Synopsis: Rio de Janeiro, août 2016. Les Jeux Olympiques d’été battent leur plein. À quelques pas du stade Maracanã, mais bien loin de l’attention internationale, une communauté de déshérités s’invente un quotidien dans un immeuble désaffecté. Malgré la misère, la violence des gangs et la militarisation du quartier, les occupants survivent avec ingéniosité et résilience. Ignorée par les reportages sensationnalistes, leur parole digne et généreuse témoigne d’un monde de béton et de lumière, où la réalité d’aujourd’hui s’estompe derrière les aspirations pour demain.
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En 2016, les 31e Jeux Olympiques d’été ont eu lieu à Rio de Janeiro. Cette manifestation sportive a été promue comme une opportunité en or pour l’économie brésilienne. Québécoise d’origine et carioca d’adoption, Emilie Beaulieu-Guérette décide de dépeindre une autre façade de cet événement à dimension internationale en montrant son impact sur la population locale exclue. Depuis plusieurs années, la réalisatrice s’engage à travers ses œuvres photos et vidéos pour le droit au logement au Brésil. L’Autre Rio, son premier long-métrage, suit les familles qui occupent un bâtiment désaffecté de l’IBGE (Institut Brésilien de Géographie et Statistiques) dans le quartier de Mangueira, limitrophe du Maracaña où se trouve l’un des plus grands stades de football du monde. C’est dans ce lieu emblématique de la Cidade Maravilhosa que se sont déroulés les cérémonies d’ouverture et de clôture. En adoptant une approche propre au cinéma direct, la vie du squat est filmée caméra à l’épaule, sans ajouter de commentaires pour laisser les images parler d’elles-mêmes. Une toile collective s’esquisse à partir des histoires individuelles que les occupants racontent dans leurs témoignages, ainsi que de celles qu’ils vivent sous les yeux des spectateurs. Bien que l’immersion proposée soit bien ficelée et entre dans une véritable interaction avec l’environnement, les conséquences des JO sur le quotidien des squatteurs semblent quasiment inexistantes. En effet, les expulsions et réoccupations permanentes de ce lieu continuent toujours malgré la fin des Jeux Olympiques, elles ont commencé il y a plus de quinze ans, avant même que Rio de Janeiro soit désignée comme ville d’accueil. Le documentaire aurait gagné en pertinence en adoptant un angle davantage global sur la deuxième plus grande métropole brésilienne au lieu de se concentrer seulement sur les habitants d’un édifice en particulier.
Malgré les plans magnifiques de la vue sur le stade du Maracaña depuis l’immeuble de l’IBGE et les séquences où les résidentes vendent des confiseries aux spectateurs avant le début des épreuves sportives, la majorité de L’Autre Rio pourrait tout aussi bien avoir été tourné à un autre moment sans aucune modification de son contenu. Si l’une des intentions de la réalisatrice est justement de dévoiler que l’opulence promise par cette manifestation prestigieuse ne profite pas à ceux qui sont dans la précarité, le documentaire porte plutôt sur le problème du logement au Brésil en général que sur le bilan des Jeux Olympiques à Rio de Janeiro pour les autochtones. Même en prenant ceci en compte, son retentissement reste moindre par rapport à d’autres long-métrages qui abordent des questions similaires, comme, par exemple, le docu-fiction Era o Hotel Cambridge d’Eliane Caffé.
Pourtant, le constat suggéré dans L’Autre Rio prête à initier des débats enrichissants. Attentive à la protection des protagonistes, la réalisatrice leur a montré une première version afin de s’assurer qu’ils étaient d’accord avec les images portées à l’écran. Emilie Beaulieu-Guérette établit une véritable complicité avec les occupants, surtout les occupantes, tandis que sa caméra observe les lieux. Elle parvient ainsi à traiter un sujet polémique, l’exclusion des populations pauvres pour « nettoyer » les grandes villes brésiliennes, en évitant de tomber dans le sensationnalisme.
- L’AUTRE RIO
- Sortie salles : 10 octobre 2018
- Réalisation : Emilie Beaulieu-Guérette
- Avec : Luciene « Morango », Liana, Rina, Carlos Alexandre “Paulista”, Emilie Beaulieu-Guérette
- Scénario : Emilie Beaulieu-Guérette
- Production : Sarah Mannering
- Photographie : Etienne Roussy
- Montage : Natacha Dufaux
- Musique : Paulo Bottas
- Distribution : Extérieur Jour
- Durée : 1h28