Petite Boutique des horreurs, La Chambre des tortures, Le Corbeau), réalisateur cantonné aux séries B, The Intruder est un chef-d’oeuvre incontestable du film noir. Charles Beaumont (L’Enterré vivant, La Malédiction d’Arkham, Le Masque de la mort rouge), célèbre auteur de science-fiction à l’origine des scripts de La Quatrième Dimension, adapte ici son propre roman datant de 1959 intitulé Les Intrus. Rappelant les grandes heures du néoréalisme italien à travers un témoignage d’un temps où la haine, la peur de l’autre et l’intolérance étaient encore la norme d’une certaine Amérique, The Intruder est un long métrage clairvoyant, efficace et ouvertement engagé. Il dénonce, par la force de son propos toujours actuel, la montée du populisme. L’action se déroule au début des années 1960, à Kaxton, charmante bourgade du sud des États-Unis ontologiquement raciste. Y débarque Adam Cramer -interprété par un génial William Shatner, futur capitaine Kirk de la série Star Trek-, agitateur et émissaire d’un groupuscule d’extrême droite opposé aux récentes lois d’intégration qui fixent des quotas d’étudiants noirs à l’université. Brillant tribun se présentant comme un réformateur social, il parvient à soulever la population et à ranimer la haine ségrégationniste.

 

The Intruder

The Intruder

 

Fidèle à ses idéaux contestataires et à sa sympathie pour les marginaux, Corman livre, tout comme Kramer dans Jugement à Nuremberg (1961) ou encore Cassavetes dans Un enfant attend un an plus tard, un drame politique ambitieux à la mise en scène resserrée, laissant transparaître chaque ressort scénaristique. Il oppose d’abord les deux communautés d’une manière presque documentaire puis bascule dans la réflexion sur la manipulation des foules et le mirage du pouvoir oratoire. The Intruder, autoproduit et intégralement tourné dans les décors naturels des petites villes du Missouri, est sans doute le film le plus abouti de toute la carrière du cinéaste. La photographie en noir et blanc signée Taylor Byars est une véritable réussite, tandis que le leitmotiv composé par Herman Stein (L’Étrange Créature du lac noir, Les Survivants de l’infini, L’Homme qui rétrécit) ponctue à merveille la gravité des séquences. La mise en scène, quant à elle, souligne ingénieusement la cinégénie et la solide performance de William Shatner (Jugement à Nuremberg, Star Trek, le film) qui incarne avec brio cet étrange Adam Cramer, individu ingrat, froid et calculateur, dissimulé sous des airs d’honnête homme et de citoyen modèle. Ce dernier, vêtu d’un costume blanc immaculé, exploite et se nourrit de la faiblesse des autres, séduisant même Ella (Beverly Lunsford), la fille de son principal ennemi. « Les Intrus » désignés par le titre français deviennent ici « l’Intrus », rappelant au spectateur qui est le véritable monstre du récit.

 

The Intruder

The Intruder

 

La tension est palpable, l’atmosphère exaltante : la caméra, souvent placée dans des angles impossibles comme souvent chez Roger Corman, « scrute » les personnages et rend compte de leur complexité. Contre-plongées et surimpressions créent ainsi l’espace mental de Cramer —hanté par une croix enflammée—, protagoniste faible, torturé et raciste, mis à l’épreuve par le journaliste Tom McDaniel incarné par Frank Maxwell. Leo Gordon (Le Conquérant, L’Homme qui en savait trop, L’Arme à gauche) et Robert Emhardt (3h10 pour Yuma, Les Incorruptibles, Les Mystères de l’Ouest) tirent également leur épingle du jeu en destituant peu à peu la brute sommeillant en Cramer. De plus, Corman évite ici le traditionnel happy-end et opte pour une fin ouverte sur le sort indéterminé de son personnage principal. « J’avais tort de vouloir faire passer un message. Mieux vaut réaliser des films avec plusieurs niveaux de lecture, et placer dans le sous-texte des idées qui me semblent importantes, en espérant qu’une partie du public les saisira ». Tels sont les regrets du réalisateur. Excellent drame racial injustement boudé à sa sortie, The Intruder demeure incontestablement le meilleur film de son auteur.

 

Sévan Lesaffre

 

 

 

  • THE INTRUDER
  • Ressortie salles : 15 août 2018
  • Version restaurée 4K
  • Réalisation : Roger Corman
  • Avec : William Shatner, Frank Maxwell, Beverly Lunsford, Robert Emhardt, Leo Gordon, Charles Barnes, Jeanne Cooper…
  • Scénario :  Charles Beaumont, d’après son roman
  • Production : Roger Corman et Gene Corman
  • Photographie : Taylor Byars
  • Montage : Ronald Sinclair
  • Décors : George Baur
  • Costumes : Dorothy Watson
  • Musique : Herman Stein
  • Distribution : Carlotta Films 
  • Durée : 1h24
  • Sortie initiale : 14 mai 1962 (États-Unis)

 

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