Résumé : Entre une araignée qui grandit démesurément et un homme qui rapetisse à vue d’oeil, un point commun : Le géant de la peur, Jack Arnold, derrière la caméra. Deux oeuvres majeures du cinéma de science-fiction américain, pour la première fois réunies en coffret dans des copies restaurées Haute-Définition.
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Avec le coffret Géant de la Peur, le cinéaste américain Jack Arnold (1916-1992) s’offre une vitrine de premier choix, lui, qui souvent, a dû se contenter du cercle fermé des cinéphiles et des festivals spécialisés. Étiqueté, un peu rapidement par ces derniers d’ailleurs, cinéaste de science-fiction, voire de fantastique – ses plus grands succès inscrits dans l’Histoire du cinéma étant effectivement dans ce pan du septième art (Le météore de la Nuit, L’Étrange Créature du Lac Noir, L’homme qui rétrécit…) -, Arnold s’est pourtant aventuré dans un peu près tous les genres (comédie, policier, western…), en particulier lors de son fructueux passage entre 1952 et 1957 au sein du studio Universal. Dans Géant de la Peur, ce sont deux de ses oeuvres les plus célèbres de cette période faste d’après-guerre, liées aux progrès scientifiques et à la menace nucléaire, qui s’offrent une seconde jeunesse avec une magnifique restauration d’Elephant Films : L’homme qui rétrécit (1957) et Tarantula! (1955). Le premier, considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre du cinéma de science-fiction, est une brillante adaptation de l’œuvre de Richard Matheson, auteur à succès (La Maison des Damnés, Je suis une Légende, The Box…) mais également scénariste, comme c’est ici le cas, de science-fiction. Il va sans dire que l’efficacité dramatique du film tient pour beaucoup dans la structure scénaristique. Doté d’une narration linéaire, L’homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man) s’accroche au point de vue de Scott Carey (Grant Williams), produit de la middle class américaine, pour distiller un suspense tenu avec une variation de chocs graphiques via des champs-contrechamps souvent remarquables sur le sort tragique réservé à ce personnage, qui perd du poids et rétrécit à vue d’oeil. Confronté au monde rationnel de la médecine, qui s’avère au final totalement inefficace, et à celui du show-biz (clin d’œil aux Freaks de Tod Browning), plus scrupuleux que jamais, Carey se perd dans les lieux communs et autres mobiliers où le cinéaste s’amuse des valeurs d’échelle entre l’homme, sa femme et les objets du quotidien.
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Le sens du cadre d’Arnold fait alors des merveilles, lui qui élaborait ses films à partir de story-board extrêmement précis. Mais très vite le postulat « maladie » disparaît au profit de celui de la « survie ». Chassé par un chat d’une maison de poupée, puis poursuivi par une araignée dans une cave, Carey vit une véritable aventure infernale, le contraignant à s’adapter à son nouvel environnement, plus primitif et brute que l’était le précédent, mais pas moins dangereux. L’efficacité de la narration, aidée par une musique au diapason, fait des aventures gullivériennes de Carey un modèle du genre. Retrouvant ses instincts pour chasser et se nourrir, Carey use de son humanité (fabrication d’armes et de pièges) pour se défaire de ses nouveaux prédateurs. Le tour de force technique d’Arnold est alors de parvenir à intégrer dans le même plan son acteur principal et le soi-disant gigantisme des animaux, tout en faisant preuve d’inventivité formelle dans le choix des cadrages, à l’image de ce travelling arrière frontal où l’araignée fonce littéralement sur le héros (et donc sur le spectateur). Mais le film nous surprend jusqu’au bout lorsqu’il parvient à dépasser la trivialité de la série B en livrant un final bluffant tant par son discours métaphysique et panthéiste que par la faculté de Carey à accepter sa destinée tragique dans l’univers des atomes. Bouleversant.
