Synopsis : Susie Bannion, jeune danseuse américaine, débarque à Berlin dans l’espoir d’intégrer la célèbre compagnie de danse Helena Markos. Madame Blanc, sa chorégraphe, impressionnée par son talent, promeut Susie danseuse étoile. Tandis que les répétitions du ballet final s’intensifient, les deux femmes deviennent de plus en plus proches. C’est alors que Susie commence à faire de terrifiantes découvertes sur la compagnie et celles qui la dirigent…
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Depuis plus de quarante ans, Suspiria de Dario Argento est une source d’inspiration pour de nombreux cinéastes surtout dans le domaine de l’horreur. Après A Bigger Splash, adaptation contemporaine du classique La Piscine de Jacques Deray, Luca Guadagnino revisite cet autre incontournable du cinéma. Ainsi, le réalisateur de la Trilogie du Désir (Amore, A Bigger Splash, Call Me By Your Name) s’attaque au mythique premier volet de la Trilogie des Enfers d’Argento. Remake bien plus long que l’original, il conserve les grandes lignes de la trame et l’esprit à la base du chef d’œuvre de Dario Argento : un univers surnaturel inspiré de Suspiria de Profundis écrit par Thomas de Quincey superposé à un paysage ouest-allemand réaliste avec des éléments empruntés au giallo. Pourtant, Guadagnino rajoute une autre dimension au film d’horreur pour en amplifier sa complexité et proposer une autre lecture à partir de la même intrigue initiale. Berlin remplace Fribourg et la structure est mise en évidence dès la séquence d’ouverture par les intertitres plaçant le récit atemporel dans une époque et un contexte très précis, celui de l’Allemagne de l’Ouest de la deuxième moitié des années 1970. Le nouveau Suspiria se démarque de l’œuvre matrice dans son esthétique et sa résonance. Conte de fées cauchemardesque se déroulant originellement au pied de la fantasmagorique Forêt-Noire, il prend aussi des airs de fable politique lorsqu’il est transposé dans une ville coupée en deux par la Guerre froide et terrorisée par les attentats de la bande à Baader.
Moins baroque et plus ancré dans un paysage urbain, la version revisitée annonce immédiatement un style plus sobre. Les rares coloris vifs ressortent plutôt en contraste avec la grisaille environnante, laissant de côté les couleurs criardes obtenues par la Technicolor, un procédé qu’Argento avait voulu réutiliser alors qu’il était déjà désuet à l’époque pour obtenir un visuel particulier. La BO inédite est la première composition de Thom Yorke pour un long-métrage. Le chanteur de Radiohead n’inclut aucune référence aux morceaux présents dans l’œuvre originale. Il s’inspire plutôt de la bande sonore du Blade Runner réalisé par Ridley Scott en y ajoutant des touches d’électro, de musique concrète et de krautrock, genre musicale à son apogée au milieu des années 1970 exclusivement représentés par des groupes d’Allemagne de l’Ouest.
Luca Guadagnino développe la perspective féministe de Suspiria, notamment à travers la danse qui a une place plus importante, l’expression des corps de femmes rythme l’évolution de Susie (Dakota Johnson) et de son environnement. Un parti pris reflété par le casting presque entièrement féminin à l’exception des agents de police, même le mystérieux Lutz Ebersdorf n’est en fait autre que Tilda Swinton totalement transformée. En plus du Docteur Klemperer, l’actrice interprète aussi la directrice de la compagnie de danse Helena Markos et la chorégraphe Madame Blanc. Clin d’œil au Suspiria de Dario Argento, Jessica Harper, l’ancienne Susie, revient dans une apparition fantomatique. Si le chef-d’œuvre de Dario Argento reste unique et inégalable, Guadagnino donne une nouvelle interprétation de ce périple fantastico-horrifique intime pour le façonner habilement en témoignage d’un héritage mondial macabre dont le deuil continue de hanter la mémoire collective.
- SUSPIRIA
- Sortie salles : 14 novembre 2018
- Réalisation : Luca Guadagnino
- Avec : Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth, Chloë Grace Moretz, Lutz Ebersdorf, Jessica Harper, Elena Fokina, Ingrid Caven, Angela Winkler, Sylvie Testud, Christine Leboutte
- Scénario : David Kajganich
- Production : Francesco Melzi d’Eril, Marco Morabito, Gabriele Moratti, Luca Guadagnino, David Kajganich, Bradley J. Fischer, William Sherak, Silvia Venturini Fendi, Dario Argento
- Photographie : Sayombhu Mukdeeprom
- Montage : Walter Fasano
- Décors : Inbal Weinberg
- Costumes : Giulia Piersanti
- Musique : Thom Yorke
- Distribution : Metropolitan FilmExport
- Durée : 2h32