Synopsis : Fonceur, tenace et plein de ressources, Jack, dix ans à peine, est déjà seul responsable de sa famille : son petit frère Manuel, six ans, et leur mère célibataire aimante, mais totalement immature, Sanna, qui travaille la journée et fait la fête la nuit. Mais cet homme de la maison en culottes courtes n’est pas infaillible et un événement va venir bouleverser le quotidien de ce trio. Les services de protection de l’enfance décident alors de retirer la garde des deux garçons à la jeune femme et de placer Jack dans un centre d’hébergement.
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Les frères Dardenne font des émules. Jack d’Edward Berger peut se voir comme le cousin « germain » de Rosetta ou du Gamin au Vélo, puisque cette production nous vient directement d’Allemagne. Sélectionné au Festival de Berlin en 2014, Jack dresse le portrait d’un enfant de dix ans qui voue un amour inconditionnel à sa mère. Coécrit par la scénariste et comédienne Nele Muelle-Stöfen, ce drame social se déroule intégralement à Berlin, dans l’anonymat de la capitale allemande, une jungle dans laquelle déambulent et se perdent Jack et son petit frère Manuel. Après un accident domestique, Jack doit être confié à un foyer des services de protection de l’enfance. Il doit alors se faire à cette « pension » et attend patiemment que sa mère vienne le chercher pour le week-end. Cette mère, tombée enceinte adolescente, vit comme une jeune femme de son âge. Elle passe ses nuits à faire la fête, entre deux conquêtes d’un soir, en faisant confiance à son fils aîné pour s’occuper de son frère, issu d’une autre liaison. Le seul moment de la journée où Jack redevient un petit garçon, c’est lorsqu’il dort profondément avec Manuel. Une scène superbe qui ouvre le film, les deux enfants dormant à poings fermés tandis que la lumière du jour commence à filtrer à travers les rideaux de la chambre. Une image apaisée, solaire et chaleureuse. Mais très vite les responsabilités commencent. Jack se lève précipitamment, prépare le petit déjeuner pour Manuel, veille à ce qu’il ne manque de rien et l’emmène à l’école. La mère est absente, déjà au travail ou pas encore rentrée de sa nuit de folie. Edward Berger place dès lors sa caméra à hauteur d’enfant, notamment celle de Jack. Le cinéaste capte son énergie, ses peurs, sa rage et son amour pour sa mère et son frère, en se servant souvent du plan-séquence. Ce fils, qui a grandi trop vite, ne juge pas le mode de vie de celle qui lui a donné le jour, et accepte la situation sans tristesse apparente. Sa seule crainte est de ne pas avoir de nouvelles d’elle et c’est ce qui finit par arriver au cours d’une nuit où elle demeure injoignable et introuvable. Commence alors une déambulation dans les rues berlinoises, où les deux frères se perdent, mais restent calmes, déterminés et optimistes, sachant que leur mère va tôt ou tard rentrer à la maison.
Là où le bât blesse, c’est finalement du point de vue réalisme. Si Edward Berger est appliqué dans sa mise en scène, il n’atteint pas le naturalisme des frères Dardenne, ni leur radicalité. On a parfois du mal à croire à cette errance de deux jeunes gamins paumés dans cette capitale pendant deux jours et deux nuits, qui n’attirent ni la curiosité des passants ni celle de la police. Heureusement, le réalisateur évite tout misérabilisme et de recourir à quelques envolées musicales pour surligner son propos, par ailleurs très peu dialogué. Le hic est qu’on a souvent l’impression d’avoir déjà vu cette approche au cinéma, à l’instar de l’excellent L’Enfant d’en haut d’Ursula Meier. Jack vaut essentiellement pour la découverte de sa jeune tête d’affiche, Ivo Pietzcker, révélé après un long casting étendu sur huit mois. Sans expérience d’acteur, il s’avère cependant bluffant et magnétique à l’écran. Jack n’est certes pas dénué de défauts, avec notamment un rythme en dents de scie et quelques redondances, mais révèle la sensibilité d’un auteur peu connu dans nos contrées donnant l’envie de creuser sa filmographie.
TEST DVD : Si nous avions envie d’en savoir plus sur le tournage de Jack, cette édition ne comporte hélas qu’un lot de bandes annonces en guise de bonus. En dépit d’un sensible bruit vidéo constatable sur les arrière-plans, le master apparaît très lumineux, les couleurs sont vives, en particulier les bleus et le rouge, et le tournage brut caméra à l’épaule se trouve consolidé par une compression de haute tenue. Toutefois, la luminosité est telle que les détails s’en trouvent légèrement dénaturés mais le relief demeure palpable, la définition est élégante, le piqué tranchant et les séquences diurnes sont chatoyantes. Néanmoins, les scènes sombres sont plus ouatées et moins précises que le reste du film, bien que les ambiances nocturnes restent très agréables. Seule la version originale allemande est disponible sur ce DVD. Le mixage Dolby Digital 5.1 restitue admirablement les dialogues, spatialise et délivre certaines ambiances naturelles. Des petites basses soulignent allègrement l’ensemble. Si l’écoute demeure plaisante en 5.1, même si les dialogues manquent parfois de punch, la stéréo impose une ardeur indéniable et se révèle beaucoup plus proche des volontés artistiques originales.
- JACK réalisé par Edward Berger, disponible en DVD depuis le 7 octobre 2015.
- Avec : Ivo Pietzcker, Georg Arms, Johann Fohl, Luise Heyer, Odine Johne, Johannes Hendrik Langer, Jacob Matschenz, Nele Mueller-Stöfen, Vincent Redetzki, Jacob Matschenz, Sebastian Stielke…
- Scénario : Edward Berger, Nele Mueller-Stöfen
- Production : Jan Krüger, René Römert, Jörg Himstedt, Georg Steinert
- Photographie : Jens Harant
- Montage : Janina Herhoffer
- Décors : Christiane Rothe
- Costumes : Esther Walz
- Musique : Christoph M. Kaiser, Julian Maas
- Edition et Distribution : Diaphana
- Tarif : 19,99 €
- Durée : 1h39
- Sortie au cinéma : 8 avril 2015
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