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Le second film, Tarantula! (1955), est de ce point de vue moins abouti. Si le film débute par une excellente séquence où l’on découvre un homme seul, bossu et défiguré, trébuchant dans le désert dans un silence de mort, le reste du film est sans doute moins généreux en petites anomalies stylistiques et scénaristiques de ce type. Avec une dizaine de jours de tournage et des moyens limités, Arnold ne pouvait réaliser les prouesses techniques vues deux ans plus tard dans L’homme qui rétrécit, mais allait s’assurer, par les furtives apparitions de l’araignée géante, un suspense d’un autre ordre. C’est en tant qu’ombre chinoise que l’araignée devenue géante, suite à une injection de sérum nutritif, exerce une présence mystérieuse et lacunaire sur l’enquête policière qui sert de fil conducteur à un récit qui se perd un peu trop dans la romance simpliste. Le prétexte scientifico-écologique, à savoir trouver un moyen de nourrir la planète en faisant grossir les animaux, évoque aujourd’hui des films, comme Interstellar ou Okja, et ce même côté didactique lorsqu’il s’agit de donner un semblant de réalisme (la maladie d’acromégalie).
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Tarantula! reste toutefois plausible et offre quelques fulgurances, à l’image du plan de l’araignée par la fenêtre, repris dans L’homme qui rétrécit avec le chat, ou encore du plan en vision subjective de ce prédateur avançant, les pattes en amorce, vers sa victime hurlante. On retient surtout la performance et le maquillage du savant fou, le Dr Deemer (Léo G. Carroll, comédien fétiche d’Alfred Hitchcock), conçu par le légendaire Bud Westmore (L’Étrange Créature du Lac Noir, L’Homme qui rétrécit ou encore La chose qui surgit des ténèbres) qui, malgré ses intentions humanistes, se trouve être le responsable de la catastrophe. À la manière du Dr. Frankenstein, sa destinée est liée à celle de sa créature. Le final, bien moins poétique que celui de L’homme qui rétrécit, fait la part belle à l’armée via quelques séquences aériennes, avec, en prime, un Clint Eastwood tout jeune en pilote de chasse, qui retrouve d’ailleurs Jack Arnold après La revanche de la Créature, suite de L’Étrange Créature du Lac Noir. Mais c’est probablement le dernier plan du film qui fascine. Un plan d’ensemble regroupant les survivants qui observent au loin l’araignée en feu ; vision spectaculaire et mélancolique d’un prédateur qui n’a finalement répondu qu’à ses instincts primitifs et n’était en aucun cas pourvue de mauvaises intentions.
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DVD : La restauration image et son de ce Master numérique Haute-Définition, faite par Eléphant Films, confine à l’excellence. Côté bonus, l’éditeur laisse la parole à Jean Pierre Dionnet dans trois vidéos intéressantes et enrichissantes de dix minutes chacune, qui retracent dans les grandes lignes le portrait de Jack Arnold, véritable auteur et grand metteur en scène, ainsi que l’histoire, le casting et le contexte de L’homme qui rétrécit et de Tarantula. Dans sa biographie express, on aurait sans doute voulu en entendre davantage sur le parcours de Jack Arnold, qu’il nous explique – même brièvement – les raisons de son départ du monde du cinéma pour celui de la télévision et des séries à l’orée des années 1960, avec son lot de succès, comme les séries Wonder Woman, La Croisière s’amuse. Ou encore d’interroger les thématiques de ses séries B, leurs récurrences et variations en les comparant à d’autres productions du genre (Des monstres attaquent la ville de Gordon Douglas). Cette Édition Ultime propose toutefois un livret de 40 pages, écrit par Matthieu Rostac, journaliste à  SoFilm, qui retrace plus en détail la carrière du cinéaste et ces deux chefs-d’oeuvre de la science-fiction. Un bon complément aux trois vidéos. L’édition s’achève avec les bandes annonces d’origine exaltantes.
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- COFFRET JACK ARNOLD – GÉANT DE LA PEUR
- Version restaurée en Haute-Définition
- Sortie vidéo : 11 juillet 2017
- Format / Produit : Édition Ultime Combo Blu-ray/DVD (quatre disques) + Livret de 40 pages
- Édition : Eléphant Films
- Tarif : 39,99 €
- Sortie initiale de Tarantula! : 14 décembre 1955 (États-Unis) – 12 octobre 1956 (France)
- Sortie initiale de L’Homme qui rétrécit : avril 1957 (États-Unis) – 17 mai 1957 (France)
- Durée totale : 5h18 (tous les disques)
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